Attentat de Ouagadougou : « Gendarme d’élite burkinabè, j’ai participé à l’assaut final »

Jeune Afrique a rencontré un gendarme d’élite burkinabè qui a pris part à l’intégralité de l’assaut contre les jihadistes qui ont frappé Ouagadougou le 15 janvier. Voici son récit.

Un gendarme burkinabè devant le Splendid hôtel, le 18 janvier 2015 à Ouagadougou. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Un gendarme burkinabè devant le Splendid hôtel, le 18 janvier 2015 à Ouagadougou. © Sunday Alamba/AP/SIPA

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 20 janvier 2016 Lecture : 4 minutes.

L’unité spéciale d’intervention de la gendarmerie nationale (USIGN) a été au cœur des attaques terroristes survenues à Ouagadougou vendredi soir. Avec les forces spéciales françaises et américaines, cette unité d’élite de l’armée burkinabè, composée d’environ 200 hommes, a mis fin, samedi à l’aube, à l’épopée sanglante des jihadistes qui ont tué une trentaine de personnes au Cappuccino et au Splendid hôtel.

Membre de l’USIGN, Ahmed* a participé à la traque et à la neutralisation des trois terroristes identifiés par les enquêteurs comme les auteurs de l’attentat. Vendredi soir, il est chez lui lorsque les premiers coups de feu retentissent sur l’avenue Kwame N’Krumah, un peu après 19h. Prévenu quelques minutes plus tard par téléphone par ses collègues, il se précipite à sa caserne. « En chemin, j’ai reçu l’appel d’un gendarme dont le frère, qui était au Splendid hôtel, lui faisait état de nombreux tirs dans la rue ». Au QG de l’USIGN, tout le monde comprend rapidement qu’il s’agit d’une attaque terroriste.

Nous ne savions pas s’ils étaient deux, trois, ou plus

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Deux éléments en tenue civile sont immédiatement envoyés sur place pour évaluer la situation et fournir des renseignements à leur hiérarchie. L’un d’entre eux parvient à se rapprocher près du Cappuccino. Couché sous une voiture, il aperçoit un homme en train d’asperger des véhicules d’essence pour les incendier tandis qu’un autre rafale à la kalachnikov sur les clients du restaurant et les passants. Plus de doute : pour la première fois, Ouagadougou est sous le feu d’un commando jihadiste.

À la caserne, décision est prise de se rendre sur zone avec des blindés et du matériel spécifique d’intervention. Ahmed et ses collègues s’équipent de fusils d’assaut, embarquent des boucliers balistiques, et prennent les quelques jumelles de vision nocturne dont ils disposent.

Ils arrivent sur les lieux de l’attaque vers 21h. Alors qu’ils progressent vers le Splendid hôtel, où les assaillants se sont repliés après avoir attaqué le Cappuccino, ils essuient de premiers tirs. « Ils étaient très mobiles et nous avions du mal à les repérer dans l’hôtel. Nous ne savions pas non plus s’ils étaient deux, trois, ou plus », raconte-t-il. L’ordre est donné à sa colonne de contourner le bâtiment pour se positionner à l’arrière de celui-ci. Des « coups de sonde » sont tirés pour contraindre les jihadistes à répliquer et être localisés. Sans succès.

Un soldat français devant moi a été touché à la cuisse

« Vers 22h30, nous étions prêts à monter à l’assaut, se rappelle Ahmed. Nous attendions le feu vert de nos supérieurs lorsque nous avons appris que les forces spéciales françaises étaient en route pour nous aider et qu’il fallait les attendre ». Deux longues heures passent, durant lesquelles des tirs sporadiques ne font heureusement pas de victimes supplémentaires. Dépêchés en urgence de Gao, au Mali, où ils étaient en opération, les soldats d’élite français arrivent finalement vers 00h30. Après quelques minutes de prise de contact et de coordination derrière le mur de l’hôtel, l’assaut est lancé.

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Français en tête, Burkinabè en appui, la colonne d’une cinquantaine d’hommes dont fait partie Ahmed entre dans le Splendid par une petite porte arrière donnant sur la piscine. « Dès que nous avons franchi la porte, nous avons été visés par des tirs. Un soldat français devant moi a été touché à la cuisse. Moi-même, je ne suis pas passé loin », souffle-t-il en montrant une éraflure de balle sur son treillis. Le blessé mis à l’abri, la colonne parvient à pénétrer au rez-de-chaussée. Elle monte au premier étage, puis au second. Là, elle essuie des tirs provenant de l’autre côté de la rue – probablement du Yibi hôtel, un établissement en travaux situé en face du Splendid.

Des terroristes prêts à mourir

« C’est au deuxième étage que nous avons commencer à évacuer les premiers clients, poursuit Ahmed. Nous en avons retrouvé d’autres au troisième et au quatrième, mais pas de trace des terroristes ». Vers 4h, l’hôtel a été entièrement ratissé par les hommes de l’USIGN et les forces spéciales françaises et américaines, également venues en soutien. Tout le bâtiment est à nouveau soigneusement fouillé et sécurisé, pour s’assurer que les assaillants ne s’y cachent pas.

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Les tirs de ces derniers sur une équipe déployée dans la rue permet enfin de les localiser : ils se sont réfugiés au niveau du Taxi-Brousse, un bar en face du Splendid hôtel. Aux alentours de 5h, un blindé équipé d’une mitrailleuse s’avance au milieu de l’avenue pour couvrir la colonne d’Ahmed et lui permettre de traverser la chaussée. Le véhicule est immédiatement pris pour cible par les terroristes qui se sont retranchés à l’intérieur du bar.

Ahmed et ses équipiers sont positionnés à quelques mètres, dans l’hôtel Yibi. « Vers 6h, un des jihadistes a tenté une sortie en lançant une grenade vers le blindé. Il a été immédiatement abattu par nos hommes ». Une trentaine de minutes plus tard, ses deux complices sortent à leur tour sur la terrasse, kalachnikovs à la main et prêts à en découdre. Eux aussi sont mitraillés sur le champ.

Ahmed et son unité ne le savent pas encore, mais l’assaut est terminé. Ils seront définitivement rassurés une fois l’intégralité du Taxi-Brousse et de ses environs ratissés, vers midi, après 15 longues heures d’une opération anti-terroriste sans précédent au Burkina.

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* Son nom a été modifié pour préserver son anonymat.

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