Sénégal : le hit-parade du « wax waxeet »

« Paroles, paroles, paroles… » Au Sénégal, le revirement récent de Macky Sall sur la réduction – avortée – de son premier mandat vient réveiller une vieille blessure, relative aux promesses non tenues des responsables politiques…

Au Sénégal, Macky Sall n’est pas, de loin, le seul adepte du « wax waxeet » (« je l’ai dit, je m’en dédis », en wolof). © J.A. / AP / SIPA / Serigne Diagne / Flickr

Au Sénégal, Macky Sall n’est pas, de loin, le seul adepte du « wax waxeet » (« je l’ai dit, je m’en dédis », en wolof). © J.A. / AP / SIPA / Serigne Diagne / Flickr

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Publié le 24 février 2016 Lecture : 4 minutes.

Parmi les cinq candidats arrivés en tête du premier tour, lors de l’élection présidentielle de 2012, tous ont eu l’occasion, en leur temps et à leur façon, de pratiquer le “wax waxeet”, cette déclinaison sénégalaise de la volte-face.

Promesse de laisser la place à la tête d’un parti, de ne pas briguer de troisième mandat présidentiel ou d’en réduire la durée, zig-zags partisans…

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Retour sur ces engagements réversibles dont la politique sénégalaise est coutumière…

Moustapha Niasse, président de l'Assemblée nationale sénégalaise © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Moustapha Niasse, président de l'Assemblée nationale sénégalaise © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

À 76 ans, il est l’un des vétérans de la scène politique nationale. En février 2007, alors qu’il se présentait pour la deuxième fois consécutive à la présidentielle, sous la bannière de l’Alliance des forces de progrès (AFP), cet homme d’affaires fortuné promettait qu’il s’arrêterait là : « S’il plaît à Dieu, c’est ma dernière participation à un scrutin présidentiel. » Cinq ans plus tard, il allait pourtant briguer à nouveau les suffrages des Sénégalais au nom de la coalition Benno Siggil Sénégal, incapable d’accoucher d’une candidature unique – ce qui empêcha Niasse et son frère ennemi, le socialiste Ousmane Tanor Dieng, d’atteindre le second tour.

« Si je gagne, je ne ferai qu’un seul mandat de cinq ans », déclarait-il à Jeune Afrique en janvier 2012. Quatre ans plus tard, pourtant, il soutenait « sans réserves » le choix de Macky Sall de renoncer à réduire son mandat en cours, suite à l’avis négatif du Conseil constitutionnel.

L'ex-Premier ministre sénégalais Idrissa Seck, Dakar, le 5 février 2012 © Gabriela Barnuevo/AP/SIPA

L'ex-Premier ministre sénégalais Idrissa Seck, Dakar, le 5 février 2012 © Gabriela Barnuevo/AP/SIPA

L’ancien dauphin présumé d’Abdoulaye Wade a payé cher sa disgrâce lorsque, d’après ses propres mots, un « complot » a été fomenté contre lui pour « installer le fils biologique » [Karim Wade]. Victime d’un cabale judiciaire mêlant accusations de haute trahison et de détournements de fonds, Idrissa Seck restera incarcéré pendant sept mois avant d’être blanchi.

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À sa sortie, le fils trahi crée son propre parti, Rewmi. En 2006, il déclarait : « Un accord [avec Abdoulaye Wade] serait au demeurant une double abomination aux plans moral et politique : il transformerait une affaire judiciaire en une prise d’otage avec demande de rançon. » Mais entre 2007 et 2012, il ne cessera pourtant d’alterner les allers-retours entre l’opposition à Abdoulaye Wade et le giron du Parti démocratique sénégalais (PDS) dirigé par son ancien mentor, au point de finir par donner le tournis à ses compatriotes. Aujourd’hui, après avoir un temps cheminé aux côtés de Macky Sall, Rewmi s’est rapproché du PDS, avec qui il entend fonder un groupe parlementaire commun de l’opposition.

Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du parti socialiste © Serigne Diagne / Flickr

Ousmane Tanor Dieng, secrétaire général du parti socialiste © Serigne Diagne / Flickr

Secrétaire général national du parti socialiste depuis 1996, le dauphin désigné d’Abdou Diouf ne semble pas pressé de céder son siège. « Que je perde ou que je sois élu, je laisserai la place [à la tête du PS] », assurait-il pourtant en janvier 2012, à la veille de briguer pour la deuxième fois la présidentielle. Tanor se disait alors soucieux de « préparer les jeunes générations » à lui succéder, évoquant Khalifa Sall, le maire de Dakar, ou la députée et maire de Podor, Aïssata Tall Sall, comme étant « l’avenir du parti ».

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Deux ans plus tard, Ousmane Tanor Dieng se succédait pourtant à lui-même à la tête du PS, à l’occasion d’une primaire à la soviétique. Quant à savoir si cet allié revendiqué de Macky Sall pourrait se présenter une troisième fois à la présidentielle, dans l’hypothèse où son parti se prononcerait en faveur d’une candidature autonome, le chef du groupe socialiste à l’Assemblée, Cheikh Seck, ne l’excluait pas, en août 2015 : « Si plusieurs candidats sont enregistrés [lors d’une primaire], celui dont je suis sûr qu’il sortira du scrutin, […] c’est Ousmane Tanor Dieng. »

L'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, à Dakar, le 26 avril 2014 © Youri Lenquette pour Jeune Afrique

L'ex-président sénégalais Abdoulaye Wade, à Dakar, le 26 avril 2014 © Youri Lenquette pour Jeune Afrique

Il est celui qui aura donné au « wax waxeet » ses lettres de noblesse. Un an après son élection, en 2001, Abdoulaye Wade introduisait dans la Constitution, par référendum, la réduction du septennat au quinquennat et, surtout, la limitation à deux mandats présidentiels consécutifs. En 2008, il faisait réintroduire le septennat par le Parlement, tout en maintenant la limitation du nombre de mandats consécutifs. Mais l’année suivante, il annonçait sa candidature à un troisième mandat, prétextant que la modification constitutionnelle aurait remis les compteurs à zéro, et que son second mandat était en fait le premier.

Face à la levée de boucliers, le roué président s’en sortit par cette saillie : « Ma waxoon, waxeet! » [Je l’ai dit, je me dédis!] Malgré l’imprimatur du Conseil constitutionnel, la campagne de 2012 se cristallisera sur la parole trahie du président sortant. Face à une coalition informelle réunissant la société civile et les candidats malheureux du premier tour, ce dernier s’inclinera dans les urnes le 25 mars 2012.

Le président sénégalais Macky Sall, à Madrid en Espagne, le 15 décembre 2014 © Abraham Caro Marin/AP/SIPA

Le président sénégalais Macky Sall, à Madrid en Espagne, le 15 décembre 2014 © Abraham Caro Marin/AP/SIPA

À la veille du second tour, en 2012, Macky Sall s’est posé en anti-Wade. Pour emblème de cette gouvernance renouvelée, une promesse symbolique : non seulement le président de l’Alliance pour la République (APR) ré-instaurerait le quinquennat, mais il appliquerait cette réduction de deux années à son mandat en cours. Un précédent inédit, en Afrique comme ailleurs.

Macky Sall aura toutefois commis deux erreurs : sous-estimer les réticences de son propre camp face à cette mesure ; et attendre quatre ans avant de s’assurer de sa faisabilité, au vu des usages constitutionnels. Après avoir assuré à maintes reprises, sur tous les continents, que rien ne le ferait revenir sur sa promesse, Macky Sall a finalement annoncé, le 16 février, qu’il y renonçait, conformément à l’avis négatif du Conseil constitutionnel. Quelques jours plus tôt, il avait pourtant assuré à l’hebdomadaire français L’Express : « Il y aura bien en 2016 un référendum constitutionnel […] ; puis un scrutin présidentiel au début de 2017. »

Au Sénégal, au vu de ce revirement, la presse et l’opinion ont modernisé l’expression mythique : “Wax, waxat, waxati, waxeet” – « Je l’ai dit, redit et répété… mais je me dédis. »

BONUS : le vidéo-clip d’Awadi, devenu une référence au Sénégal pour tous les contempteurs du « wax waxeet » : « Mame Boye, demal nopalu »  (« Grand-père, va te reposer », en wolof)

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Macky Sall, à Dakar, en septembre 2014. © Youri Lenquette/J.A.

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