Bourse de Tunis : baisse de régime pour Ennakl

En pleine expansion avant la révolution, le distributeur auto paie cher sa proximité avec l’ancien pouvoir. Les analystes sont désormais partagés sur l’intérêt du titre, coté à Tunis et à Casablanca.

Julien_Clemencot

Publié le 13 juillet 2011 Lecture : 3 minutes.

Fleuron du groupe tunisien Princesse Holding, Ennakl, distributeur des marques Volkswagen, Audi, Porsche et Seat, a présenté le 30 juin, lors de son assemblée générale, ses résultats 2010. Soit l’une des dernières occasions pour sa direction d’évoquer un temps où l’entreprise caracolait en tête du secteur automobile du pays (21 % de part de marché) et où les affaires de son PDG d’alors, Sakhr el-Materi, prospéraient à l’aune de sa proximité avec le couple présidentiel.

Fin 2010, Ennakl affichait un chiffre d’affaires en hausse de 29 % (205,4 millions d’euros) et une progression de sa marge brute comparable (+ 30,8 %). Une performance directement liée à la hausse importante des quotas d’importation accordés à la société par les autorités, passant d’environ 9 000 à 12 000 véhicules entre 2009 et 2010. Au cours du même exercice, début juillet 2010, Ennakl a également réussi son introduction en Bourse, devenant la première entreprise à la fois cotée à Tunis (30 % du capital) et à Casablanca (10 %). Une opération d’abord souscrite par des petits porteurs.

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Bilan catastrophique. Mais ces succès apparaissent désormais quelque peu décalés, au regard de la tournure prise par les événements après la fuite de Ben Ali. Dès le 14 janvier, la société a en effet payé cher ses liens avec l’ex-chef d’État. Valorisée à 11,70 dinars (5,90 euros) fin décembre sur la Place de Tunis, l’action Ennakl a entamé à partir de cette date une chute vertigineuse (voir infographie), pour atteindre son niveau le plus bas le 25 février (7,20 dinars). Et malgré une remontée du cours, encouragée par la confiscation par l’État des parts de Sakhr el-Materi (60 % du capital), le titre affiche un bilan aujourd’hui catastrophique, avec un repli de 23,7 % sur les douze derniers mois et de 55,8 % par rapport à sa cotation la plus haute. Même sanction à Casablanca, avec une baisse de 55,6 %.

Le titre affiche un bilan aujourd’hui catastrophique, avec un repli de 23,7 % sur les douze derniers mois

L’appréciation du marché ne devrait pas s’améliorer quand l’entreprise publiera ses résultats intermédiaires, au mois d’août. D’après nos informations, le chiffre d’affaires aurait accusé un recul de 65 % au premier trimestre 2011 par rapport à la même époque de 2010 (la chute « n’est que » de 48 % sur cette même période si l’on exclut l’activité véhicules industriels, cédée début 2010). Pour éviter toute nouvelle panique, la direction d’Ennakl a annoncé la couleur et affirmé vouloir limiter à 20 % la baisse de ses revenus pour 2011. Un objectif difficilement atteignable, selon Kais Kriaa, patron de la société d’analyse boursière Alpha Mena : lui prévoit une chute de 31,2 %.

Toutefois, l’analyste financier estime que cette perspective ne doit pas effrayer outre mesure les investisseurs : « En achetant au plus bas, certains actionnaires ont déjà réalisé une plus-value virtuelle intéressante. Ennakl est, de mon point de vue, sous-évalué par rapport aux autres acteurs du secteur automobile maghrébin, comme Artes ou Auto Hall au Maroc. Son cours devrait retrouver dans les douze à dix-huit mois un niveau proche de celui d’avant la révolution. » Preuve du potentiel de la société, d’après Alpha Mena : ses bons chiffres de ventes aux mois de mai (1 200 véhicules) et de juin (1 375). « Volkswagen conserve une excellente image auprès de la clientèle », explique Kais Kriaa, qui précise qu’Ennakl présente le profil d’une véritable cash machine (31,6 millions d’euros de trésorerie à la fin de 2010).

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La fin des quotas ? Les analystes chérifiens, eux, ne se rangent pas derrière cet optimisme. « Il me paraît difficile de comparer la valorisation d’Ennakl à celles des sociétés automobiles marocaines », estime un banquier. Et l’expert de pointer les incertitudes entourant la capacité d’Ennakl à rester parmi les meilleurs avec un quota limité à 7 000 véhicules, comme annoncé pour 2011, voire à résister à la concurrence une fois les quotas abandonnés : « Si le secteur est libéralisé en Tunisie, comme le souhaitent les autorités, les acheteurs vont se tourner vers des modèles moins chers à l’achat et à l’entretien, comme Peugeot ou Dacia. Si Ennakl réalisait autant de ventes, c’est aussi parce que les autres concessionnaires se retrouvaient parfois sans voitures à vendre, une fois leurs quotas épuisés, et que certains marchés, comme celui des taxis, lui étaient quasiment réservés. » Une défiance à l’égard du titre également alimentée par les inconnues entourant la gestion des actifs confisqués par l’État. « Le pire serait qu’ils soient rachetés par une société proche du pouvoir », confie un analyste marocain.

Face aux spéculations des marchés, Ennakl met en avant, outre l’extension de son réseau – avec l’ouverture de deux nouvelles agences -, ses bonnes relations avec Volkswagen. Loin de renier les années Ben Ali, le constructeur allemand lui apporte un soutien sans faille. Il vient notamment de lui accorder une remise de 832 000 euros. Une aide utile, alors qu’Ennakl subit depuis peu un contrôle fiscal approfondi.

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