Festival national de Tanger : histoire, patriotisme et cinéma
Levée de rideau ce vendredi 26 février de la 17ème édition du Festival de Tanger. Quatorze longs métrages se disputeront les treize prix consacrant le cinéma marocain. De quoi satisfaire presque tout le monde…
Du 26 février au 5 mars, la ville de Tanger est la capitale du cinéma marocain. Plus de 500 professionnels du septième art y sont réunis pour la 17ème édition du Festival national du film (FNT). Une grand-messe que la ville du détroit a failli rater : les chambres professionnelles partenaires du Centre cinématographique marocain (CCM) dans l’organisation du Festival avaient envisagé de revenir à la formule de départ de cet événement : un festival nomade, tournant entre les différentes villes du Maroc. « Mais les autorités locales nous ont convaincu de le maintenir à Tanger, justifie Sarim Fassi-Fihri, directeur du CCM. Et il faut avouer qu’il y a de moins en moins de villes capables d’accueillir cet événement, vu le nombre réduit de salles ».
Baromètre du cinéma marocain
La disparition des salles sombres, problème structurel qui limite cruellement le potentiel de distribution et d’exploitation, sera d’ailleurs une des thématiques des tables rondes organisées dans le cadre du FNT. Celles-ci traiteront de nombreux autres sujets : formation, infrastructures, critiques cinématographiques, ciné-clubs…
Mais le Festival c’est surtout le baromètre du cinéma marocain. Sur les 19 longs métrages mis en boîte l’année dernière, 14 sont sélectionnés pour la compétition officielle. « Les cinq films hors compétition seront tout de même projetés en marge du festival », explique Sarim Fassi-Fihri qui estime que c’est inhumain d’imposer à un jury de visionner plus de deux films par jour.
Le jury de cette année est présidé par l’écrivain et critique Mohamed Noureddine Affaya. Avec les six autres membres, ils devront attribuer les 13 prix dédiés aux films en compétition, dont certains ont tendance à faire doublon : en plus du Grand prix, on retrouve entre autres, un Prix spécial du jury et un Prix de la réalisation. Autant dire qu’il y a de quoi satisfaire pas mal de cinéastes. Surtout que dans les thématiques choisis, certains films peuvent même relever du sacré…
Maroc 1945 – 2002
Difficile par exemple de ne pas voir le film le plus cher du cinéma marocain en 2015 (12 millions de dirhams de budget) ne rien récolter alors que son titre c’est La Marche Verte. Il met en scène des acteurs marocains reconnus qui incarnent des personnages dont l’existence a changé suite à cet événement historique de 1975, quand le Maroc reconquiert son Sahara. Surtout que le metteur en scène n’est pas à son coup d’essai dans les films historiques : Youssef Britel compte dans sa filmographie, Chaïbia, du nom d’une icône nationale de la peinture contemporaine.
https://www.youtube.com/watch?v=uzjwUmzDkGM
Le petit arrière-goût patriotique que devrait laisser La Marche Verte, on pourrait aussi le retrouver dans La Isla. Sauf qu’Ahmed Boulane a plutôt choisi de tourner en comédie cette grave crise diplomatique entre le Maroc et l’Algérie, datant de 2004, autour d’un rocher inoccupé dans la Méditerranée : îlot Leila pour les Marocains, Perejil pour les Espagnols. Le film consacre aussi une expérience de coproduction maroco-espagnole réussie…
Avec Les larmes de Satan, Hicham El Jebbari met en image un autre pan de l’histoire du Maroc contemporain : les années de plomb, marquées par les arrestations arbitraires comme celle de l’instituteur incarné par Rachid El Ouali, un monstre sacré du grand écran.
Un autre long métrage sélectionné rembobine encore plus loin l’histoire du royaume. Les hommes d’argile nous ramène au temps de la deuxième guerre mondiale quand des soldats Marocains rejoignent la légion étrangère. C’est le deuxième long métrage de Mourad Boucif, un MRE de Bruxelles.
Son compatriote « maroxéllois » Jaouad Ghalib sera aussi du Festival avec Insoumise qui avait déjà été présenté au Festival International de Marakkech, tenu en décembre dernier.
Hors des sentiers battus
Un film est à surveiller particulièrement : The sea is behind. Sélectionné dans une dizaine de festivals internationaux (dont celui de Berlin) et déjà primé six fois, ce troisième long métrage de Hicham Lasri est une fable loufoque, en noir et blanc, sur un travesti qui sévit dans les mariages. C’est d’ailleurs le seul film qui sort des sentiers battus dans un cinéma marocain qui a tendance à devenir pudique…
La preuve, le grand absent de cette grand-messe du est sans doute Much loved. Ironie du sort, le soir même de l’ouverture du festival de Tanger, le film interdit de Nabil Ayouch bat pavillon français lors de la cérémonie des Césars, à Paris. Loubna Abidar, l’actrice principale devenue paria du cinéma marocain et forcée à l’exil pour son rôle de prostituée, est nominée dans la catégorie meilleure actrice, côte à côte avec Catherine Deneuve ou encore Cécile de France. Tanger ne va certainement pas lui manquer…
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- Stevie Wonder, Idris Elba, Ludacris… Quand les stars retournent à leurs racines af...
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Bantous : la quête des origines