Côte d’Ivoire : ce que l’on sait de la mutinerie de la Maca qui a coûté la vie à « Yacou le Chinois »
Le bilan s’est alourdi. Au moins dix personnes – un gardien et neuf prisonniers – sont mortes lors de la mutinerie qui a éclaté samedi au sein de la principale prison de Côte d’Ivoire, la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Parmi les victimes, l’un des plus célèbres détenus : Yacouba Coulibaly, dit « Yacou le Chinois ».
Comment a éclaté la mutinerie ?
La mutinerie a commencé samedi matin, quand des prisonniers ont attaqué des gardiens de la prison. Selon le procureur général Aly Yéo, les violents affrontements ont été provoqués par un « ex-détenu qui tentait d’introduire de la drogue dans l’établissement ». Plusieurs prisonniers auraient alors accouru pour lui venir en aide, notamment en raison des mesures prises contre le trafic quelques jours plus tôt.
Menés par Yacouba Coulibaly, les mutins ont tenu tête aux forces de l’ordre pendant plus de deux heures à l’aide d’armes d’assaut de type kalachnikov. Quelques heures plus tard, les autorités ivoiriennes annonçaient le retour au calme à la Maca.
Qui était Yacouba Coulibaly, dit « Yacou le Chinois » ?
Délinquant récidiviste, Yacouba Coulibaly a d’abord été condamné en 2010 à vingt ans de prison pour vol aggravé. Dit « Yacou le Chinois » en raison de ses yeux bridés, il s’évade peu de temps après son incarcération. En 2011, il réapparaît pendant la crise postélectorale du côté des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) loyales à Alassane Ouattara, et est promu au rang de colonel.
Après une nouvelle série de crimes, Yacouba Coulibaly revient à la Maca en 2012, suite à une deuxième condamnation à vingt ans de réclusion. Il deviendra rapidement le taulier de cette prison surpeuplée. Comme le racontait à Jeune Afrique un ancien détenu de la célèbre prison, « Yacou le Chinois » rackettait les nouveaux arrivants, organisant un business très lucratif au sein du plus grand centre de détention de la capitale économique.
Un détenu gênant, que les autorités avaient à plusieurs reprises souhaité transférer, sans succès. En 2013, une tentative de transfert avait entraîné une mutinerie et provoqué la mort de trois détenus. Yacouba Coulibaly faisait d’ailleurs savoir qu’il régnait sur la Maca : en 2015, il avait organisé en grande pompe son anniversaire dans la prison.
Comment de telles armes de guerre sont entrées à la Maca ?
Après la mutinerie, cinq kalachnikovs ont été saisies auprès des lieutenants de « Yacou le Chinois ». Depuis, une enquête a été ouverte pour « déterminer les circonstances exactes de ces événements et en situer les responsabilités ».
La découverte de cet attirail inquiète les autorités ivoiriennes. « Certains prisonniers bénéficiaient vraisemblablement de passe-droits qu’ils n’auraient pas dû avoir », explique à Jeune Afrique une source gouvernementale. « Clairement, certains détenus avaient acquis un pouvoir financier grâce au trafic de drogue qui leur a permis d’obtenir la complicité de certains employés de la prison », poursuit cette source.
La Maca, une zone de non-droit ?
Cette mutinerie braque également les projecteurs sur ce centre pénitentiaire, dont les conditions de détention sont fréquemment dénoncées par les ONG.
Selon Maître Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits de l’homme (MIDH), les nombreuses mutineries de la Maca s’expliquent par le manque de formation et le dénuement des gardiens, mais aussi par les mauvaises conditions de détention. « Les détenus vivent dans une grande précarité : les repas sont parfois avariés et les conditions sanitaires sont inquiétantes puisque l’infirmerie ne dispose pas de médicaments », explique le président du Midh.
Des conditions de détention précaires, auxquelles vient s’ajouter la surpopulation carcérale. Malgré de récents travaux de rénovation, la Maca accueille plus de 5 000 détenus pour une capacité de 1 500 places. « Forcément, tout cela favorise les mutineries », ajoute encore Me Yacouba Doumbia, qui demande que les autorités ivoiriennes rendent publiques les conclusions de l’enquête. « Il faut tout de même qu’on explique comment des armes de guerre peuvent y entrer et comment cette prison a pu se transformer en un lieu de tous les trafics », s’inquiète-il.
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