Burundi : « plus jamais ça », qu’ils disaient !
Ceux qui ont suivi la crise burundaise depuis son début le savent, aucun facteur externe n’y a joué le moindre rôle. La controverse électorale mise à part, qui pourrait imaginer autre chose ?
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Faustin Kagame
Faustin Kagame est un écrivain et journaliste rwandais.
Publié le 25 février 2016 Lecture : 3 minutes.
Au fil du temps cependant, et au rythme d’une succession de drames suivis en temps réel par l’opinion mondiale – médias sociaux obligent – les autorités burundaises n’ont pas manqué de dénoncer la main de l’étranger à la ronde. Pays donateurs d’aide préoccupés par l’escalade des violences, pays d’accueil des réfugiés dont le nombre frôle les 200 000, ils ont dû subir l’ire d’un pouvoir secondé par une équipe de communication particulièrement sollicitée. Le 23 juillet 2015, les États-Unis et le Rwanda furent accusés d’ingérence et de tentative de déstabilisation. Dans la foulée, la Belgique fut épinglée par un haut dignitaire, pour son soutien supposé à des « terroristes » locaux. À ce jeu, c’est encore le Rwanda qui inspire les plus récentes récriminations et diatribes.
Qu’il puisse y avoir une sensibilité particulière concernant le Rwanda pour un gouvernement qui s’est tout à tour défaussé sur tant de monde, rien de bien étonnant quand on y pense. Le déni d’une tragédie dont les victimes sont exposées à la consternation du monde via les réseaux sociaux étonne, mais ne surprend plus. Il tient apparemment lieu de stratégie politique et diplomatique plutôt sommaire dans un contexte dramatique, mais les dirigeants burundais semblent y croire. Et pourquoi pas d’ailleurs, vu le comportement erratique d’une communauté internationale qui, tout en jurant ses grands dieux qu’elle ne saurait rester passive face à un désastre dont elle assure avoir repéré les signes avant-coureurs, ne fait que se refiler la crise d’une médiation à une autre. Médiation ougandaise, africaine, américaine, européenne ou onusienne, tant de gens ont fait le voyage de Kampala, Bujumbura ou Addis-Abeba pour tenter d’arracher au président Nkurunziza la concession minimale d’un dialogue avec ses opposants.
Une mesure forte avait même été envisagée, celle de l’envoi d’une force africaine de 5 000 hommes chargée de protéger les populations civiles, pour prévenir un drame pressenti comme pouvant dégénérer en massacres de masse. La perception du danger était telle que des instances de l’UA avaient souhaité pouvoir se passer de l’accord du président burundais au besoin, sauf qu’il lui a suffi de dire que ce projet serait considéré comme une invasion et traité comme telle par son armée, pour qu’il soit abandonné.
Plus récemment, l’incohérence des intervenants au chevet du Burundi a encore frappé. En prenant pour parole d’évangile des accusations contenues dans un rapport dont Jeune Afrique à publié les bonnes feuilles, la diplomatie américaine a offert l’occasion d’une belle diversion à un gouvernement burundais qui en avait tant besoin. Sur la foi des dires recueillis en territoire congolais auprès de 18 inconnus affirmant avoir été recrutés dans un camp de réfugiés burundais du Rwanda pour faire la guerre à leur pays d’origine, le Rwanda s’est retrouvé pointé du doigt par son ancien « co-accusé » américain. La diversion fit tant le bonheur de Bujumbura que des manifestations furent lancées sur l’ensemble du pays. Les slogans guerriers à l’adresse du Rwanda et de son président furent nombreux – c’est la loi du genre – mais ce qu’il y avait à célébrer pour de vrai, c’était assurément l’attribution à autrui d’un incendie qu’on avait allumé chez soi.
Sans devoir suivre les proches du pasteur-président burundais (voir ici), qui sont d’avis que « l’intoxication et la désinformation sont des armes de destruction massive de l’Occident », comment ne pas voir que la diplomatie du « rapport qui tombe à point nommé », avec ses risques de manipulation et ses incertitudes, recèle un énorme potentiel de nuisance ?
Pendant ce temps, alors que les pompiers en sont à pointer du doigt dans le voisinage, l’opinion mondiale s’attend, chaque soir ou presque, à de nouvelles images de corps mutilés au réveil. Les officiels diront encore que la paix et l’ordre règnent partout dans leur pays qui – accessoirement et pour cause – vient d’être classé le plus pauvre au monde. « Plus jamais ça», qu’ils disaient…
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