Tunisie : la Star mise sur la vie
Le leader tunisien des assurances, épaulé par son nouvel actionnaire français Groupama, fait désormais de l’assurance vie une priorité. Une activité encore marginale dans le pays, malgré le niveau très élevé de l’épargne à placer.
Impression erronée, car le vent du changement souffle fort sur la Star, comme sur l’ensemble de la profession. Avec l’appui de son nouvel actionnaire de référence, le français Groupama, qui a pris 35 % du capital à la fin de 2008, la Star a notamment fait de l’assurance vie une réelle priorité de développement. Longtemps parent pauvre de l’assurance dans le pays, la branche est en plein boom (voir encadré page 18). Elle a crû de 10 % en moyenne sur les cinq dernières années et, en 2009, a atteint une croissance de 24 %. La Star, leader du marché en matière d’assurance dommages, n’a guère su, jusqu’à présent, s’imposer dans ce domaine. « Elle est loin derrière ses concurrents dans l’assurance vie, avec seulement 4 % de part de marché en 2009 », souligne un expert.
Une entreprise – Maghrebia (UFI Group) – domine assez nettement le secteur, suivie de cinq autres au coude à coude (Hayett, Carte, Salim, Astrée et les Assurances BIAT). La Star, elle, ne pointe qu’en huitième position. « En fait, la plus ancienne des compagnies d’assurances n’est pas la seule à être en retard dans cette activité », tempère Lamia Ben Mahmoud, PDG du réassureur Tunis Re. « Seulement deux groupes s’y sont investis réellement à ce jour : le Groupe des assurances de Tunisie (GAT), via sa filiale dédiée, Amina, qui s’est lancé dans l’assurance vie il y a vingt-cinq ans [sans parvenir à figurer parmi les leaders du secteur, NDLR], et la Comar, qui lui a emboîté le pas en créant dix ans plus tard les Assurances Hayett, une structure également dédiée à la vie. »
Un intérêt récent
Ce désintérêt de la profession a longtemps eu deux causes principales, qui semblent aujourd’hui s’être atténuées. Il y avait d’abord le fait que les assureurs ont longtemps eu pour principal souci de redresser les comptes de l’assurance automobile, génératrice jusqu’à récemment d’un déficit à la fois financier mais aussi en termes d’image auprès du public. Ensuite, le manque d’intérêt des Tunisiens, imputable d’après Lamia Ben Mahmoud à un système de sécurité sociale « très généreux qui leur garantissait une retraite représentant jusqu’à 90 % de leur salaire ». Les changements démographiques intervenus au cours des vingt dernières années ayant provoqué un « trou de la sécu » et posé le problème du financement des pensions, les Tunisiens ont pris conscience de la nécessité d’investir dans des retraites complémentaires. Notamment à travers l’assurance « exonérée de bout en bout », ajoute Lamia Ben Mahmoud.
L’entrée au capital de Groupama changera-t-elle la donne pour la Star ? Au siège, personne n’a souhaité répondre à nos questions. Le plan de transformation mis en place par le nouvel actionnaire a été soumis à l’appréciation de 250 cadres et dirigeants volontaires. Le groupe français voudrait notamment transmettre à la Star « son expertise en matière d’innovation marketing, de pilotage de réseaux, de gestion de la relation, etc. », pour en faire « un acteur de premier plan capable de développer son activité sur tous les segments présentant de fortes perspectives de croissance sur le marché de l’assurance en Tunisie », souligne Lamia Ben Mahmoud. Au centre de ce brain storming, l’assurance vie devrait rapidement connaître de profonds bouleversements.
Vers une alliance avec une banque ?
Une des principales transformations envisagées consiste à rendre l’activité autonome, via la création d’une filiale dédiée. Ce choix a déjà été adopté par plusieurs concurrents, comme la Compagnie d’assurances et de réassurances tuniso-européenne (Carte) et Maghrebia. Il faut dire que, si pendant longtemps les assureurs ont pu exercer l’assurance dommages et l’assurance vie dans le cadre de la même compagnie, les pouvoirs publics ont mis en place en 2002 les premiers garde-fous sous la forme d’une obligation de séparation des capitaux de l’assurance vie, via des normes comptables spécifiques. Et aujourd’hui le législateur veut aller plus loin et s’aligner sur la norme internationale – la spécialisation – « pour tranquilliser les assurés à propos de leur argent et les encourager à investir dans l’assurance vie », note Lamia Ben Mahmoud. Ils auraient « alors un superprivilège par rapport aux autres en cas de difficultés ou de faillite ».
En filialisant, la Star entend aussi « donner une nouvelle impulsion commerciale à la branche », selon la patronne de Tunis Re. Reste à vaincre un obstacle très important. En France, Groupama sait parfaitement que l’assurance vie reste dominée depuis de longues années par les bancassureurs, qui distribuent leurs produits d’assurances via un réseau étendu d’agences bancaires. En Tunisie, la majorité des leaders du secteur sont également détenus par des groupes bancaires. Un avantage de poids que la Star ne pourra contrebalancer qu’à la condition expresse de sceller une alliance, au moins commerciale, avec une grande banque privée tunisienne.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- Au Nigeria, la famille du tycoon Mohammed Indimi se déchire pour 435 millions de d...