Les groupes cotés tunisiens draguent la City
Réunis à Londres à l’initiative de la banque d’affaires MediCapital, sept groupes qui totalisent 40 % de la capitalisation boursière de Tunis ont tenté de convaincre vingt-cinq fonds de revenir animer la Place.
Faire revenir les investisseurs internationaux à la Bourse de Tunis. C’est le mot d’ordre lancé quartier Saint Paul, à Londres, le 16 juin 2009. Un objectif poursuivi par sept groupes tunisiens cotés (Adwya, Amen Bank, Assad, BIAT, Poulina, TPR et Tunisie Leasing) invités dans la capitale londonienne par deux filiales du groupe bancaire marocain BMCE Bank : la société d’intermédiation Axis Bourse, à Tunis, et la banque d’affaires et d’investissement MediCapital, basée à la City. Dans une sorte de speed dating financier, les sociétés tunisiennes ont eu près de deux jours pour convaincre les représentants à Londres de vingt-cinq structures d’investissement tournées vers les pays émergents (fonds d’investissement, fonds de fonds, banques d’affaires, fonds privés, hedge funds…) de les suivre en Bourse. Comme Sofiane Lahmar, associé de Kingdom Zephyr, le fonds de capital-risque du prince saoudien Al-Walid, qui gère 500 millions de dollars dans la région Mena.
« Les entreprises tunisiennes sont assez frileuses et sortent peu de leur pays. Et pour les fonds, la Tunisie reste un petit pays où ils ne viennent guère souvent. L’idée était de les faire se rencontrer ici, à Londres, dans ce haut lieu de la finance mondiale. Les sept sociétés tunisiennes qui ont joué le jeu ne sont pas les moindres, elles représentent environ 40 % de la capitalisation de la Bourse de Tunis », s’est félicité Férid Ben Brahim, directeur général d’Axis Bourse. La plupart des participants avaient en mémoire les résultats du premier forum organisé par MediCapital en 2008. La moitié des 28 fonds présents l’an passé avaient misé sur des valeurs (TPR, Tunisie Leasing, Amen Bank…) pour environ 300 millions de dinars (167 millions d’euros), assure l’un des organisateurs.
Mais la crise financière mondiale est passée par là. Les investisseurs étrangers ont presque tous déserté la Place l’automne dernier. Alors qu’ils détenaient près de 5 % de la Biat, les fonds d’investissement américains BlackRock et Morgan Stanley ont par exemple soldé leur participation pour se replier aux États-Unis. « Les investisseurs étrangers ont vendu par réflexe. Ceux qui sont restés ont fait de bonnes affaires avec des gains de 10 % en dollars et de 15 % en dinars », assure le directeur général d’Axis Bourse.
Ouverture à l’international
Il n’empêche. Les investisseurs sont désormais très prudents. « En 2008, nous avons investi dans la Banque de l’habitat. C’était rentable. Cette année, je viens surtout pour m’informer de l’évolution des sociétés », explique Khaled Abdel Majeed, associé de Mena Capital, un fonds de 50 millions de dollars sur le monde arabe et la Turquie. « Je connais très bien ces entreprises, je suis là pour garder le contact en vue d’éventuelles opportunités », note dans le même esprit Meriem Smida, chargée du Maghreb pour le fonds de capital-risque Actis, qui gère 7 milliards de dollars investis dans les pays émergents. Présent dans Poulina, il investit au minimum 50 millions de dollars dans les entreprises.
Même timidité côté entreprises. Rares sont celles qui, comme Tunisie Leasing, sont venues avec des objectifs arrêtés. « Nous sommes venus à Londres dans l’idée d’accroître le nombre d’investisseurs institutionnels afin de stabiliser le flottant et trouver des partenaires pour financer le développement de notre réseau en Algérie. Rendez-vous est déjà pris à Tunis avec un fonds », explique Hichem Zghal, le directeur général adjoint de la société de location et d’affacturage.
De leur côté, les banquiers tunisiens sont davantage venus se frotter aux exigences, nouvelles pour eux, de la communication financière. « Nous n’avons pas l’intention de lever des capitaux sur les marchés étrangers, nous venons répondre aux demandes d’informations des investisseurs. Cela fait partie du devoir d’information d’une société cotée », assure Slaheddine Ladjimi, le directeur général de la Biat. « Nous entretenons notre cours de Bourse et des relations transparentes avec les investisseurs en vue de préparer notre internationalisation », explique à son tour Houssein Mouelhi, le directeur général adjoint de la banque privée.
Un manque de transparence
Mais même si la Bourse de Tunis présente un énorme potentiel - la capitalisation représente 17 % du PIB, contre 80 % au Maroc -, les investisseurs en ont souligné les faiblesses. « Le pays comme les entreprises ne sont nulle part sur la carte de l’économie mondiale. Le pays vit en autarcie avec un secteur public et un secteur privé très protégés », relève un fonds. Autre handicap : la frilosité du capitalisme familial. « Nous évitons de prendre des positions dans des sociétés qui ont mis moins de 60 % du volume de leur capital en Bourse. Sinon, la valeur n’est pas très active et difficile à vendre. En Tunisie, à part Poulina, TPR ou la Biat, les volumes échangés restent trop faibles », regrette Khaled Abdel Majeed.
Comme au Maroc avec l’introduction à la Bourse de Casa de Maroc Telecom, les professionnels attendent un déclic pour faire enfin décoller la Place de Tunis avec l’ouverture du capital de l’opérateur historique des télécoms, Tunisiana. La double cotation du titre, à Paris et Tunis, qui est attendue pour la fin de 2009 ou le début de 2010 au plus tard, est dans la ligne de mire de tous les fonds d’investissements implantés à la City. « Nous sommes intéressés par Tunisiana mais tout dépendra du prix demandé », nuance. Khaled Abdel Majeed.
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