Les défis de l’intégration régionale

Le professeur John O. Igué est directeur général de l’Institut de l’Afrique de l’Ouest (IAO), à Praia (Cap-Vert).

Publié le 24 novembre 2011 Lecture : 3 minutes.

L’Afrique de l’Ouest est la partie du continent qui possède le plus d’organisations de coopération régionale : on en compte plus de 42. Une telle floraison s’explique en partie par les nombreuses luttes de libération consécutives aux méfaits de la traite des esclaves, qui a particulièrement marqué cette région.

Le reflux des esclaves d’Amérique vers leur terre d’origine a hâté l’émancipation de l’Afrique de l’Ouest par rapport aux autres régions du continent. Cette floraison tient aussi à l’histoire des grands Empires qui ont favorisé une conscience d’appartenance régionale des populations. L’éclatement des anciennes entités régionales au profit des États-Nations faibles a rendu critique la question du marché.

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Mais l’enjeu actuel de l’intégration tient plutôt à l’évolution du monde contemporain, caractérisé par un recentrage économique à l’échelon régional et mondial. L’interdépendance accrue des économies par des accords de libre-échange nécessite de nouveaux modes de régulation. Les préoccupations d’intégration régionale telles qu’elles se manifestent actuellement sont donc une réponse à la mondialisation. La nécessité de l’intégration en Afrique de l’Ouest tient aussi à la faillite des États-nations (incapacité à répondre aux besoins des populations). L’alternative à cette faillite ne peut donc venir que du resserrement des liens entre les États pour mieux faire face :

–    aux méfaits de la balkanisation ;

–    aux déchirements historiques et culturels dus à la partition coloniale ;

–    à la nécessité de reconstruire les bases spatiales d’un développement durable ;

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–    à la migration de travail et à la politique du « diviser pour mieux régner » des ex-pays coloniaux.

En Afrique de l’Ouest, trois expériences d’intégration et de coopération fonctionnent correctement : la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et l’Union du fleuve Mano (UFM). Elles poursuivent des objectifs variables selon les institutions : historique, politique, économique et social. Ceux-ci ont permis quelques avancées notamment avec la mise en place d’instruments juridiques structurant les relations entre les États, les acteurs et autres institutions de coopération. Néanmoins, les obstacles sont encore nombreux et concernent, pour les plus importants, la gouvernance politique, le chevauchement des institutions, des économies peu diversifiées, le déficit d’infrastructures, la fragilité des États.

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Ce sont là autant de défis à la construction régionale en Afrique de l’Ouest, se manifestant çà et là par des crises sociopolitiques qui affectent les États. Bien que l’intégration soit devenue un enjeu majeur pour le développement régional, elle avance peu. De nombreux textes sont signés par les États, sans réellement répondre aux attentes des populations, ni à des questions cruciales telles que :

–    Comment concilier et hiérarchiser les priorités nationales avec les objectifs d’intégration pour éviter la duplication (et l’écartèlement des États entre l’impératif national et régional) ?

–    Qui doit financer et réaliser les infrastructures communautaires ?

Ces questions posent l’épineux problème des gains et des pertes de l’intégration qui restent à définir, entraînant les atermoiements des États.

La création de l’Institut de l’Afrique de l’Ouest (IAO) par l’UNESCO, la Cedeao, l’Uemoa, le Cap-Vert et le Groupe Ecobank, vise à apporter des réponses à ces atermoiements et à proposer des alternatives crédibles par rapport aux bénéfices que les États et leurs populations peuvent tirer de leur participation à la construction d’un espace communautaire viable. Basé à Praia (Cap-Vert), l’IAO ambitionne de changer le paradigme de l’intégration régionale à partir de trois questions-clés : mener des recherches innovantes sur des sujets pointus, construire un dialogue fructueux entre chercheurs, décideurs politiques et acteurs privés et former une nouvelle élite de l’intégration régionale.

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