Dossier pétrole : l’avenir est au fond de la mer

L’offshore et l’offshore profond (au-delà de 500 m d’eau) stimulent l’activité. Pour le continent, ils devraient mobiliser plus de 50 milliards d’euros d’investissements dans les cinq années à venir.

La plateforme Pazflor, la plus grande au monde, est située à 150 km au large de Luanda. © Total.com

La plateforme Pazflor, la plus grande au monde, est située à 150 km au large de Luanda. © Total.com

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Publié le 3 janvier 2012 Lecture : 5 minutes.

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Pétrole et gaz : les enjeux des prochaines années

Sommaire

Lorsqu’en 2007 la compagnie brésilienne Petrobras met au jour le gisement de Tupi, par 2 140 m de fond, le secteur se retrouve en ébullition, comme sorti de sa léthargie. Ce champ recelant 5 à 8 milliards de barils de réserves (40 % des réserves nationales) a placé le pays sud-américain parmi les premiers producteurs de la planète. Une prouesse technique, puisque, en plus de la profondeur d’eau, le pétrolier est allé forer 3 000 m de sable et de roche, puis 2 000 m de sel (antésalifère). De l’autre côté de l’Atlantique, la découverte brésilienne a réveillé les appétits. Le français Total ne cache plus son enthousiasme pour ses projets en Angola, il a acquis de nouveaux blocs (il est déjà le premier opérateur du pays). Objectif : explorer là aussi les couches antésalifères, sur une zone considérée comme le miroir de la côte brésilienne. « Le golfe de Guinée fait partie du “triangle d’or” [côte ouest-africaine, golfe du Mexique, Brésil, NDLR], et, dans sa partie sud, les zones antésalifères sont une cible clé à fort potentiel, pas encore totalement testée », explique ainsi Duncan Clarke, le PDG du cabinet de conseil Global Pacific and Partners.

Un nouvel eldorado gazier

Le littoral oriental et austral du continent serait comparable à la mer du Nord, dont les réserves gazières ont enrichi l’Europe. Au Mozambique, ENI a annoncé en octobre avoir identifié un gisement qui pourrait produire 300 000 barils équivalent pétrole par jour en 2016. Cette découverte, après celles d’Anadarko, fera du pays l’un des premiers producteurs mondiaux. Reste à consacrer suffisamment de moyens au développement de cette filière. Selon Ecobank, 230 milliards de dollars (176 milliards d’euros) seront nécessaires sur cinq ans pour étendre les capacités de production de gaz naturel liquéfié en Afrique subsaharienne et 22,6 milliards pour mettre en place des centrales électriques au gaz naturel. Parmi les partenaires sur lesquels peuvent compter les pays de la région, la Chine, qui a signé en octobre un contrat de 1,7 milliard de dollars pour la construction d’une unité de production d’électricité en Tanzanie. Anadarko travaillerait de son côté sur un projet d’usine de liquéfaction au Mozambique. M.P.

L’anecdote sud-américaine révèle surtout une nouvelle donne : l’activité offshore, qui génère plus du quart de la production mondiale, est la plus dynamique et celle qui offre le plus de perspectives économiques. Les succès enregistrés et les technologies permettant d’aller de plus en plus loin ont dopé l’exploration et la production dans l’offshore profond (à partir de 500 m sous la surface de l’eau) et très profond (à partir de 1 500 m), qui représentent aujourd’hui 20 % de la production offshore mondiale. Ce chiffre devrait passer à 30 % d’ici à 2016. Les réserves (gaz et pétrole) qui seront développées en offshore profond avoisineront 28 milliards de barils équivalent pétrole et nécessiteront pas moins de 210 milliards de dollars (plus de 160 milliards d’euros) d’investissements (+ 60 % par rapport à la période 2006-2010).

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« De plus en plus loin »

Le continent africain se taillera la part du lion, avec le tiers de ces investissements (soit plus de 50 milliards d’euros). Depuis la découverte du champ Jubilee au Ghana par Tullow Oil, les forages ne cessent de se multiplier. Sur les 1 300 puits sous-marins programmés dans le monde entre 2011 et 2015, selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen), 374 ont déjà été forés en Afrique en 2011. « Nous allons de plus en plus loin, là où nous n’aurions jamais imaginé aller il y a encore dix ans », explique ainsi André Coajou, président du cabinet de consulting Atlantic Seahorse.

Cette vigueur bouleverse l’ensemble des métiers du pétrole, y compris les sociétés de services offshore qui voient leur chiffre d’affaires progresser avec la demande mondiale, mais doivent adapter leur offre. « L’augmentation de l’offshore profond est un fait majeur, explique ainsi Rodolphe Bouchet, directeur régional Afrique de l’Ouest du groupe Bourbon. Cela change notamment la nature des bateaux : ils doivent être plus grands pour transporter plus de choses en un seul voyage, l’ancrage devient anecdotique au profit du positionnement dynamique… »

Boum de l’activité offshore

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De la Mauritanie à l’Angola (où, respectivement, Total et BP ont signé des accords ce mois-ci) et de la Somalie au Mozambique, l’acquisition de blocs offshore ne se tarit pas. La « superjunior » britannique Tullow Oil a ainsi obtenu 10 700 km2 au large de la Mauritanie, alors que les premiers développements (sur Chinguetti notamment, où Tullow est partenaire et non opérateur) y ont été plutôt décevants. « Pour nous, la Mauritanie garde un potentiel important. Cette fois, nous serons opérateurs, et nous prouverons que la région est riche », assure ainsi Tim O’Hanlon, vice-président de la firme britannique. Au Sénégal, la junior du milliardaire australo-roumain Frank Timis, African Petroleum, a remporté deux blocs pour une surface supérieure à 18 000 km2. Selon Dave Fassom, directeur de la société Stellar Energy, spécialisée dans les contrats pétroliers, la valeur des deals en Afrique devrait dépasser en 2011 celle de 2010, année de tous les records avec 7 milliards de dollars (contre 3 milliards en 2009).

Partout, l’activité offshore ouvre de nouvelles possibilités d’affaires. « En Côte d’Ivoire, les perspectives sont bonnes, estime ainsi Hugues Moreau, directeur général de la société ivoirienne de services aériens International Aircraft Services (IAS), car le gouvernement entend notamment développer le secteur énergétique. » Surtout, le pays récolte les fruits des explorations, puisque l’américain Vanco, en collaboration avec le russe Lukoil et l’ivoirien Petroci, a annoncé le 7 décembre avoir mis au jour un gisement à 93 km au sud-est d’Abidjan, par 1 689 m de fond. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, où IAS et Bourbon se disent sollicitées de manière croissante, la surprise vient du gaz naturel. Le large des côtes en regorgerait (lire encadré).

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15% du commerce pétrolier

Tous ces projets de développement augmentent le poids de l’Afrique dans le commerce pétrolier mondial. Ainsi, sa part dans le nombre de constructions de plateformes fixes devrait passer de 8 % en 2011 à au moins 15 % (dépassant l’Europe), selon l’Ifpen. Même tendance, bien sûr, pour les infrastructures sous-marines : l’Afrique cristallisera 24 % de ces constructions, contre 18 % en 2011. « Personne ne peut dire ce qui va arriver, mais les tendances sont très positives, poursuit Duncan Clarke. D’autant que les campagnes de forage passées ont été très limitées. Donc je m’attends à plusieurs découvertes analogues à celle de Jubilee, y compris dans des eaux plus profondes et les bassins non forés. » Les fonds marins africains n’ont pas fini d’être fouillés. Reste aux États à tout faire pour éviter une catastrophe équivalente à celle du golfe du Mexique en 2010. « Les contraintes en matière de pollution et de rejets pour les compagnies pétrolières devraient continuer à s’intensifier, notamment [en raison des] problèmes liés à des incidents de production », prévient d’ailleurs l’Ifpen. Qu’il soit entendu.

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