Maroc : l’assurance agricole de Saham fait polémique

La police d’assurance agricole de la compagnie dont le ministre Moulay Hafid Elalamy est l’actionnaire majoritaire fait des vagues dans l’opinion après qu’elle a été choisie par les pouvoirs publics. À tel point que Saham en a suspendu la commercialisation. Récit.

Moulay Hafid Elalamy, patron du groupe Saham. © Bruno Levy/J.A.

Moulay Hafid Elalamy, patron du groupe Saham. © Bruno Levy/J.A.

fahhd iraqi

Publié le 26 janvier 2016 Lecture : 2 minutes.

Tout démarre le 20 janvier. Saham Assurances, compagnie qui appartient à Moulay Hafid Elalamy (ministre de l’Industrie estampillé Rassemblement national des indépendants), signe une convention avec les départements de l’Agriculture et des Finances, une convention pour la commercialisation d’une police d’assurance.

Destiné à couvrir les récoltes des agriculteurs contre le risque climatique, le produit répond à un véritable besoin. Surtout que la campagne agricole 2015-2016, marquée par la sécheresse, compromet sérieusement les récoltes. Mohamed Boussaid, ministre des Finances, à la fin de la cérémonie de signature de la convention, s’enthousiasme très vite pour annoncer que déjà « un million d’hectares sont couverts ». Il ne pouvait présager de l’ampleur qu’allait prendre la tournure des événements…

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Procès d’intention

Une partie de la presse marocaine va très vite interpréter cette convention comme un deal passé entre ministres à gros portefeuilles. Les trois départements ministériels concernés étant tous étiquetés RNI, le produit financier est vu comme un cadeau fait à la compagnie d’assurances de Moulay Hafid Elalamy par ses collègues.

Un raccourci qui relègue au second plan les spécificités financières de cette assurance. « C’est un produit plus compétitif que celui proposé jusque-là par la Mamda (mutuelle des agriculteurs). Non seulement il permet à l’État d’économiser 40 millions de dirhams (3,7 millions d’euros) en termes de coût de réassurance, mais il a aussi l’avantage d’être mieux distribué à travers le réseau étoffé de Saham », nous explique une source au département des Finances.

De plus, cette assurance agricole n’a jamais été exclusive à la seule Mamda qui avait signé en 2011 une convention avec l’État où elle « s’engage à entreprendre les démarches nécessaires, afin de proposer aux autres assureurs d’adhérer à ce produit ». Mais si aucune compagnie ne s’est lancée jusque-là, c’est que le jeu n’en valait pas la chandelle. « La rentabilité de ce genre de produit n’est pas évidente au vu du risque couvert », poursuit notre source.

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En attendant les autres…

Ces arguments ne trouvent pas écho auprès de l’opinion publique qui continue à voir dans la convention de Saham un marché accordé à des conditions contestables. Le ministre de l’Agriculture a beau crier sur les toits qu’il est prêt à signer des conventions avec toute compagnie qui lancerait un produit similaire, la polémique ne désenfle pas.

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Face à la pression, Moulay Hafid Elalamy donne des instructions à sa compagnie d’assurances pour faire machine arrière – quoiqu’il a abandonné toute fonction exécutive dans la compagnie et a nommé Saâd Bendidi directeur général délégué. Le 24 janvier, Saham publie un communiqué pour annoncer qu’elle suspend « l’application de la convention, en attendant l’adhésion à ce produit de l’ensemble des autres compagnies intéressées, suite à l’appel lancé par le ministère de l’Agriculture ».

Vingt quatre heures plus tard, les compagnies d’assurances concurrentes prennent officiellement position. Un autre communiqué, cette fois-ci de la fédération des assurances (FMSAR), est diffusé pour affirmer que « d’autres acteurs vont manifester, dans les plus brefs délais, leur volonté de signer avec le ministère de l’Agriculture des conventions similaires » à celle de Saham. La preuve, que les compagnies d’assurances n’ont rien à reprocher à leur concurrent. Alors que dans ce secteur, on ne se fait généralement pas de cadeaux…

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