Hien Sié : « Entre Tanger et Durban, il y a une place pour un hub, nous voulons la prendre »

L’activité a repris, mais les défis restent nombreux pour le patron du port autonome d’Abidjan (PAA). Pour relancer le poumon économique de la Côte d’Ivoire, il devra mener à bien sa restructuration et définir un vaste plan d’investissements.

Le nouveau dirigeant du PAA, Hien Sié, a pris ses fonctions en avril 2011. © Vincent Fournier/J.A.

Le nouveau dirigeant du PAA, Hien Sié, a pris ses fonctions en avril 2011. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 1 février 2012 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Près de dix mois après la fin du conflit, où en est l’activité du Port autonome d’Abidjan (PAA) ?

Hien Sié : En avril, le port a repris ses activités après un temps d’arrêt complet. Nous avons commencé laborieusement, avec 1 navire par jour en avril-mai 2011. Depuis, nous avons retrouvé un rythme normal de 8 navires par jour. L’activité a repris grâce au redémarrage économique et à la volonté des opérateurs de l’hinterland de revenir à Abidjan. Nous pensons avoir achevé l’année 2011 avec un recul de 15 % à 20 % de l’activité par rapport à 2010. Et le chiffre d’affaires devrait se situer à 42 milliards de F CFA [64 millions d’euros, NDLR], contre 47 milliards en 2010.

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Tous les acteurs du port, y compris privés, ont-ils retrouvé leur activité ?

Grosso modo, chacun a repris sa place, avec des fortunes diverses. Le conteneur est un segment du marché qui a bien repris.

Quelles sont vos perspectives pour 2012 ?

L’année s’annonce bien. Les conditions de sécurité s’améliorent, le climat est apaisé, la croissance économique du pays est attendue entre 5 % et 8 %. Dans ce contexte, le PAA espère augmenter ses parts de trafic. En termes de tonnage, nous avons réalisé 22 millions de tonnes en 2010, 17 à 18 millions en 2011, et nous espérons raisonnablement atteindre 24 à 25 millions de tonnes en 2012, sinon plus, aidés en cela par l’essor des échanges avec l’hinterland.

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Avez-vous mesuré le manque à gagner causé par la crise ?

Avant 2004, le Burkina Faso, le Mali et le Niger faisaient passer environ 70 % de leur trafic par la Côte d’Ivoire. Au mois d’août dernier, ce chiffre était tombé à 30 %. Ces pays ont dû trouver de nouvelles voies. Ils sont passés par d’autres ports de la sous-région. Mais ils n’attendent que l’occasion de revenir à Abidjan. Nous sommes allés voir les opérateurs pour les rassurer. En matière de sécurité et de fluidité des corridors, une commission mise en place par l’État doit démanteler les barrages routiers. Sur le corridor de transit Nord, on en compte six officiels. Les frais d’escorte sont passés de 100 000 F CFA à 25 000, puis à 20 000.

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Mais tout n’est pas encore rentré dans l’ordre. Quels problèmes demeurent ?

Le PAA est longtemps apparu comme un leader naturel sur la côte ouest-africaine, mais dix ans de gestion difficile et d’absence d’investissements ont grignoté notre avantage concurrentiel. Nos faiblesses sont d’abord structurelles : le canal de Vridi ne peut accueillir des navires de plus de 260 m, le tirant d’eau ne peut dépasser 11,5 m dans le port, et les coûts de passage sont élevés. La performance de la plateforme portuaire est aussi liée à celle du réseau ferroviaire et à l’état des routes. À partir de ce constat, nous allons établir une stratégie de relance.

Pouvez-vous déjà la détailler ?

Elle s’articule autour de la réhabilitation des infrastructures existantes, très dégradées. Il s’agit de les moderniser et de les renforcer par la réalisation d’infrastructures permettant l’accueil de navires plus grands, notamment l’élargissement et l’approfondissement du canal de Vridi.

On parle d’une restructuration du PAA, avec des suppressions d’emplois. Qu’en est-il ?

Au sortir de la crise, le PAA s’est engagé dans une restructuration globale de sa gestion. Ainsi, au niveau des ressources humaines, nous avons constaté que les effectifs étaient pléthoriques, ce qui a conduit à un émiettement des tâches ; la masse salariale représente 38 % du chiffre d’affaires. Des réformes sont en cours pour réduire ce ratio à 25 % à l’horizon 2013. Cela passe par des mesures telles que l’authentification des diplômes, la détermination des effectifs optimaux par activité et l’incitation au départ volontaire.

La masse salariale du PAA représente 38 % du chiffre d’affaires. Des réformes sont en cours pour réduire ce ratio à 25 % à l’horizon 2013.

Le projet de deuxième terminal à conteneurs sur l’île Boulay est-il encore d’actualité ?

Le besoin d’un second terminal à conteneurs est réel. Quand on voit que certains ports de la sous-région ont adapté leurs infrastructures aux grands navires à fort tirant d’eau, il faut aller vite. Si nous avions les moyens de nous installer rapidement sur l’île Boulay, nous disposerions d’un espace de 600 ha pour implanter des industries. Mais les coûts sont très importants. C’est pourquoi nous explorons la voie d’un réaménagement des structures existantes, car le port actuel dispose de 6 km de quai dont une partie est sous-occupée. Le problème que nous avons concerne le tirant d’eau. Avec un investissement approprié, on peut créer, sur les installations existantes, des infrastructures permettant de résoudre ce problème.

Il n’en demeure pas moins qu’il nous faut disposer dans les trois ou quatre ans à venir d’un second terminal à conteneurs opérationnel sur le port d’Abidjan.

Abidjan est-il toujours dans la course pour être un hub régional ?

Entre Tanger et Durban, il y a une place pour un hub, nous voulons la prendre. Les investissements stratégiques que nous comptons réaliser nous conforteront dans cette position.

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