En RDC, les réfugiés burundais du camp de Lusenda craignent pour leur sécurité
« Même ici, on a peur des Imbonerakure, ces jeunes armés du régime. Nous voulons vraiment qu?on nous éloigne de la frontière ». Comme Élias Ngahobahe, de nombreux Burundais du camp de réfugiés de Lusenda, dans l?est de la République démocratique du Congo, craignent pour leur sécurité.
« Nous sommes très inquiets dans ce camp car nous sommes trop proches des frontières burundaises », explique Sauda Nibiza, 20 ans. Certains affirment « avoir aperçu quelques hommes des services de sécurité burundais sur la route nationale », ajoute-t-elle, « ça nous fait très peur ».
Quelque 14.000 personnes de tous âges vivent au camp de Lusenda, dans la province du Sud-Kivu, à environ 70 kilomètres du Burundi par la route, mais à seulement 35 kilomètres à travers le lac Tanganyika, frontière poreuse où s’activent toutes sortes de contrebandiers.
Depuis la candidature fin avril du président burundais Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, et plus encore après sa réélection en juillet, le Burundi traverse une profonde crise. L’opposition, la société civile et même une partie du camp présidentiel jugent cette réélection contraire à la Constitution et à l’Accord d’Arusha qui a mis fin à la guerre civile (1993-2006).
Le pays s’installe progressivement dans une violence qui a déjà fait près de 450 morts et contraint à l’exil plus de 200.000 personnes (essentiellement en Tanzanie et au Rwanda), selon l’ONU.
A Lusenda, la beauté du paysage entre des montagnes verdoyantes et les eaux bleues du lac Tanganyika ne chasse pas des esprits la hantise d’infiltrations et d?attaques des Imbonerakure. Gérard Nshimirimana, tambourineur, craint « d?éventuelles incursions des services de sécurité burundais ».
La musique envoûtante des « intore » (joueurs de tam-tam) déborde du camp et accueille les visiteurs bien avant leur entrée dans cette enceinte de 300 hectares sur un sol argileux.
Pas d’autre camp
A côté des percussionnistes, on vient se faire faire une coupe dans un petit salon de coiffure de fortune.
Au pied de palmiers ou dans des champs de maïs, des enfants visiblement affaiblis sont assis devant des huttes construites à l’aide de bâches portant l’estampille du Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR).
Les mères, comme le président des réfugiés du camp, Faustin Nihibizi, se plaignent d’un manque de nourriture et disent eux aussi craindre pour la sécurité alors que les rumeurs d?infiltrations de miliciens se multiplient.
Début janvier, deux personnes ont été blessées lors de heurts entre policiers congolais et manifestants du camp demandant des rations alimentaires plus abondantes, a déclaré à l’AFP Andreas Krichhof, porte-parole du HCR pour la RDC. L’événement est encore bien présent dans les esprits.
Fatuma Narukundo, 26 ans, vit dans le camp avec son mari et leurs quatre enfants. Elle dit s?être opposée au troisième mandat de M. Nkurunziza. « Mon mari est parti le premier à Lubumbashi », la grande ville du sud-est de la RDC, où il espérait trouver du travail, mais selon elle, la famille a été contrainte par les autorités congolaises de s’installer à Lusenda.
L’est de la RDC est déchiré par des conflits armés depuis plus de vingt ans. Les autorités congolaises rappellent régulièrement que le pays a dû accepter en 1994 d’accueillir plus d’un million de réfugiés rwandais (au Nord et au Sud-Kivu) après le génocide perpétré cette année-là au Rwanda, et que cet afflux massif a contribué a déstabiliser considérablement la région.
« Nous excluons pour le moment le projet d’ouvrir un autre site pour accueillir les réfugiés burundais », a déclaré à l’AFP Berthe Zinga, coordonnatrice de la Commission nationale des réfugiés.
Mme Zinga justifie cette position par le fait que le camp a « une capacité de plus de 20.000 personnes », non encore atteinte, et que, selon elle, 30 à 40% des réfugiés burundais en RDC « sont dans des familles d’accueil ».
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