Allemagne : y a-t-il une mafia marocaine à Cologne ?
Après les violences de la nuit de la Saint-Sylvestre en Allemagne, les migrants originaires d’Afrique du Nord sont pointés du doigt. Poussant les autorités allemandes a révéler l’existence, depuis 2014, d’une commission spéciale plaçant sous surveillance un réseau criminel maghrébin. Explications.
En Allemagne, les vols et agressions à caractère sexuel commis sur des centaines de femmes le soir du 31 décembre 2015, à Cologne et dans d’autres villes comme Stuttgart et Hambourg, par des groupes d’hommes décrits comme « arabes ou nord-africains », ont placé la criminalité d’origine maghrébine sous les feux de l’actualité outre-Rhin, où 1,1 million de réfugiés sont arrivés dans le pays en 2015. Face à ce phénomène criminel récent dans l’État régional de Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW), région la plus peuplée d’Allemagne, la police de Düsseldorf a révélé qu’elle surveillait depuis 2014 plus de 2 000 individus dans le cadre d’une enquête nommée « projet Casablanca ».
Qu’est-ce que la « SoKo Casablanca » ?
« SoKo Casablanca », abréviation de Sonderkommission (commission spéciale), est le surnom donné par les médias allemands au « projet Casablanca », mené par la police de Düsseldorf (capitale de la Rhénanie) entre juin 2014 et fin 2015 afin de surveiller et d’analyser la délinquance nord-africaine dans la ville, en hausse depuis des années. L’écrasante majorité des 2 244 suspects identifiés au cours de ces 18 mois sont originaires du Maghreb. 1 256 sont Marocains et, selon la police, impliqués dans des milliers de délits. Il s’agit en grande partie de jeunes hommes de moins de 30 ans, récemment immigrés en Allemagne.
Le « projet Casablanca » est désormais bouclé mais la police n’a pas encore décidé si elle créera ou non une cellule spéciale dédiée à lutte contre la délinquance maghrébine.
Y a-t-il une criminalité maghrébine spécifique en Allemagne ?
Contacté par Jeune Afrique, Markus Niesczery, porte-parole de la police de Düsseldorf, explique que ces délinquants agissent essentiellement dans la rue. Ils se sont spécialisés dans les vols de téléphones portables ou de sacs. Ils utilisent souvent une technique que les policiers surnomment « le coup du danseur » : l’individu détourne l’attention de sa victime tandis qu’un complice la dévalise. « Ces réseaux sont parfois actifs dans le trafic de cannabis ou de cocaïne », ajoute-t’il.
La police récuse toute structure de type mafieux, dirigée par un boss tout-puissant
Peut-on parler d’une mafia maorcaine ?
La police récuse toute « structure de type mafieux, dirigée par un boss tout-puissant », bien que les médias évoquent fréquemment une « mafia marocaine ». Le quartier d’Oberbilk, près de la gare de Düsseldorf, surnommé « petit Maghreb », est loin d’être mis en coupe réglée par la pègre locale. Ses habitants, qui coopèrent avec la police, « sont bien souvent les premières victimes de cette criminalité », rappelle le porte-parole.
« Cependant, les criminels sont organisés en réseaux, à Düsseldorf et ailleurs », concède Markus Niesczery. Par petits groupes, ils utilisent Facebook pour se donner rendez-vous à un lieu précis où ils vont commettre leurs délits.
Ces réseaux sont-ils responsables des agressions de Cologne ?
La police se borne à indiquer que « la probabilité est grande » que certains agresseurs de Cologne soient aussi actifs dans les réseaux criminels maghrébins de Düsseldorf et de la région. Trente suspects ont été interpellés après les agressions de la soirée du Nouvel an, dont 25 sont originaires du Maroc et d’Algérie. À ce jour, 821 plaintes ont été déposées à Cologne, tandis que 113 victimes ont également porté plainte à Düsseldorf, à 40 kilomètres plus au Nord.
Un rapport officiel qui a fuité cette semaine dans le quotidien Die Zeit indique que les agresseurs de Cologne ont probablement agi de manière spontanée. « Les délits n’ont été planifiés ni dans le temps ni par une quelconque hiérarchie », concluent les autorités régionales.
Ces réseaux criminels n’hésitent pas à recruter des réfugiés dans les foyers d’accueil
Quel lien entre cette criminalité et la crise des réfugiés ?
Alors que l’Allemagne continue d’être confrontée à une arrivée massive de réfugiés principalement syriens, afghans ou irakiens, suscitant des inquiétudes grandissantes au sein de la population et un rejet total de la part des groupes proches de l’extrême droite, la question de l’implication de réfugiés dans les agressions de Cologne, et plus généralement dans les activités criminelles, est cruciale. Ainsi, parmi les 30 suspects identifiés, 15 sont des demandeurs d’asile. « Ces réseaux criminels n’hésitent pas à recruter des réfugiés dans les foyers d’accueil », déplore la police de Düsseldorf.
Quelles motivations les poussent à commettre ces délits ?
Ces jeunes hommes « n’ont ni argent ni perspectives d’insertion sociale, et souvent aucun papiers », explique Martin Zillinger, ethnologue à l’Université de Cologne et spécialiste des migrants marocains en Europe. Pour le chercheur, ils viennent en Europe alors qu’ils savent bien souvent qu’ils n’auront pas le droit de rester. Mais ils savent aussi qu’avant leur expulsion, ils auront « deux ou trois ans » pour gagner de l’argent, par tous les moyens, sachant qu’ils ne peuvent pas obtenir de permis de travail.
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