Maroc : hommage à Leïla Alaoui, photographe engagée victime de la barbarie

Grièvement blessée dans l’attentat de Ouagadougou, Leïla Alaoui, 33 ans, a succombé à ses blessures lundi, laissant derrière elle une oeuvre photographique engagée sur les thèmes de la diversité culturelle et de la migration.

La photographe franco-marocaine Leila Alaoui a succombé à ses blessures le 19 janvier à Ouagadougou. © Leila Alaoui

La photographe franco-marocaine Leila Alaoui a succombé à ses blessures le 19 janvier à Ouagadougou. © Leila Alaoui

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 19 janvier 2016 Lecture : 3 minutes.

Son décès a causé beaucoup d’émoi au Maroc et ailleurs. Leïla Alaoui, photographe marocaine de renom, est décédée de ses blessures lundi 18 janvier, devenant ainsi la 30e victime des attentats de Ouagadougou.

 © Les Marocains

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Au moment du drame, Leïla était en mission pour Amnesty International. Elle devait préparer une série de portraits de femmes burkinabè dans le cadre d’une campagne intitulée « Mon corps, mes droits » qui vise à sensibiliser l’opinion publique internationale aux violations des droits des femmes au Burkina, notamment en raison des mariages forcés. « Nous avons fait appel à Leïla pour la qualité des portraits qu’elle réalise et aussi parce qu’elle était familière du contexte africain », témoigne Samira Daoud, directrice adjointe régionale chez chez Amnesty International (Afrique de l’Ouest et du Centre), chargée des campagnes.

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Marocains rêvant d’ailleurs

Artiste franco-marocaine, Leïla Alaoui était passionnée par les identités culturelles et la migration. Après des études de photographie à New York, elle était rentrée au Maroc en 2008 et avait commencé une série d’expositions engagées, dont la première fut « No pasara », des portraits de Marocains qui rêvent d’un avenir meilleur de l’autre côté de la Méditerranée. Elle les a pris seuls, au coin d’une rue, près des ruines d’une maison, d’une décharge publique ou devant des fils de fer barbelé. Ils sont perdus. Regard tourné vers l’horizon, ils cherchent leur chemin, bercés par l’espoir – ou peut-être l’illusion – de pouvoir changer de vie un jour.

 © Les Marocains

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En 2014, à l’Institut du monde arabe à Paris (IMA), elle expose « Crossing », une installation vidéo très angoissante sur la traversée interminable des migrants subsahariens depuis leurs pays d’origine jusqu’au Maroc. Sur trois écrans, collés l’un à l’autre, on voit défiler des déserts, des routes et des forêts, avec, en voix off, des migrants qui témoignent de leur vie et de leurs espoirs. « C’est une installation qui veut montrer avec dignité que ce sont des personnes qui sont là [au Maroc, NDLR] parce qu’elles ont fui des guerres, la misère ; et n’importe qui à leur place aurait fait la même chose », avait-elle déclaré au site web Onorient.

Tant qu’il y aura un espoir…

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Le regard de Leïla Alaoui n’a jamais été misérabiliste malgré la dure réalité que son objectif capturait. « Elle rendait compte de cette errance identitaire qui poussent les migrants, malgré les épreuves qu’ils traversaient, à se battre pour exister. Elles les rendaient beaux, lumineux, pleins d’espoir », témoigne Mehdi Alioua. Ce sociologue marocain, président du Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (Gadem), a rencontré Leïla en novembre 2012 pour l’associer, en tant que photographe, au festival « Migrant’ scène » qui vise à combattre le racisme et à promouvoir le dialogue entre les Marocains et les migrants subsahariens.

 © Les Marocains

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Des réfugiés syriens aux immigrés en France, Leïla Alaoui a aidé à lever le voile sur d’autres esprits en détresse. Sa dernière exposition, qui s’est achevée le 17 janvier à la Maison européenne de la photographie (MEP), s’appelle sobrement « Les Marocains », une série de portraits réalisés dans un studio mobile, sur des Marocains vêtus de costumes traditionnels en voie de disparition, presque réduits au folklore, comme ce porteur d’eau avec son chapeau multicolore (guerrab) ou cette femme de la ville d’Essaouira enveloppée par son hayk (drap blanc). Loin de tout orientalisme, elle leur a donné une fierté et une grande élégance dans ses prises de vue.

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Morte dans l’indifférence de la France ?

Au delà du drame humain, le décès de cette photographe dans des circonstances tragiques a nourri une polémique politique au Maroc. Sur Facebook, sa mère Christine, de nationalité française, a exprimé sa colère contre la France, lui reprochant de ne pas s’être occupée de sa fille au moment de son hospitalisation à Ouagadougou. Ce 19 janvier, le président François Hollande s’est contenté d’un hommage à la défunte disant « s’incliner devant sa mémoire ». Quant à Mohammed VI, il a souhaité prendre en charge le transfert de sa dépouille depuis Ouagadougou jusqu’au Maroc, où elle doit être enterrée mercredi 20 janvier.  

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