Paul Derreumaux: « BOA n’est pas une banque « bling-bling » »

Ouverture d’agences, nouveaux produits, recrutements… BOA cherche à s’adapter à la crise et à rivaliser avec de puissants concurrents venus du Maroc et du Nigeria.

Publié le 3 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

Paul Derreumaux : 2008 a été la meilleure année de l’histoire du groupe. Nous n’avons pas encore arrêté tous nos comptes, mais l’ensemble des indicateurs sont à la hausse, total des dépôts, des crédits, total de bilan… Le bilan consolidé du groupe aura certainement franchi la barre des 2 milliards d’euros. L’année 2008 est également importante en raison de notre alliance avec BMCE Bank, qui est effective depuis février.

BMCE Bank sera-t-elle un jour majoritaire ?

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Nous sommes convenus de faire une véritable alliance, avec un poids important des deux partenaires. Les nombreux investissements que nous avons en cours nous conduiront à faire une augmentation de capital, sans doute vers la fin de l’année. Les actionnaires africains, que je représente, sont décidés à faire le maximum. La BMCE croit tout à fait dans notre alliance et elle est bien décidée à souscrire aussi. Je suis confiant sur l’engagement des deux parties et, dans tous les cas, sur l’esprit de partenariat, d’équilibre et de respect mutuel qui s’instaure déjà entre nos équipes et celles de la BMCE et qui est déterminant pour notre avenir.

Craignez-vous des répercussions de la crise internationale en 2009 ?

Pour l’instant, il n’y a pas eu de conséquence, ni négative ni positive, sur notre activité. Nous restons vigilants, comme nos confrères. La baisse générale de liquidités pourrait rapidement poser un problème. Les banques dans tous les grands pays vont être plus restrictives. En parallèle, elles vont vraisemblablement diminuer le nombre des banques avec lesquelles elles travaillent en Afrique. Même si la plupart nous maintiennent leur confiance, elles devraient réduire le volume de leurs encours africains et durcir leurs conditions d’accès au crédit. Mais nous ne savons pas encore dans quelles proportions.

Existe-t-il d’autres moyens d’accès au crédit ?

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Il y a des parades. Nous venons par exemple de signer à Madagascar une ligne de « trade finance » avec la SFI. C’est donc la SFI qui apporte sa garantie aux opérations de crédit documentaire que nous signons avec l’étranger. Nous sommes en train de négocier d’autres garanties pour nos autres banques. Mais les négociations avec les bailleurs de fonds sont devenues plus difficiles et les marges que prennent ces institutions sont plus hautes qu’auparavant, même si nous avons accès aux montants que nous souhaitons.

Vous êtes donc raisonnablement optimiste…

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La plupart des pays où nous sommes installés gardent des projets d’infrastructures. Je remarque aussi que nous avons reçu beaucoup de demandes d’entreprises, notamment dans les télécoms, qui n’ont pas remis en cause leurs investissements. Au bout du compte, la période qui s’annonce peut se révéler porteuse si les entreprises recherchent leurs financements au plan local parce que les grands groupes sont moins en mesure de financer leurs filiales africaines.

Comment se traduit cette analyse dans votre budget pour l’année en cours ?

Le budget du groupe prévoit une croissance en 2009. Elle sera moins importante que celle de 2008, par précaution. Cela dit, notre croissance est liée à des facteurs comme les investissements. Par exemple, nous avons prévu d’ouvrir de nouvelles agences, ce qui se traduira par une croissance des dépôts et des crédits.

Dans votre environnement, quel a été le fait le plus marquant en 2008 ?

L’ouverture du monde bancaire subsaharien à une concurrence très vive de banques venues d’autres parties du continent. Pour être clair, du Nigeria et du Maroc. Ce sont des banques africaines, elles sont puissantes, ambitieuses, avec une volonté de présence régionale, voire continentale. Une véritable redistribution des cartes est en cours. L’offensive d’Attijariwafa Bank est d’ailleurs très significative à cet égard : en même temps qu’elle arrive, elle signe le retrait du Crédit agricole français.

La victoire des banques africaines ?

Oui, bien sûr. C’est logique. Vous n’imagineriez pas que la première banque du Brésil soit américaine. Alors que, pendant des décennies, la première banque de l’UEMOA était française, la SGBCI, en l’occurrence. D’une certaine façon, cela démontre que les fondateurs de BOA étaient dans le vrai : gérer une banque en Afrique n’est pas l’apanage des étrangers. Surtout parce que les étrangers s’intéressaient peu à cette époque à la clientèle particulière alors que c’est l’une des principales formes de la nouvelle concurrence.

Pouvez-vous suivre Attijariwafa Bank ou UBA sur le marché des particuliers ?

Bien sûr, nous allons rester sur ce marché, car nous y avons toujours été, à la différence d’autres banques qui y sont venues plus récemment. Nous avons une politique de création d’agences, avec un objectif cette année qui est le double de ce que nous avons fait l’année dernière, soit au moins soixante agences, ce qui nous mènera à plus de 230 à la fin de l’année.

Vous allez lancer de nouveaux produits ?

Absolument, la concurrence va s’accélérer et il faut établir un rapport différent entre la banque et le grand public. Après l’ouverture d’agences, le deuxième champ de bataille avec la concurrence portera sur les produits. Ce qui fera la différence, c’est la manière de les présenter, de les vendre et de les gérer en interne. Ce sera décisif pour leur impact vis-à-vis du public.

Quels produits ? Comment se positionnent-ils par rapport à ceux de vos concurrents ?

Nous n’allons pas regarder les autres pour savoir ce qu’il faut faire. Ce qui prime, c’est ce que nous avons défini en fonction de notre expérience et de la nature de notre groupe. Nous avons des idées sur des produits importants pour l’avenir, je pense notamment au mobile-banking, sur lequel tout le monde travaille. Un autre produit, que je crois promis à un grand avenir, c’est la carte bancaire prépayée. Nous l’avons lancée au Mali il y a quelques mois et nous allons bientôt la lancer au Burkina et au Bénin.

Trouvez-vous en Afrique les compétences nécessaires à votre expansion ?

Il n’y a pas à proprement parler de pénurie de compétences bancaires. Nous avons fait plus de recrutements que jamais en 2008 et nous en ferons davantage en 2009. Nous allons recruter quelque 250 collaborateurs. Et s’il y a surenchère sur les salaires, elle est du fait de certains, notamment les nouveaux entrants, qui trouvent plus efficace de débaucher chez les concurrents. Pour notre part, nous continuons à donner la priorité aux jeunes et à la formation. Pour les postes à grande responsabilité, c’est plus difficile, mais nous y parvenons et nous allons très rarement chercher quelqu’un qui est déjà en poste.

Vos confrères disent que votre groupe est bien géré, mais pas assez commercial…

Je reconnais que nous avons été trop discrets pendant longtemps. Nous avons eu une stratégie d’expansion régulière, sans à-coups. Nous sommes partis de zéro, sans aucun grand actionnaire, et nous avons toujours eu des moyens financiers moins importants que nos concurrents, ce qui ne nous a pas empêchés de faire de grandes choses. Nous ne sommes pas une banque « bling-bling », si je puis dire. Mais nous avons une capacité d’adaptation lorsque c’est nécessaire. Depuis trois ans, tout en continuant à enrichir notre offre, nous menons une politique commerciale différente et plus agressive.

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