Front national : le « modèle » colonial

La performance du Front national (FN) aux dernières élections régionales – un bon tiers des voix au premier tour – a surpris et inquiété les démocrates et les républicains de France et d’ailleurs.

La présidente du Front national Marine Le Pen, le 20 novembre 2015 à Vannes. © AFP

La présidente du Front national Marine Le Pen, le 20 novembre 2015 à Vannes. © AFP

Renaud de Rochebrune

Publié le 20 février 2016 Lecture : 2 minutes.

Ce parti n’est-il pas à bien des égards une formation d’extrême droite plus ou moins fascisante et raciste qui pourrait menacer les libertés et l’ouverture d’un pays qui se voulait porteur de valeurs universelles ? Cette analyse des origines et des conséquences de la montée du FN reste majoritaire. Elle n’en est pas moins réductrice et ne permet guère de comprendre ce qui se passe aujourd’hui en France, assurent dans Les Mémoires dangereuses l’historien Benjamin Stora, spécialiste des guerres coloniales et de l’immigration, et le romancier Alexis Jenni, Prix Goncourt en 2011 pour L’Art français de la guerre, livre dans lequel il évoque, en les rapprochant, la guerre menée par George W. Bush en Irak et celle d’Algérie.

Pour les auteurs, il convient avant tout de se focaliser sur l’imaginaire colonial pour expliquer le succès du FN et les crispations identitaires qui le stimulent. Car, contrairement aux idées reçues, la France n’a toujours pas réussi à penser et à assumer son histoire coloniale. Est-ce un hasard s’il a fallu un demi-siècle après les accords d’Évian pour que l’on admette enfin officiellement à Paris que les « événements d’Algérie », comme on disait à l’époque, étaient bel et bien une guerre ?

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Le déni de la colonisation

À l’instar de la guerre du Golfe, qui, selon la célèbre formule du philosophe Jean Baudrillard, « n’a jamais eu lieu » puisque les Américains interdirent la diffusion de toute image qu’ils n’aient préalablement autorisée, la guerre d’indépendance algérienne, et toute l’histoire de la colonisation depuis 1830, font l’objet en France d’un refoulement, d’un déni. Et c’est le retour de ce refoulé, plus que tout autre facteur, qui explique les succès du FN, qui a d’ailleurs doublé son score depuis que la fille de Jean-Marie Le Pen, qui n’a pas le passé fasciste et raciste de son père, en a pris la tête.

A-t-on assez remarqué que la France d’aujourd’hui, avec sa géographie urbaine qui traduit une profonde ségrégation sociale et ethnique, évoque étrangement une société communautariste de type colonial ? Ou que le FN, en martelant son obsession de la « préférence nationale », évoque par là même son souhait de différencier citoyens et sous-citoyens comme à l’époque des colonies ?

Mais le refoulé qui fait subrepticement retour n’explique pas uniquement la montée du FN. Quand des jeunes issus plus ou moins lointainement de l’immigration mais nés en France commettent des attentats terroristes visant leur propre pays et leurs propres concitoyens, n’est-ce pas, aussi, une conséquence de ce déni du passé colonial, jamais vraiment intégré dans le grand récit de l’histoire de France ?

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>> Les Mémoires dangereuses, de Benjamin Stora avec Alexis Jenni, Albin Michel, 236 pages, 18 euros

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