Maroc : restructurations en chaîne à la RAM
Cession de filiales, plan social… Le patron de Royal Air Maroc a su s’appuyer sur les syndicats et l’État pour faire aboutir ses réformes. Mais ce n’est pas terminé.
Depuis l’été dernier, Royal Air Maroc (RAM) se restructure en profondeur. Le groupe, qui a souffert de l’ouverture du ciel marocain aux compagnies low cost européennes en 2004, repart à l’offensive. Pour son PDG Driss Benhima, en poste depuis 2006, il s’agit de reconstituer la trésorerie de la compagnie en cédant des activités et d’économiser chaque année 1 milliard de dirhams (environ 90 millions d’euros) en coûts de fonctionnement.
Deux objectifs actés avec l’État marocain, actionnaire à 95 %, qui a accepté en septembre de débloquer 145 millions d’euros d’aide d’urgence. « C’est la seule fois en plus de cinquante ans d’existence que les autorités mettent la main au pot, confiait à l’époque Driss Benhima. Avec ce plan de restructuration, nous ramenons seulement nos infrastructures au niveau de notre concurrent le moins bon. » Une manière de signifier aux salariés que la potion aurait pu être plus amère.
Des compagnies maghrébines à la peine. Avec un chiffre d’affaires en baisse de 20 millions d’euros sur deux ans et des lignes intérieures très déficitaires, Air Algérie ne doit son équilibre budgétaire qu’aux subventions de l’État. Pour se préparer à l’ouverture du ciel algérien, la compagnie a lancé un plan social qui prévoit une réduction des effectifs de 10 000 à 7 500 salariés. La baisse des coûts passe aussi par le renouvellement de sa flotte, composée d’une vingtaine de Boeing 767 de plus de 20 ans d’âge. Les mesures, annoncées le 8 janvier par le PDG Mohamed Salah Boultif, ont dégradé un climat social déjà tendu. Subissant l’impact du Printemps arabe, les autres compagnies du Maghreb, confrontées à une forte concurrence européenne et une diminution du tourisme, devront aussi se restructurer, comme Tunisair, dont l’effectif est passé de 3 000 à 3 700 personnes en un an, malgré un chiffre d’affaires en recul de 11,3 % en 2011. De leur côté, Libyan Airlines et Afriqiyah devraient fusionner bientôt.
Côté trésorerie, la revente d’Atlas Hospitality, le 15 janvier, au fonds marocain H Partners doit rapporter plus de 100 millions d’euros. « La filiale hôtelière, qui compte une vingtaine d’hôtels, mobilisait la trésorerie de la RAM, alors que c’était une activité non stratégique et tout juste à l’équilibre. Cette revente était nécessaire », approuve un analyste du secteur. La RAM devrait en outre bientôt récolter les fruits de la vente de quatre Airbus A321, confiée au broker britannique Falko, puis de celle de six autres appareils vieillissants. Pour les remplacer, trois Boeing 737 ont été loués à General Electric. Devraient suivre la filialisation puis la revente des activités catering (restauration et nettoyage) et handling (manutention des bagages et petite maintenance).
Quant au plan de départs volontaires, il suit son cours : déjà 1 087 salariés de plus de 45 ans ont accepté de quitter le groupe (sur les 1 500 prévus), dans des conditions jugées avantageuses par les syndicats. Pour les mouvements en interne, la pilule a fini par passer aussi. « Certains personnels, comme les hôtesses et stewards, étaient mécontents : ils devaient accepter un sacrifice de salaire s’ils étaient mutés sur un poste au sol. Mais aujourd’hui, la plupart des différends sont résolus. Sur les 200 navigants qui devaient quitter leur poste, environ 170 ont choisi de partir et une dizaine ont été réintégrés. Aujourd’hui, seule une vingtaine de cas pose encore problème », indique Ahmed Senbli, représentant de l’Union marocaine des travailleurs (UMT). La diminution du personnel touche aussi l’international : la RAM fermera dans l’année toutes ses agences commerciales françaises en province, supprimant 30 postes.
Effort de diplomatie
Malgré le plan de restructuration, la tension sociale a baissé. Alors que le PDG, polytechnicien fonceur, n’était pas connu pour ses bonnes relations avec les salariés, celles-ci se sont améliorées. « Driss Benhima, dont le style a souvent été cassant, a fait un effort de diplomatie. Il se répand moins dans les médias, cherche d’abord un consensus avant d’annoncer les mesures », estime notre analyste aérien. Plutôt que de s’opposer frontalement aux syndicats, le patron a voulu qu’ils participent à l’élaboration du plan de restructuration. « Il nous demande nos idées sur les sujets sociaux et ne prend pas les décisions tout seul », confirme Mohamed Lakssissar, de la Confédération démocratique du travail (CDT).
Deux millions d’euros : ce sont les pertes hebdomadaires d’exploitation enregistrées par la compagnie durant l’été 2011. Elles étaient dues notamment à l’augmentation des prix du carburant.
Reste que la route est encore longue. Au-delà de la cure de minceur, il faudra une remise à plat totale de l’organisation de la RAM, qui n’a guère évolué depuis les années 1970. « Nous avons sept types d’avion différents, pour une flotte de 54 appareils. Pour baisser nos coûts de maintenance, il nous faut privilégier deux ou trois modèles et moderniser la flotte. Enfin, nous devrons mettre fin aux lignes déficitaires. Si l’État veut que nous en maintenions pour des missions de service public, il faudra qu’il nous aide », a déjà indiqué Driss Benhima. Fin février, un conseil d’administration statuera sur certains de ces sujets.
Une place à prendre
Les six prochains mois seront cruciaux, notamment dans la gestion des fermetures de lignes, qui devra être menée en bonne entente avec les pilotes. Une catégorie du personnel qu’avait affrontée Driss Benhima lors des grèves en 2009, critiquant leur statut de « privilégiés » portés sur « la surenchère » et « l’indiscipline ». Il lui faudra aussi dialoguer avec l’encadrement, alors qu’il a prévu de baisser de 23 à 11 le nombre de directions. Si la restructuration de la compagnie est un succès, elle ne permettra cependant pas à la RAM de réduire ses coûts d’exploitation de plus de 20 %, alors qu’ils sont de 30 % à 40 % moins chers chez les compagnies low cost.
Pour repartir de l’avant, la RAM devra aussi faire de Casablanca un hub aérien incontournable entre le sud du Sahara et l’Europe. « Malgré les nombreuses liaisons vers l’Afrique subsaharienne, les temps de correspondance de l’aéroport sont encore longs, de nombreux bagages sont perdus… Mais, avec l’arrêt des liaisons du libyen Afriqiyah et la baisse de régime du hub de Tripoli, il y a une place à prendre », note Cheick Tidiane Camara, PDG d’Ectar, un cabinet spécialisé dans l’aérien en Afrique. Pour la suite, la plupart des observateurs font confiance à Benhima. « Il connaît bien la maison, il a l’appui du personnel et le soutien de l’État, relève Cheick Tidiane Camara. Trois avantages cruciaux qui, s’il les conserve, font de lui le meilleur pilote actuel de la RAM. »
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