Questions de couleurs

Qui sommes-nous réellement ? Doit-on se fier aux apparences ? C’est, en filigrane, ce que Helen Oyeyemi se demande dans Boy, Snow, Bird, un roman très remarqué à sa parution au Royaume-Uni et aux États-Unis en 2014, et qui vient d’être traduit en français.

Helen Oyeyemi © Capture d’écran/Youtube

Helen Oyeyemi © Capture d’écran/Youtube

ProfilAuteur_AlainMabanckou
  • Alain Mabanckou

    Alain Mabanckou est écrivain et professeur de littérature francophone à UCLA (États-Unis). Depuis 2016, il occupe la chaire de création artistique au Collège de France.

Publié le 20 février 2016 Lecture : 2 minutes.

Son histoire pourrait être lue comme un conte de fées – et d’ailleurs certains ingrédients de ce genre littéraire sont là, avec d’odieux personnages et d’autres qui, animés d’une générosité et d’un sens de l’absolution, nous disent que le monde serait meilleur s’il n’y avait pas la haine, la jalousie, la rancœur et cette question de couleur de peau.

La narratrice, Boy Novak, a connu une enfance de pénitence, maltraitée par un père impitoyable et alcoolique, qui l’élève seul. Un dératiseur immigré qui débarqua de Hongrie sur le sol d’une Amérique ségrégationniste dans les années 1950. La fillette blonde grandit dans l’Upper East Side, un quartier de Manhattan, à New York. Mais à 20 ans elle s’échappe de cet enfer et se retrouve à Flax Hill, dans le Massachusetts, où elle trouve un logement et un travail dans une librairie.

Elle aborde ici ces questions de race, d’aliénation et d’obsession de la beauté à travers des destins d’errance et de fuite dans un monde où certains, tels des caméléons, cherchent à se fondre dans le paysage

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Elle épouse alors le veuf Arturo Whitman, père d’une fille aux cheveux lisses et à la peau claire, Snow. Mais la famille de Whitman, issue de la bourgeoise locale, voit d’un mauvais œil cette union ; d’autant que Boy Novak donne naissance à une enfant « de couleur », prénommée Bird. On y voit une infidélité. Les Whitman semblent avoir oublié, du fait de la pâleur de leur teint, qu’ils étaient eux-mêmes noirs, eux qui se font passer pour Blancs au point d’avoir répudié leur propre fille Clara, parce que trop sombre à leurs yeux… Boy se transforme alors en marâtre intraitable, angoissée à l’idée de voir Bird être dans l’ombre de Snow, et elle la contraint à aller vivre chez sa tante Clara.

Helen Oyeyemi, Britannique qui vit actuellement à Prague, est une des étoiles montantes des lettres anglophones actuelles, aux côtés de Chimamanda Ngozi Adichie, avec qui elle partage des origines nigérianes. Elle aborde ici ces questions de race, d’aliénation et d’obsession de la beauté à travers des destins d’errance et de fuite dans un monde où certains, tels des caméléons, cherchent à se fondre dans le paysage, quitte à renier ce qu’ils sont et à n’être que des « peaux noires » avec « des masques blancs »… On pense à la fois à Philip Roth dans La Tache (The Human Stain) pour cette habilité à déconstruire les identités et à Disgrâce de Coetzee pour l’atmosphère trouble et inattendue des révélations.

>> Boy, Snow, Bird, de Helen Oyeyemi, traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, éd. Galaade, 308 pages, 24 euros

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