Menouar Alem : « La relation que le Maroc a bâtie avec l’UE risque d’être ébranlée »

Après l’annulation par la Cour européenne de justice de l’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne, Bruxelles a jusqu’au 22 février pour faire appel de la décision. Entretien avec Menouar Alem, chef de la représentation permanente du royaume auprès de l’UE.

Le Maroc et son ambassadeur à l’Union Européenne, Menouar Alem,  ont entamé des négociations avec les responsables européens afin de les pousser à rétablir l’accord agricole. © Capture d’écran/Youtube

Le Maroc et son ambassadeur à l’Union Européenne, Menouar Alem, ont entamé des négociations avec les responsables européens afin de les pousser à rétablir l’accord agricole. © Capture d’écran/Youtube

Publié le 1 février 2016 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Les relations entre le Maroc et l’UE sont-elles gelées après l’arrêt de la Cour européenne de Justice ?

Menouar Alem : Nous ne sommes pas dans une situation de rupture avec l’Union européenne (UE), comme cela a pu être dit ici et là, mais il y a bien un constat. Le 10 décembre, le tribunal de l’Union a annulé une décision du Conseil relative à l’accord agricole entre le Maroc et l’UE. Cette dernière a réagi immédiatement : en l’espace de quatre jours, les États membres ont donné leur accord au Conseil pour faire appel de cette décision. Ce qui, en soi, est un message fort, mais qui suscite néanmoins des interrogations : comment se fait-il qu’un accord que nous avons négocié, signé et adopté à une large majorité par le Parlement européen, et qui est en vigueur depuis deux ans, puisse se retrouver un jour annulé ?

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La question se pose pour tous les accords que nous avons signés avec l’UE et notamment l’accord de pêche qui suit actuellement la même procédure par la Cour européenne de justice. Nous ne pouvons pas continuer à négocier des accords si nous n’avons pas l’assurance qu’ils ne seront pas rejetés. Sans cette visibilité, il va être difficile d’avancer sur certains dossiers en cours, tels que les négociations de réadmission dans les cas d’immigration illégale ou encore celles de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) entre le Maroc et l’UE.

La décision de la Cour europénne de Justice était politique

Pour l’UE, il s’agit d’une décision purement juridique. Partagez-vous cet avis ?

Lorsqu’on regarde la construction de l’arrêt, on ne peut pas imaginer que le juge ait uniquement statué sur le droit. Si le tribunal avait pris une décision sur le plan purement juridique, nous n’en serions pas là ! Pour nous, c’est une décision politique. Aucun des arguments du juge du tribunal de l’UE qui l’ont amené à annuler la décision du Conseil ne concerne les dispositions de l’accord agricole. Il n’a d’ailleurs pas à statuer sur des questions politiques qui, au demeurant, relèvent de l’ONU. Si cet arrêt est appliqué, la grosse difficulté à laquelle sera confrontée l’UE, ce sera d’être en violation du droit international et même du droit communautaire puisque aucune disposition n’empêche de négocier un accord avec un pays qui a un territoire disputé. Le juge aurait dû statuer sur l’existence ou non, dans l’accord agricole, d’une disposition qui oblige une ou les deux parties à donner des informations sur l’impact de cet accord sur les populations concernées. Cela n’a pas été fait. 

Le dépôt du pourvoi européen doit être effectué avant le 22 février. Si le Maroc perdait cette bataille, quelles en seraient les conséquences ?

Je pense que c’est tout l’édifice de la relation que l’on a bâtie avec l’UE qui risquerait d’être ébranlée. Il y aura clairement un impact sur notre relation avec l’Union ainsi qu’avec ses États membres. Cela dit, nous sommes en contact direct avec les responsables européens et nous comprenons parfaitement la situation inédite dans laquelle ils se trouvent. Ils comprennent aussi notre position et sont convaincus de la nécessité de trouver rapidement une sortie à cette crise.

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