RDC : malgré les tensions préélectorales, le festival Amani se refuse à tout discours politique
La troisième édition du festival Amani (« la paix » en swahili) s’ouvre à Goma, ce vendredi 12 février. Alors que les tensions pré-électorales s’accumulent en RDC et que Fred Bauma, l’un de ses anciens bénévoles, est détenu depuis près d’un an, ses promoteurs se refusent à toute déclaration qui soit, de près ou de loin, politique.
La salle de conférence de l’hôtel Ihusi, posé sur les rives du lac Kivu, a fait le plein ce 10 février. Tout ce que la ville de Goma compte de journalistes s’y est donné rendez-vous pour interroger Werrason, la tête d’affiche du festival Amani (« la paix » en swahili).
« Toutes les questions devront être en rapport avec le festival », prévient, en préambule, Guillaume Bisimbwa, le directeur de l’organisation, avant de passer la parole à la star. Quelques murmures parcourent l’assemblée, visiblement déçue. L’élection présidentielle congolaise doit, en principe, se tenir en novembre prochain. Mais l’opposition proteste contre le retard pris dans ses préparatifs. Quelques heures plus tôt, elle a appelé à observer une journée ville morte dans tout le pays, pour protester.
Non, on avait dit pas de question politique
Après quelques questions, une journaliste tente, avec beaucoup de précaution, d’aborder le sujet. « Le festival a pour thème la paix. Les élections amènent souvent des violences. Comment comptez-vous sensibiliser la jeunesse à ce problème ? » demande-t-elle à Werrason. « Non, on avait dit pas de question politique », reprend Guillaume Bisimwa, sous les protestations d’une partie de la salle. En réalité, il s’inquiétait pour rien. Werrason n’aime pas vraiment s’aventurer sur ce terrain glissant. « Je suis un artiste, répond-t-il en lingala. Je ne veux pas de problème avec les politiciens. Je suis ici pour chanter la paix ».
Ainsi va le monde de la musique congolaise. Chanteurs comme promoteurs évitent en général soigneusement tout engagement politique. C’est d’ailleurs ce qui avait frappé le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly, invité de la précédente édition du festival amani. «Les artistes congolais peuvent beaucoup apporter dans l’éveil de conscience. Ils doivent prendre position pour faire avancer leur pays », avait-il déclaré à Jeune Afrique.
« Nous savions que Tiken Jah Fakoly était un chanteur engagé, se souvient le promoteur du festival, le Belge Eric de Lamotte. Donc je lui avais demandé d’éviter les chansons trop politiques, ce qu’il avait accepté ».
Le sort de Fred Bauma ne sera pas évoqué
Pour ne pas froisser les autorités, dont dépend le festival pour ses autorisations, ni ses bénévoles, largement acquis à l’opposition, les organisateurs proscrivent tout message à caractère politique. « Il n’y aura pas, non plus, de discours des autorités en ouverture », précise Eric de Lamotte. Ses principaux sponsors, l’ambassade des États-Unis, la banque TMP, le service Pépélé mobile, ou encore la bière Primus, sont probablement rassurés par ce choix. Mais celui-ci ne satisfait pas tout le monde. « Comment peut-on vouloir faire un festival pour la paix, en se refusant à nommer les responsables des violences ? », s’indigne ainsi un des responsables du mouvement citoyen « la lucha », très présent à Goma.
Lors des deux précédentes éditions, un de ses camarades, le militant Fred Bauma, était un important bénévole du festival Amani– il était notamment en charge du village humanitaire. Il a été arrêté à Kinshasa, en mars dernier, alors qu’il tentait de lancer le mouvement citoyen Filimbi. Depuis, il est détenu à la prison de Makala, à Kinshasa. Ses amis tentent, depuis, d’obtenir sa libération au travers de campagnes de communication. Les organisateurs du festival, eux, ne lui ont jamais adressé un mot de soutien en public. Le prix à payer, sans doute, pour pouvoir continuer à l’organiser chaque année.
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