Automobile : à quand les usines africaines ?

En Afrique du Sud, en Égypte et au Maroc, les constructeurs affûtent leurs plans pour augmenter leur capacité industrielle. Mais ailleurs, les petites unités d’assemblage sont jugées trop coûteuses, et l’importation domine.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 31 mai 2011 Lecture : 4 minutes.

De fait, mis à part en Afrique du Sud, l’industrie automobile africaine en est encore à ses balbutiements. En 2010, l’Égypte n’a produit que 69 000 véhicules, le Maroc 50 000. Ailleurs, c’est presque le désert industriel, même s’il existe un tissu étoffé de sous-traitants automobiles en Tunisie et quelques petites usines d’assemblage en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est.

Pour la plupart des marques, le continent est une zone de commercialisation attirante, mais pas une terre de production. Conséquences pour les consommateurs africains : de longs délais d’acheminement, une gamme de choix étroite, des fluctuations de prix liées au change, et un coût plus élevé. Pourtant, des projets d’usines, tous localisés aux deux extrémités du continent, sont en gestation. 

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Un secteur structurant

Celui de Renault Tanger Med est le plus imposant. D’un coût de 650 millions d’euros, l’usine marocaine – en construction – doit fabriquer 170 000 voitures dès 2012, et 400 000 par an à partir de 2015. Elle sera le premier exemple d’usine intégrale au nord du Sahara : de l’emboutissage des pièces de carrosserie jusqu’au montage des équipements intérieurs.

« Cette implantation s’explique par la conjonction de deux volontés : celle du Maroc de faire de l’automobile un secteur clé de son économie, car structurant pour son industrie ; et celle de Renault d’installer une seconde plateforme industrielle pour nos véhicules à bas coûts, afin de soulager notre usine roumaine de Pitesti », explique Jacques Chauvet, directeur de la région Euromed du groupe français. Cette décision, prise en 2004, est aussi motivée par les potentialités du marché marocain : « La Logan, que nous assemblions déjà à Casablanca, a fait un bon démarrage dans un pays sous-équipé, avec 65 véhicules pour 1 000 habitants, contre 450 pour 1 000 en Europe du Sud », précise le responsable de la marque au losange.

L’Algérie, deuxième marché automobile du continent derrière l’Afrique du Sud, attire aussi les constructeurs de milieu de gamme, même si les négociations avec le gouvernement s’avèrent particulièrement âpres : « Les pourparlers autour d’une usine à Rouiba, qui devrait produire 75 000 véhicules par an destinés au marché intérieur, portent principalement sur le niveau de composants locaux ainsi que sur les avantages fiscaux », indique Jacques Chauvet, qui espère finaliser un accord dans les prochaines semaines, alors que ce projet est en discussion depuis près de deux ans. Volkswagen lorgne aussi le pays : Christof Spathelf, vice-président du constructeur allemand, s’est rendu à Alger pour évoquer avec le gouvernement un projet industriel de 100 millions d’euros.

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À chaque constructeur sa route

L’Égypte, avec ses 83 millions d’habitants, attire aussi, même si les projets y sont plus modestes. Ainsi en 2012, 3 000 4×4 Fortuner seront assemblés au pays des Pharaons, où Toyota vend déjà 15 000 véhicules chaque année. Même stratégie pour GM, qui compte s’appuyer sur son usine égyptienne, d’une capacité de 50 000 véhicules par an, pour écouler des voitures en Tunisie et au Maroc grâce aux accords d’Agadir prévoyant des facilités douanières. Enfin, le chinois Chery, qui assemble 12 000 voitures par an au Caire, entend lui aussi étendre sa production.

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Mais tout le monde ne suit pas la même route. PSA (marques Peugeot et Citroën), qui détient 10 % des ventes sur le marché maghrébin (40 000 véhicules par an, contre 5 000 au sud du Sahara), ne voit pas l’intérêt de produire sur place : « Construire une usine se décide en fonction de la capacité industrielle existante. Nous avons préféré nous appuyer sur nos usines espagnole et turque pour répondre à la fois aux demandes maghrébine et européenne », indique David Rio, directeur du commerce international de Peugeot pour l’Afrique et le Moyen-Orient.

Partout, la vogue est aux grandes usines capables de faire des séries exportées sur un, voire sur plusieurs continents. On ne s’y lance pas à la légère, les investissements en jeu se chiffrent en centaines de millions d’euros. « Avec la libéralisation, les petites usines d’assemblage partiel, qui s’étaient multipliées dans les années 1970 pour faire face aux réglementations anti-importations de grands pays comme le Nigeria, ne sont plus aussi intéressantes : les coûts d’emballage, de déballage et de montage sur place sont prohibitifs par rapport à l’importation de véhicules finis », analyse David Rio.

Poids de l’histoire

Le poids de l’histoire industrielle joue aussi. Une fois installé dans un pays du continent, un constructeur ne cherche pas à prendre pied chez les voisins, ce qui favorise notamment la nation Arc-en-Ciel. « Nous bâtissons notre stratégie industrielle pour le continent à partir de l’Afrique du Sud, où nous sommes présents depuis 1947, indique Matt Gennrich, de Volkswagen South Africa. Nous préférons y agrandir nos usines plutôt que d’implanter de petites unités sur des marchés africains où nos fournisseurs ne sont pas présents. » Volkswagen fabrique à Port-Elisabeth 135 000 Polo par an, dont un tiers pour le marché national.

Toyota, leader du marché sud-africain depuis les années 1980, écoule déjà 50 % de sa production sud-africaine en Afrique australe, profitant des accords douaniers de la South African Custom Union. Et il compte encore augmenter ses volumes africains : en 2010, il a produit à Johannesburg 123 752 pick-up Hilux, mais son usine est capable d’en fabriquer 220 000 par an.

En bref, si la capacité industrielle africaine est en pleine croissance, il y aura peu de pays élus par les constructeurs. Ceux-ci veulent de grandes usines intégrées au marché mondial et ne disperseront pas leurs investissements. En dehors de l’Afrique du Sud, du Maroc et de l’Égypte, qui combinent un environnement fiscal favorable à l’export, un tissu industriel et logistique suffisant et un marché national dynamique, il est donc peu probable que l’on voie émerger d’autres acteurs de premier rang. 

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