Maroc : « petites bonnes », le projet de loi qui ne passe pas
À travers un projet de loi soumis au Parlement, le gouvernement marocain veut légaliser le travail des mineurs comme employés de maison. Une pratique d’un autre âge que la société civile dénonce.
Elles ont moins de 18 ans, devraient être à l’école comme tous les enfants de leur âge. Pourtant, le gouvernement marocain voudrait leur permettre de travailler comme « petites bonnes » avec toute la pénibilité que ce métier suppose. Un projet de loi, actuellement à l’étude au Parlement, soulève une levée de boucliers chez la société civile. Il légaliserait le travail domestique des mineurs, alors même que le Maroc est censé les protéger en vertu des lois internationales en la matière.
Une nouvelle forme d’esclavage
Le projet de loi sur les travailleurs domestiques, communément appelées « petites bonnes », fixe l’âge minimum du travail domestique à 16 ans. Depuis quelque mois, il est décrié au Maroc en raison des nombreuses failles qu’il recèle.
Certes, il permet aux employées de maison de signer un contrat avec leurs employeurs, d’avoir droit aux soins et à la sécurité sociale et d’être suivies sur leur lieu de travail par des assistantes sociales, nommées par l’État. Mais il ouvre la voie à tous les dérapages puisqu’il valide leur travail précoce et manque incontestablement de réalisme.
« On légalise une pratique indigne d’un autre âge. Comment un enfant de 16 ans peut-il être apte à signer un contrat ? Comment le préserver des tuteurs qui pensent plus à l’argent qu’à son intérêt ? Comment une assistante sociale peut-elle faire son inspection sur le lieu de travail des ‘petites bonnes’ sachant que la loi marocaine protège la propriété privé? », dénonce Bouchra Ghiati, présidente de la l’association Insaf, membre du Collectif pour l’éradication du travail des « petites bonnes ».
Entre 60 000 et 80 000 « petites bonnes » au Maroc
Autant de failles que ce collectif, composé d’une quarantaine d’associations, veut mettre en évidence pour pousser les parlementaires à rendre leur texte de loi plus juste. Il est appuyé par l’Unicef qui, le 2 février, a rappelé le Maroc à l’ordre en lui demandant de relever l’âge minimum du travail domestique à 18 ans, en conformité avec la convention internationale des droits de l’enfant qu’il a ratifiée.
Selon une étude commanditée en 2010, par le Collectif, entre 60 000 et 80 000 filles âgées de moins de 15 ans seraient exploitées comme « petites bonnes », supportant des conditions de travail et de vie dégradantes qui ne correspondent ni à leur âge ni à leurs capacités physiques et psychiques. C’est sans parler des nombreux sévices sexuels qu’elles peuvent subir en silence, un sujet tabou dans la société marocaine.
Les faire revenir à l’école, c’est possible !
Pourtant, des solutions existent. Il y a 10 ans, l’association Insaf, la seule association qui travaille sur le sujet des « petites bonnes », a initié un projet pilote à Chichaoua, une des régions les plus pauvres du Maroc, et qui a permis de faire revenir près 300 employées de maison à l’école. Sur ce total, 8 ont obtenu leur baccalauréat et se sont inscrites à l’université. Une source de fierté pour l’association qui prend en charge leurs frais scolaires, leur habillement, et verse une aide symbolique de 250 dirhams aux parents par mois.
» Il n’y a pas de fatalité. Pour peu que l’État agisse « , conclut Bouchra Ghiati.
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