Soudan : comment expliquer le retour des combats au Darfour ?

Les combats ont repris de plus belle au Darfour depuis mi-janvier, région martyre de l’ouest du Soudan. Il y a pourtant quatre mois, un cessez-le-feu conclu entre le Front révolutionnaire soudanais et Khartoum devait mettre fin aux combats.

Des déplacés du Darfour dans un camp de la mission des Nations unies au Darfour, en juin 2014. © Albert Gonzalez Farran/AP/SIPA

Des déplacés du Darfour dans un camp de la mission des Nations unies au Darfour, en juin 2014. © Albert Gonzalez Farran/AP/SIPA

Publié le 23 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Pourquoi les combats ont-ils repris ?

Depuis l’éclatement du conflit armé en 2003, de nombreuses trêves, aussi précaires les unes que les autres, ont été conclues entre Khartoum et les rebelles du Darfour. La dernière en date, déclarée le 18 octobre pour une durée de six mois, a d’ailleurs volé en éclat trois mois plus tard.

Le contexte politique y était peu propice. Le dialogue national convoqué par Omar el-Béchir début octobre avait en effet été boycotté par la majorité des groupes armés et d’opposition.

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« Ce sont des effets d’annonce de la part du régime », explique Marc Lavergne, chercheur au CNRS et spécialiste du Darfour. « Par ailleurs, les rebelles du Darfour ne se sentent pas tous engagés par le cessez-le-feu conclu par le Front révolutionnaire soudanais (FRS), qui représente une kyrielle de groupes régionaux opposés à Kathoum », poursuit Marc Lavergne, qui fut également coordinateur du panel d’experts du Conseil de sécurité des Nations unies au Soudan en 2006.

En janvier dernier, les combats ont donc repris de plus belle à Jebel Marra. Cette localité, située dans une région montagneuse, est considérée comme le fief de l’Armée de libération du Soudan-Abdel Wahid Nour (SLA-AW).

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Qu’est-ce-que Armée de libération du Soudan d’Abdel Wahid Nour ?

Ce groupe armé est né de la scission de l’Armée de libération du Soudan (ALS) en 2006, après la signature des accords d’Abuja pour le Darfour. Abdel Wahid Nour, alors à la tête de l’ALS refuse de parapher un accord qu’il perçoit comme une capitulation.

Son adjoint de l’époque, Minni Minnawi, décide en revanche d’y apposer sa signature. La faction d’Abdel Wahid Nour, dominée par l’ethnie Four se sépare donc de celle de Minni Minnawi. Depuis, les deux groupes combattent chacun de leurs côtés contre le régime d’el-Béchir.

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Pourquoi s’opposent-ils à Khartoum ?

Au Darfour, une kyrielle de groupes armés combattent le régime d’Omar el-Béchir et ses milices, nommées Janjaweed. Parmi les principaux groupes rebelles, les factions Abdel Wahid Nour et de Minni Minnawi, mais aussi le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM).

À chaque groupe ses velléités. Si certains demandent la décentralisation du Darfour, rattaché au Soudan depuis 1916, d’autres reprochent au régime de Khartoum dominé par les Arabes d’ostraciser et de martyriser les populations non-arabes du Darfour. C’est le cas de l’Armée de libération du Soudan d’Abdel Wahid Nour, qui réclame un partage des pouvoirs et l’égalité des citoyens devant la loi.

Quant au JEM, ses motivations s’éloignent des revendications liées au Darfour, estime Marc Lavergne. « Le JEM est essentiellement composé d’islamistes qui veulent prendre Khartoum. Il sont dominés par l’ethnie Zaghawa, originaires des zones les plus proches du Tchad », rapporte le chercheur .

« Le massacre des populations se poursuit »

Sur place, la situation humanitaire est dramatique. Selon l’ONU, les combats ont provoqué le plus vaste mouvement de population depuis le début du conflit. En quelques semaines, le nombre de déplacés a ainsi bondi de 38 000 à 73 000, soit les plus importants déplacements depuis dix ans, estiment les Nations unies.

Des chiffres largement sous-évalués, assure Aïcha El Basri, ancienne porte-parole de la Mission de l’ONU et de l’UA au Darfour (Minuad). « Ces chiffres sont très pudiques, les remontées du terrain laissent penser qu’en réalité il s’agit du double », s’agace celle qui a dénoncé l’inaction de l’ONU et de l’UA au Darfour après avoir divulgué des milliers de documents internes.

Selon Aïcha El Basri, le nombre de victimes donné par l’ONU depuis le début du conflit, à savoir 300 000 morts,  est également largement sous-estimé. « Ce chiffre correspond à une projection faite en 2008. Depuis, le compteur a été arrêté », poursuit Aïcha El Basri, qui dénonce le manque de volonté politique de l’ONU et de l’UA de confronter Omar el-Béchir.

« L’ONU fait l’autruche au Darfour, elle y a perdu toute crédibilité. Pendant ce temps, le massacre des populations se poursuit », renchérit Marc Lavergne. « On parle de massacres et de violences délibérées contre les civils qui sont en train de mourir de faim puisque le régime empêche l’aide humanitaire d’arriver », poursuit encore Aïcha El Basri. Début février, l’ONU demandait ainsi au gouvernement soudanais « de faciliter l’accès libre et total à toutes les zones touchées par le conflit ».

La Cour pénale internationale recherche depuis 2009 Omar el-Béchir pour des accusations de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide au Darfour.

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