Algérie : face au projet de Constitution, le front du refus
Initialement prévu le 3 février, l’adoption du projet de révision constitutionnelle par le Parlement algérien interviendra finalement le 7 février. Même si ce dernier sera voté sans surprise, il continue de susciter l’indignation des milieux politiques et académiques qui dénoncent son archaïsme et ses multiples contradictions.
Au Parlement algérien, c’est le branle bas de combat. Les députés de l’opposition enchaînent les réunions pour se concerter sur la manière dont ils manifesteront leur refus du projet de révision constitutionnelle, programmé au vote pour le 7 février.
Les groupes parlementaires du Front des forces socialistes (FFS), du Parti travailliste (PT) et de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV, composée de trois partis islamistes), soit 120 députés sur les 462 que compte l’Assemblée, ont opté pour une position coordonnée vis-à-vis de ce projet de loi. « Nous ne savons pas si nous allons voter contre, nous abstenir au moment du vote ou carrément boycotter la séance », explique Lakhdar Benkhallaf, chef du groupe parlementaire Al Adala (islamiste), membre de l’AAV.
Une contestation qui restera lettre morte
Si leur « non » n’est pas encore formalisé, les députés de l’opposition s’accordent à dire que le texte soumis par le gouvernement algérien ne présente aucune avancée en terme de séparation des pouvoirs, qui restent concentrés entre les mains du président. « Alors que l’Algérie vit une crise politique sans précédent avec la déliquescence de l’État et la montée en puissance du pouvoir parallèle, Abdelaziz Bouteflika nous soumet une réforme constitutionnelle qui n’a pas l’aval du peuple, en total violation de ses propres engagements. Quelle crédibilité donner à une Constitution sans référendum?», s’indigne Smain Kouadria, député du Parti travailliste.
« Nous aurions voulu que la Commission de supervision des élections, prévue dans ce projet constitutionnel, soit totalement indépendante et puisse organiser elle-même le processus électoral comme l’ont fait les Tunisiens », se désole pour sa part Benkhallaf. Trêve de souhaits ! Les députés de l’opposition savent que leur contestation restera symbolique. Car le texte passera ce dimanche comme une lettre à la poste, sans débat et sans surprise.
Les intellectuels disent « non » aussi
Mis à part les politiques, les dénonciations se multiplient dans les milieux académiques et la société civile. Dans une tribune parue sur le journal El Watan le 2 janvier, quatre intellectuelles algériennes – Fatma Oussedik (sociologue), Khaoula Taleb Ibrahimi (linguiste), Louisa Driss Aït Hamadouche (politologue) et Fatiha Benabbou (professeur de droit) – livrent une analyse très critique du projet de Constitution.
Intitulée « Constitution d’un État ou Constitution d’un régime ?», leur tribune dénonce frontalement l’obsolescence de ce texte en matière des droits des femmes, des libertés académiques et de l’officialisation du Tamazight. « Pour qu’une Constitution soit le trésor d’un État et pas le butin de guerre d’un régime, elle doit représenter un projet national qui s’inscrive dans le temps long de l’histoire d’une nation et pas dans le temps court de l’histoire d’un pouvoir », assènent les quatre académiciennes.
…Et les binationaux en colère
À ce flot de contestataires, se sont rajoutés les binationaux, en colère contre l’article 51 qui interdit aux Algériens ayant une autre nationalité de briguer un mandat électif ou de prétendre à de hautes fonctions dans les institutions de l’État. Cette disposition, instaurant une citoyenneté à deux vitesses, a grandement déplu, notamment en France où vivent des millions d’Algériens. Leur figure de proue, la députée franco-algérienne, Chafia Mentalecheta, milite pour le retrait pur et simple de ce article qui « va créer des citoyens de seconde zone ».
Le 1er février, une pétition a été mise en ligne. Intitulée « Appel à l’enchâssement, dans la constitution algérienne, d’une égalité réelle entre les citoyens algériens », elle a recueilli 44 signatures dont celle de Slim Othmani, président de l’entreprise NCA-Rouiba.
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