Bientôt incontournables, les énergies renouvelables ?
Karim Megherbi est président de Hélios Energie.
Énergie : que la lumière soit !
Sans électricité fiable et bon marché, pas de véritable développement du continent. Or le taux d’électrification de l’Afrique subsaharienne, d’environ 30 % début 2009, selon le rapport annuel 2011 de l’Agence internationale de l’énergie, est le plus faible au monde, avec moins de 15 % dans les zones rurales et 60 % dans les zones urbaines. Sur place, les grandes industries sont le plus souvent contraintes d’investir dans leurs propres sources de production d’électricité, ce qui limite leur compétitivité et ralentit l’augmentation de leurs capacités de production. Cela freine aussi l’investissement des petites et moyennes entreprises, pour lesquelles l’électricité est très chère, d’un accès difficile, et d’une faible qualité qui accélère la dégradation du matériel. En outre, l’absence d’électricité entraîne une perte de productivité, diminue la création d’emplois, affecte le quotidien des populations, voire diminue leur espérance de vie en compliquant les interventions médicales dans les zones isolées.
Face à cette situation, les États se sont organisés en pools électriques régionaux pour mettre en place des stratégies à horizon 2030. Le développement des interconnexions et des grandes centrales hydrauliques ou thermiques performantes, notamment à gaz à cycles combinés, contribue ainsi avec succès à la baisse du coût moyen de production du kilowattheure – en particulier lorsque ces centrales utilisent des ressources naturelles disponibles localement – et à une large diffusion de cette électricité. En parallèle, les pays étendent et améliorent leurs réseaux de distribution et leurs capacités de gestion commerciale.
Alors que ces initiatives portent leurs fruits, la situation reste critique dans de nombreux pays et les délestages ne semblent pas diminuer. La raison de ce bilan mitigé ? Tout d’abord, le temps requis pour le développement de ces infrastructures, souvent supérieur à dix ans. Les installations temporaires et coûteuses, comme les centrales diesel ou au fioul, deviennent alors des réponses de moyen terme retardant la mise en place de solutions pérennes. Les achats d’hydrocarbures pèsent sur les balances de paiement et absorbent une partie parfois importante du budget des États, fragilisant les économies. Surtout au regard d’une croissance de la demande en électricité supérieure à 10 % par an dans la plupart des pays africains et d’une grande volatilité des prix des hydrocarbures.
Les coûts de production de ressources comme le solaire ou l’éolien ont le mérite d’être stables sur le long terme
Les opérateurs électriques du continent, redynamisés par la prospection pétrolière et gazière ainsi que par un potentiel de marché croissant, investissent encore essentiellement dans les énergies conventionnelles. Or celles qui sont renouvelables, tels le solaire ou l’éolien, pourraient compléter cette stratégie en jouant un rôle stabilisateur. Car leurs coûts de production ont le mérite d’être stables sur le long terme et décorrélés des prix des hydrocarbures, et de grandes capacités peuvent être déployées dans un délai très court et de façon décentralisée.
Prendre en compte les facteurs temps et espace dans la planification énergétique reviendrait à associer à ces sources d’énergies renouvelables une valeur qui les rendrait incontournables dans la plupart des pays du continent, où des taux de pénétration supérieurs à 20 % pourraient être imaginés dès aujourd’hui.
Compte tenu de la compétitivité croissante de ces technologies, l’Afrique fait face à une opportunité historique et unique : utiliser les énergies renouvelables de façon opportune et rentable pour en faire le socle de son développement. Cette tâche requiert une grande prudence, car ces technologies, dont l’utilisation industrielle reste récente, sont encore en plein développement. Mais c’est justement là que réside la possibilité de former un cercle vertueux : contribuer à l’électrification du continent tout en générant des gains économiques et sociaux à travers la création d’emplois et le respect de l’environnement.
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