Algérie : de l’art délicat de diriger Sonatrach

Entre les PDG de la société d’hydrocarbures et leur ministère de tutelle, la cohabitation n’a jamais été un long fleuve tranquille.

Chakib Khelil (à g.) et Youcef Yousfi (à dr.). © Reuters

Chakib Khelil (à g.) et Youcef Yousfi (à dr.). © Reuters

Publié le 3 janvier 2012 Lecture : 2 minutes.

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Dans une Algérie qui dépend à plus de 95 % de l’exportation des hydrocarbures, le département de l’Énergie et des Mines est aussi stratégique que celui de la Défense nationale ou de l’Intérieur. En arrivant au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika décide de confier ce ministère à Chakib Khelil. Ingénieur de formation, l’homme est connu des milieux de la finance internationale puisqu’il a réalisé l’essentiel de sa carrière à la Banque mondiale. Il a, entre autres, été chargé des questions énergétiques en Amérique latine. Aux yeux du chef de l’État, le ministre de l’Énergie est bien plus qu’un cadre aux compétences reconnues mondialement. Chakib Khelil fait partie du « cercle présidentiel », une sorte de groupe restreint de ministres avec lesquels il entretient des relations personnelles de longue date.

Dès sa nomination à la tête de l’Énergie, Khelil s’est employé à mettre en place des mécanismes lui assurant le plein contrôle de Sonatrach. Entre 2001 et 2003, il parvient même à se faire nommer par Bouteflika PDG par intérim de la compagnie pétrolière. C’est durant cette période qu’il élabore une nouvelle loi destinée à libéraliser le secteur des hydrocarbures. Le Front de libération nationale (FLN), alors dirigé par Ali Benflis, s’oppose à ce texte et accuse Khelil de vouloir placer les ressources énergétiques du pays sous le contrôle de compagnies étrangères, notamment américaines. Le ministre de l’Énergie devra attendre la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour faire adopter sa loi.

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En 2006, le président revient sur sa décision et fait adopter une loi plus restrictive pour les compagnies étrangères

Emprise

La victoire ne sera que de courte durée. En 2006, le président revient sur sa décision et fait adopter une nouvelle mouture plus restrictive pour les compagnies étrangères. Cet échec n’empêche pas Chakib Khelil de préserver son emprise sur le groupe Sonatrach et l’ensemble des entreprises du secteur. Mohamed Meziane, alors nommé PDG de la compagnie pétrolière, est dans l’obligation de jouer les seconds rôles. Fort de son pouvoir, le ministre supervise tous les aspects liés aux passations de marchés. Abdelaziz Bouteflika est finalement contraint de se séparer de Chakib Khelil en mai 2010, après les multiples scandales qui ont éclaboussé Sonatrach. Youcef Yousfi hérite de ce poste.

Chimiste de formation, Yousfi est déjà passé par le ministère de l’Énergie et des Mines avant d’être nommé ambassadeur d’Algérie au Canada, puis auprès des Nations unies, et enfin en Tunisie. À peine installé, il découvre un secteur totalement démantelé. Aux côtés de Noureddine Cherouati, le nouveau PDG de Sonatrach, il revoit l’ensemble des procédures d’attribution de marché. Le binôme Yousfi-Cherouati semble efficace.

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En apparence seulement. Au cours du printemps 2011, la presse annonce le limogeage du PDG à la demande de son ministre de tutelle. Conscient de la gravité de la situation, Cherouati organise une conférence de presse pour démentir cette information. En réalité, il ne fait que retarder son départ. Début novembre, les rumeurs reprennent de plus belle. Noureddine Cherouati tente la même stratégie en saisissant la presse. Abdelaziz Bouteflika le démet le jour même depuis Doha, où il participe au Forum des pays exportateurs de gaz. Abdelhamid Zerguine est alors promu nouveau PDG. Si les raisons de cette révocation restent mystérieuses, c’est bien le ministre qui a encore obtenu gain de cause.

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