Afrique du Sud : comprendre le scandale Nkandla en cinq questions
Véritable boulet de la présidence de Jacob Zuma, le scandale sur la résidence privée du chef de l’État sud-africain est porté devant la Cour constitutionnelle, ce mardi.
En Afrique du Sud, la Cour constitutionnelle doit entendre mardi 9 février l’Alliance démocratique (DA) de Mmusi Maimane et les Combattants pour la liberté économique (EEF) de Julius Malema, les deux principaux partis d’opposition sud-africains, au sujet du Nkandlagate.
Le président sud-africain Jacob Zuma est accusé d’avoir agrandi aux frais du contribuables sa résidence privée de Nkandla, son village natal du Kwazulu Natal, dans l’est du pays, pour des raisons liées soit-disant à sa sécurité, justifie le gouvernement African National Congress (ANC).
Face aux demandes restées lettre morte de la médiatrice de la République, Thuli Madonsela qui, dès mars 2014, pointait du doigt des « abus de fonds publics », les deux partis d’opposition ont décidé de saisir la plus haute juridiction du pays. La semaine dernière, tous deux ont décliné l’offre de Jacob Zuma qui s’est dit prêt à rembourser une partie de l’argent public, estimant que la justice devrait aller jusqu’au bout.
1. À quand remonte cette affaire ?
La presse a révélé le scandale dès 2009 : première année de mandat de Jacob Zuma à la présidence du pays. L’année même où le chef de l’État sud-africain a désigné Thuli Madonsela au poste de « Public Protector » (médiateur de la République), chargé de veiller au bon usage des deniers publics et qui depuis mène une guerre contre la corruption et les abus de l’administration.
En 2012, le scandale désormais surnommé le Nkandlagate prend de l’ampleur. Au mois de novembre 2013, le journal Mail and Guardian dévoile en partie les conclusions du rapport officiel de la médiatrice de la République, tenu encore confidentiel. Rapport que la médiatrice de la République publie officiellement au mois de mars 2014, après deux années d’enquête.
2. De quels éléments dispose la médiatrice contre Jacob Zuma ?
Au moins cinq éléments figurent sur la liste dressée par la médiatrice. Elle juge qu’il s’agit d’aménagements qui « vont au-delà de ce qui était raisonnablement nécessaire pour la sécurité du président » : la construction d’une piscine, d’un amphithéâtre, d’un enclos à bétail, d’un poulailler ou encore d’un salon d’accueil des visiteurs.
Des dépenses engagées par le ministère des Travaux publics et que Thuli Mondosela qualifient de « détournement de fonds ».
La médiatrice de la République pointent par ailleurs d’ »authentiques » ajouts sécuritaires – deux héliports, une clinique et une maison pour l’unité de protection policière – qui lui semblent « exagérés ».
3. A-t-on une idée des montants engagés ?
Au total, les travaux ont coûté 246 millions de rands (environ 20 millions d’euros en 2014) si l’on s’en tient au rapport de la médiatrice de la République. De son côté, la DA estime que le chef de l’État a indûment bénéficié de 52,9 millions de rands.
4. Sur quel(s) motif(s) la Cour constitutionnelle a-t-elle été saisie?
En conclusion de son rapport d’enquête, la médiatrice de la République avait demandé au président Zuma de « rembourser une partie substantielle des frais qui ont été employés à des rénovations n’ayant pas de rapport avec la sécurité de son domicile », sans en préciser le montant.
Seulement, jusqu’ici Jacob Zuma, appuyé par le gouvernement et sa majorité parlementaire, assurait que les travaux lui avaient été imposés et qu’il ne pouvait donc être tenu responsable ni de la nature des aménagements, ni de la dérive des coûts.
Par ailleurs, le président sud-africain n’a rien fait pour se conformer aux « recommandations » de la médiatrice de la République. Et pour cause, juste avant son investiture pour un second mandat, il a même été exonéré de toute responsabilité au mois de mai dernier par son ministre de la Police, Nathi Nhelko, qui va jusqu’à justifier la construction de la piscine par le risque d’incendie.
Les deux partis de l’opposition ont donc décidé de saisir la Cour constitutionnelle au nom, entre autre, de l’article 182(1) de la Constitution sud-africaine qui fixe les prérogatives de la médiatrice de la République et l’autorise à prendre des mesures « réparatrices ». Les juges doivent établir si les conclusions de la médiatrice de la République relèvent du statut de simples « recommandations » ou bien s’ils elles ont une portée légale et surtout, si Jacob Zuma a obligation de s’y soumettre.
5. Est-ce qu’on approche de la fin de l’affaire ?
La Cour constitutionnelle étant la plus haute juridiction du pays, c’est le dernier recours possible pour le président sud-africain. Le 3 février dernier, Jacob Zuma a fait savoir par communiqué qu’il était prêt à rembourser une partie de l’argent public utilisé pour la rénovation de sa propriété de Nkandla, demandant à ce que « le montant soit fixé de manière indépendante et impartiale ».
Une volte-face à une dizaine de jours du discours sur l’état de la Nation qui s’explique sans doute par la volonté du président sud-africain de s’éviter une nouvelle humiliation publique. Seulement, les deux principaux partis d’opposition rejettent pour le moment toute solution à l’amiable.
Dans cette affaire, c’est aussi l’autorité de la médiatrice de la République qui est en jeu. Les juges ne rendront pas leur avis dans la journée, et il est probable qu’ils ne le fassent avant quelques semaines.
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