J.A. n’est pas « Charlie »
La violente polémique née au Sénégal après la mise en ligne, le 28 janvier, d’un dessin dans lequel était reproduite l’unique photo connue de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie des Mourides, n’est pas éteinte.
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 8 février 2016 Lecture : 3 minutes.
Malgré le retrait dudit dessin trois heures après sa publication et nos très sincères excuses, immédiatement adressées sur notre site et dans l’hebdomadaire à tous ceux qui se sont sentis offensés, puis de vive voix auprès du porte-parole du khalife général des mourides. En Afrique, l’humour et, surtout, la caricature (en l’espèce, précisons tout de même que Serigne Touba n’était pas caricaturé) sont des armes à double tranchant. Puisque la colère et le ressentiment demeurent et parce que l’affaire semble grave, essayons d’en tirer, une fois pour toutes, de fécondes leçons.
Nous avons commis une erreur, dont nous mesurons pleinement les conséquences, en publiant à l’emporte-pièce ce dessin, plus complexe que ce que l’on veut (ou peut) y déceler. Mais puisque entre l’intention de son auteur (la dénonciation des amalgames imbéciles à travers l’analogie boubou = robe) et la perception des lecteurs (des internautes en l’occurrence), il y avait un insondable gouffre, véritable fosse des Mariannes, il était évident qu’il fallait le retirer et battre sa coulpe. La vie d’un journal est ainsi faite. Inutile de revenir ici sur le pourquoi du comment d’une telle erreur, notre cuisine interne, l’absence de filtres, etc.
L’essentiel est que, contrairement à ce qu’affirment ceux – et ils sont nombreux – qui nous comparent volontiers à Charlie Hebdo, nous n’avons jamais souhaité offenser volontairement qui que ce soit. Charlie a son ADN, la satire, la caricature, la provocation, l’athéisme. Il s’adresse en priorité à un public français qui revendique le droit au blasphème. La publication des caricatures du prophète Mohammed était un acte délibéré et assumé. Et Charlie n’a donc, en toute logique, jamais estimé devoir s’excuser de les avoir publiées. J.A., qui laboure depuis plus d’un demi-siècle les sillons de l’information, de la réflexion et du débat serein, n’est pas Charlie ; tous ceux qui le lisent le savent. Nous respectons toutes les croyances et toutes les convictions, et ne goûtons guère la provocation.
Quand nous commettons une erreur ou quand nous nous trompons, nous l’assumons et le reconnaissons volontiers. Tout le reste, nous en sommes fiers.
On peut bien évidemment l’aimer ou non, l’adorer ou le détester. Chacun est libre de le lire ou pas. En revanche, certaines réactions au Sénégal posent question. D’abord, les injures et les menaces, qui font parfois froid dans le dos. Exprimer sa colère, son ressentiment ou sa volonté de se détourner d’un journal qu’on appréciait avant est une chose. C’en est une autre de réclamer sa censure (l’objet du délit ayant de surcroît disparu) – vive la démocratie ! – de menacer de mort, d’écartèlement ou de je ne sais quel supplice moyenâgeux les membres de sa rédaction. Passons sur l’extrême vulgarité de certaines insultes… Une chose est sûre : certains devraient s’inspirer davantage des préceptes et de l’enseignement de Cheikh Ahmadou Bamba, qui incarne un islam de paix, de dialogue et de modération.
J.A., enfin, a été accusé de tous les maux : « ennemi de l’Afrique et de l’islam », membre du « grand complot occidental » qui vise à pervertir les mœurs sénégalaises et à désacraliser ses figures, vecteur du « virus de l’homosexualité », chantre de la « franc-maçonnerie »… N’en jetez plus ! Notre réponse est simple : J.A., c’est J.A. Ses écrits, ses prises de position, ses combats – depuis, répétons-le, plus d’un demi-siècle – sont connus.
Il suffit de lire – tout est disponible gratuitement sur notre site – ce que nous sommes les seuls à produire : infos exclusives, reportages là où personne ne va, portraits et interviews de l’ensemble des acteurs politiques de tous pays, enquêtes de fond, analyses objectives des grandes évolutions que nous traversons, radiographie des entreprises et de l’économie véritable du continent, dossiers exhaustifs sur un pays ou un secteur d’activité, éclairages pointus sur l’immense et séculaire culture africaine (et sur ceux qui la font), etc. Quand nous commettons une erreur ou quand nous nous trompons, nous l’assumons et le reconnaissons volontiers. Tout le reste, nous en sommes fiers.
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