Banques nigérianes : aux grands maux les grands remèdes
Avec l’annonce surprise de la nationalisation de trois établissements, la réforme du secteur bancaire nigérian touche à sa fin. À la clé, l’arrivée de fonds de capital-investissement et l’émergence de nouveaux leaders.
Alors que l’actualité de ces dernières semaines a été marquée par des annonces de fusions et acquisitions dans le secteur, la Banque centrale a surpris le microcosme financier africain : elle a annoncé le 7 août la nationalisation d’Afribank, de Bank PHB et de Springbank, toutes trois secourues en 2009 et toujours en quête de potentiels investisseurs. En fait, elle a confié leur gestion à un organisme public dénommé Nigeria Deposit Insurance Corporation (NDIC), qui va y injecter 2,8 milliards d’euros et tâcher de les rendre rentables. « En procédant ainsi, les autorités nigérianes ont voulu limiter tout impact négatif qu’aurait pu avoir un échec de la recapitalisation de ces trois banques sur l’ensemble du système bancaire », estime Razia Khan, analyste chez Standard Chartered, à Londres.
Juin 2009. L’économie mondiale peine encore à se remettre de la sévère crise financière qui l’a ébranlée un an plus tôt. Au Nigeria, la Banque centrale décide de tester la capacité de résistance des 24 établissements de son système bancaire et découvre avec stupeur que neuf d’entre eux sont au bord de la faillite. Quelque 3 milliards d’euros sont alors injectés dans ces banques, leurs dirigeants sont limogés et traduits en justice pour mauvaise gestion et pratiques frauduleuses. Ainsi renfloués et réorganisés, ces établissements se sont vu imposer la date du 30 septembre 2011 comme échéance pour trouver des repreneurs.
À la traîne
Les trois établissements nationalisés, dont les clients avaient d’ailleurs déjà commencé à effectuer d’importants retraits d’espèces, étaient à la traîne dans leur processus de recapitalisation. Afribank était certes en discussion avec une autre banque locale, Fidelity Bank, mais l’issue de cette négociation était incertaine. Un premier protocole d’accord avec le fonds de capital-investissement Vine Capital Partners (VCP) avait été rejeté, en juillet, par la Banque centrale. Celle-ci avait estimé que VCP, basé aux États-Unis et qui intervient notamment en Afrique avec des investissements allant de 3,5 millions à 17,5 millions d’euros, n’avait pas suffisamment de moyens pour reprendre Afribank.
Pour sa part, Springbank négociait avec l’indien Icici Bank (numéro deux en Inde, avec 64 milliards d’euros d’actifs gérés) et le fonds d’investissement américain Cloudleap Partners.
Mais, là non plus, rien de concluant ne se dessinait. Quant à Bank PHB, elle non plus n’était pas parvenue à convaincre la Banque centrale avec son plan de sauvetage, qui devait lui permettre de recouvrer environ 280 milliards d’euros de créances douteuses avant la fin de septembre.
Désormais gérées par la NDIC, Afribank devient Mainstreet Bank, Bank PHB Keystone Bank et Springbank Enterprise Bank. « L’État n’ayant pas vocation à gérer des banques, ces établissements devront être cédés à des investisseurs privés dès qu’ils deviendront rentables », indique Paul-Harry Aithnard, directeur de la recherche du groupe Ecobank.
Cartes redistribuées
Mais la réforme initiée par la Banque centrale a également conduit à la reprise par recapitalisation de quatre autres banques en difficulté. Ce faisant, elle a permis de redistribuer les cartes et favorisé l’émergence de nouveaux leaders. Ainsi, Access Bank (jusque-là septième par le total de bilan) a réalisé une bonne opération en rachetant Intercontinental Bank (neuvième) pour 270 millions d’euros, devenant ainsi un groupe qui pèse, avec un total de bilan de 6,3 milliards d’euros.
Lamido Sanusi, l’intransigeant
Qui mieux que Lamido Sanusi, gouverneur de la Banque centrale depuis juin 2009, pourrait incarner le nouveau visage du système bancaire nigérian ? Lui-même ancien haut cadre du secteur, il n’a pas hésité à s’attaquer, quelques semaines seulement après sa nomination, aux fraudes et à la corruption qui ont terni l’image des banques de Lagos. « Je ne nettoie pas que le secteur bancaire, mais tout le Nigeria », aime-t-il à dire. Il est sur point d’atteindre son objectif : doter le pays d’un secteur bancaire plus performant et constitué d’une vingtaine d’établissements (contre plus de 90 en 2005), mieux gérés et capables de jouer pleinement leur rôle. Formé au Nigeria puis au Soudan, Lamido Sanusi est sans doute la personnalité qui a le plus marqué l’histoire récente de l’industrie bancaire nigériane, voire de son pays. Le magazine américain Time l’a classé, cette année, parmi les 100 personnes les plus influentes du monde. Tandis que le journal britannique The Banker (propriété du Financial Times), l’a désigné « gouverneur de l’année ».
De même, le groupe panafricain Ecobank (douzième) a signé, le 31 juillet, au nez et à la barbe de Diamond Bank, autre ténor du secteur, un protocole d’accord pour l’acquisition et la recapitalisation d’Oceanic Bank (sixième). La transaction, qui doit être bouclée en décembre 2011, prendra la forme d’un échange d’actions et permettra de créer un réseau de 620 agences, soit le deuxième groupe bancaire nigérian (et le cinquième en terme de dépôts). « Nous sommes dans la droite ligne de notre ambition, qui consiste à compter parmi les trois premiers établissements sur chacun des marchés où nous sommes présents », indique Paul-Harry Aithnard. Ecobank, implantée dans 32 pays du continent, réalise près de 25 % de ses revenus au Nigeria.
Entre Nigérians
Autre gagnante de la reconfiguration du secteur : First City Monument Bank (FCMB), qui a racheté FinBank. L’opération permet à FCMB, jusque-là spécialisée dans le corporate et la banque d’investissement, de développer son activité de banque de détail sur un marché de 155 millions d’habitants. Enfin, Union Bank of Nigeria a quant à elle réussi à attirer au sein de son capital un consortium d’investisseurs institutionnels dirigé par la société d’investissement African Capital Alliance. La banque devrait ainsi bénéficier d’un nouvel apport de fonds de 525 millions d’euros.
Alors qu’au début de la réforme de nombreux analystes ont tablé sur l’arrivée de banques étrangères, il n’en a finalement rien été. Les établissements nigérians ont surtout fusionné entre eux. D’après Cyrille Nkontchou, cofondateur de la société de gestion d’actifs Enko Capital, basée en Afrique du Sud, « cela peut être bénéfique pour l’économie du pays, qui va voir émerger de nouveaux opérateurs de taille encore plus importante, capables de rivaliser avec des acteurs internationaux ».
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