Mali – Abderrahmane Ben Essayouti : « Tombouctou est née avec l’islam »

Une grande cérémonie de « sacralisation » des mausolées de Tombouctou, reconstruits après avoir été détruits par les jihadistes en 2012, a eu lieu début février. Entretien avec Abderrahmane Ben Essayouti, l’imam de la grande mosquée Djingarey Ber de la « Ville aux 333 saints ».

Un des mausolées de Tombouctou à peine reconstruit, en avril 2015. © Baba Ahmed pour J.A.

Un des mausolées de Tombouctou à peine reconstruit, en avril 2015. © Baba Ahmed pour J.A.

Publié le 19 février 2016 Lecture : 2 minutes.

Une forte délégation notamment composée d’ambassadeurs accrédités au Mali a participé le 4 février 2016 à Tombouctou à la cérémonie de « sacralisation » des 14 mausolées de la ville inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Détruits par les jihadistes en 2012, ils ont été reconstruits grâce à l’aide de l’ONU.

Au court cette cérémonie, Lazare Eloundou, représentant de l’Unesco au Mali, a officiellement remis les clefs des sites aux familles détentrices des mausolées. La fin d’une tragique parenthèse dans l’histoire de la Ville aux 333 saints ? Abderrahmane Ben Essayouti, l’imam de la grande mosquée Djingarey Ber de Tombouctou, répond aux questions de Jeune Afrique.

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Jeune Afrique : Que signifie cette cérémonie de sacralisation des mausolées de Tombouctou ?

Abderrahmane Ben Essayouti : Chez nous à Tombouctou, quand on fait de grands travaux de ce genre, il faut faire un sacrifice pour que Dieu éloigne tous les maux qui pourraient survenir. Au niveau de chaque mausolée, nous avons égorgé un taureau et nous en avons distribué la viande aux populations qui ont accueilli la cérémonie avec une grande joie.

Les jihadistes d’Aqmi qui ont détruit ces mausolées en 2012 accusent la population d’idolâtrie…

Ça n’engage qu’eux. Tombouctou est née avec l’islam et ne connaît pas l’idolâtrie. D’autres régions l’ont connue, mais pas Tombouctou. Dans tous les pays musulmans, dans les grandes villes du savoir, il y a des mausolées. Cela n’existe pas qu’à Tombouctou. Les saints sont vénérés dans toutes ces villes, mais ce n’est pas de l’idolâtrie.

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À quoi cela correspond-il dans l’islam ?

Il est recommandé à tout musulman de faire procession sur la tombe de ses aïeux. Personne ne peut dire que c’est haram (interdit). Les visiteurs lisent des versets coraniques et font des prières pour les saints de la même manière que ces derniers font des prières pour leurs visiteurs. Les Tombouctiens le font ainsi tous les lundis, les jeudis et les vendredis.

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Comment se porte la ville de Tombouctou, trois ans après l’occupation jihadiste ?

La rénovation des mausolées, c’est le retour à la normalité si l’on peut dire. Il y a une vraie ferveur religieuse. La ville retrouve sa dignité et renoue progressivement avec son glorieux passé.

Tombouctou a-t-elle aujourd’hui retrouvé toute la valeur qui fait d’elle une ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco ?

Les religieux se retrouvent en groupe et pratiquent leur religion comme cela se faisait par le passé. Les manuscrits de la ville sont désormais rassemblés dans la bibliothèque de l’Institut de hautes études et de recherches islamique Ahmed Baba, en tout cas pour ceux qui étaient éparpillés dans différentes maisons de la ville. D’autres édifices symboliques sont également en court de rénovation. Alors oui, on peut dire que Tombouctou retrouve petit à petit ce qui a fait d’elle une cité religieuse exceptionnelle.

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