Henri-Claude Oyima : « La Côte d’Ivoire sera le pivot de BGFI en Afrique de l’Ouest »
Porté par un contexte économique favorable sur ses marchés, le groupe bancaire gabonais BGFI affiche de bons résultats en 2011. Son patron, Henri-Claude Oyima revient sur ces performances et explique sa nouvelle stratégie.
À la tête de BGFI Bank (ex-Paribas Gabon) depuis 1986, Henri-Claude Oyima, 55 ans, s’efforce de bâtir un groupe régional. Après son implantation réussie en Afrique centrale, où il est numéro un, le groupe s’attaque à l’ouest du continent, avec l’ouverture de filiales au Bénin (mai 2010) et en Côte d’Ivoire (janvier 2012). Mais ce proche de la famille Bongo doit faire face à une concurrence croissante des groupes bancaires internationaux sur son marché domestique.
Jeune Afrique : Pour la deuxième année consécutive, BGFI Bank annonce de très bons résultats. Sur quoi reposent ces performances ?
Henri-Claude Oyima : L’exercice 2011 aura été le meilleur que le groupe ait jamais réalisé. Notre stratégie de diversification, conjuguée à notre capacité d’intervention beaucoup plus grande que celle de certains de nos confrères, nous a permis de tirer bénéfice d’un contexte économique favorable dans nos principaux pays que sont le Gabon et la Guinée équatoriale. La nouvelle organisation du groupe, avec la mise en place d’une maison mère [BGFI Holding Corporation, NDLR], a permis aux dirigeants d’être plus présents et d’accompagner les filiales qui souffrent. De fait, en 2011, notre total de bilan a atteint 2 284 milliards de F CFA [3,5 milliards d’euros] et le produit net bancaire [PNB] a progressé de 55 % sur un an, à 127,9 milliards de F CFA.
Profil
1986 Administrateur-directeur général de Paribas Gabon, trois ans après avoir intégré la banque, qui deviendra BGFI Bank en 1996
2005 Président de la Confédération patronale gabonaise
2008 Président du Club des dirigeants des banques et établissements de crédit d’Afrique.
Un total de bilan supérieur à 2 000 milliards de F CFA, c’était votre but pour 2015. Vous êtes-vous fixé de nouveaux objectifs ?
En août 2011, quand nous approchions un total de bilan de 2 000 milliards de F CFA, nous avons revisité notre plan stratégique. Nous voulons désormais atteindre les 5 000 milliards de F CFA en 2015. Mais en termes d’expansion géographique, nous visons toujours quinze pays à cet horizon [contre dix aujourd’hui]. Nous irons plus loin si cela est vraiment nécessaire. Autre nouveauté dans notre plan stratégique : nous transformerons, dès cette année si nous obtenons toutes les autorisations, notre société de microfinance Loxia en une filiale de banque de détail. Une soixantaine d’agences devront être ouvertes à travers tout le pays, afin de nous rapprocher un peu plus des populations et contribuer à accélérer la bancarisation du pays. Cette expérience gabonaise sera exportée dans d’autres pays si les résultats sont satisfaisants.
Vous êtes présents dans dix pays, mais vos résultats sont surtout tirés par le Gabon. N’est-ce pas une faiblesse pour un groupe qui se veut régional ?
La contribution du Gabon à nos résultats est certes plus importante que celle des autres filiales, mais plus de la moitié de nos revenus proviennent de l’extérieur. Que ce soit pour le PNB, les dépôts ou le résultat net, le réseau international représente en moyenne plus de 55 % de nos chiffres. Et cette proportion augmentera forcément au fil des ans. Outre le Gabon, nos filiales congolaise [Congo-Brazzaville] et équato-guinéenne réalisent de très bonnes performances. Au Bénin, où nous venons de boucler notre premier exercice complet, nous sommes déjà bénéficiaires [avec un résultat net d’environ 500 millions de F CFA en 2011], alors qu’en règle générale les nouvelles filiales démarrent avec des résultats déficitaires. Sur ce marché, nous finançons déjà des opérations dans la filière coton, l’activité portuaire… Et nous capitalisons sur le flux important entre le Gabon et le Bénin.
Avec les nouvelles orientations économiques au Gabon, le pays attire de plus en plus de groupes étrangers menaçant les positions des banques traditionnellement implantées. Cela vous inquiète-t-il ?
Plus le secteur comptera d’acteurs, plus ce sera intéressant pour les clients, qui auront davantage de possibilités de financement. En tant qu’acteur principal du marché, avec environ 50 % des parts, autant en termes de crédits accordés à la clientèle que de dépôts collectés, il va de soi que nous ferons tout pour maintenir nos positions. Les nouveaux intervenants auront besoin de temps pour asseoir leur stratégie.
BGFI en chiffres (année 2011, en euros)
Total de bilan 3,5 milliards (+64%)
Produit net bancaire 195 millions (+55%)
Résultat brut d’exploitation 93,8 millions (+95%)
Résultat net 51 millions (+41%)
Il n’empêche que l’Union gabonaise de banque [UGB], filiale du marocain Attijariwafa Bank, ou Ecobank Gabon gagnent rapidement des parts de marché…
Il est évident que lorsque de nouveaux acteurs arrivent on assiste à une redistribution des cartes. Nous nous prêtons bien au jeu de la concurrence, mais nous ne le ferons pas aux dépens de la rentabilité du groupe.
Vous arrivez en Côte d’Ivoire. Quelles sont vos ambitions ?
Nous visons exclusivement le marché des entreprises. En Côte d’Ivoire, nous allons financer pour des montants importants des opérations dans les secteurs pétrolier, minier et de la distribution. Nous voulons faire de ce pays le pivot de notre développement en Afrique de l’Ouest.
Les analystes estiment que vous vous positionnez sur un créneau très concurrentiel et que vous disposez de très peu de marge de manoeuvre face aux établissements en place…
Le marché ivoirien est très concurrentiel, c’est vrai. Mais nous disposons d’un savoir-faire que nous allons développer, de suffisamment de fonds propres qui nous donnent une grande capacité d’intervention et, enfin, d’une équipe de professionnels qui connaît très bien ce marché. Donnons-nous rendez-vous dans deux ans pour analyser les résultats de BGFI Côte d’Ivoire.
Quelle est votre prochaine destination en Afrique de l’Ouest ?
Nous avons eu un fort développement ces trois dernières années. Nous pensons consacrer l’année 2012 à la consolidation de toutes nos nouvelles implantations, en mettant en place une bonne gouvernance. Notre mouvement d’expansion reprendra en 2013, à moins qu’il y ait une opportunité qu’on ne puisse pas laisser passer.
Les grands groupes internationaux manifestent de plus en plus d’intérêt pour l’Afrique. Les banques africaines ont-elles une carte à jouer face à ces groupes ?
C’est vrai, on parle beaucoup de l’intérêt croissant des banques occidentales pour l’Afrique, mais je n’y crois pas. Je pense que c’est un effet de mode. Les banques africaines doivent se restructurer et s’organiser pour accompagner leurs économies. Par ailleurs, les États africains doivent faire confiance à leurs établissements bancaires. Les réserves de nos pays doivent être placées dans les banques africaines, pour leur permettre d’être financièrement plus solides et financer les grands projets dont le continent a besoin.
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