La Libye, royaume du crime et de l’impunité selon un rapport de l’ONU

Un rapport d’enquête d’une centaine de pages publié jeudi par le Haut commissariat aux droits de l’homme des Nations unies fait état des abus commis en Libye entre 2014 et 2015. Et le constat est accablant.

Un combattant civil tient un drapeau libyen devant les bâtiments détruits de Benghazi, le 23 février 2016. © Mohammed el-Shaiky/AP/SIPA

Un combattant civil tient un drapeau libyen devant les bâtiments détruits de Benghazi, le 23 février 2016. © Mohammed el-Shaiky/AP/SIPA

Publié le 26 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Plus de 200 victimes interrogées

Quelque six moins d’enquête, de juillet à décembre 2015. Compte tenu des raisons sécuritaires, les six enquêteurs onusiens n’ont pu se rendre que brièvement en Libye, effectuant par exemple une visite de seulement une journée à Tripoli, circonscrite à l’aéroport. Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale n’offrit son assistance que dans la mesure où leurs investigations étaient conduites dans les villes de Tobrouk et d’Al-Baida où il est basé. L’équipe d’enquêteurs a  partagé le reste de ses missions entre l’Égypte, la Turquie, la Jordanie l’Italie, et surtout la Tunisie, facilitant parfois la venue de victimes et témoins à Tunis, capitale du pays.

Malgré ces difficultés – prévisibles -, les enquêteurs onusiens se sont entretenus avec pas moins de 250 interlocuteurs, parmi lesquels au moins 200 victimes et témoins. Et le constat est glaçant.

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Homicides illégaux

Dans toutes les zones du conflit, des cas d’homicides illégaux ont été signalés comme étant le fait de la plupart des principaux groupes armés depuis 2014. Dans les cas recensés, les enquêteurs signalent des exécutions de personnes détenues en captivité, emprisonnées, kidnappées ou perçues comme exprimant une opinion divergente.

Depuis 2014, des défenseurs des droits de l’homme ont été pris pour cible et victimes notamment d’assassinats, de tentatives de meurtres, d’enlèvements, de menaces, de surveillance et de raids contre leurs maisons ou leurs bureaux. Les cas de disparitions recensées par les enquêteurs sont attribués aux groupes armés comme aux forces étatiques.

Attaques indiscriminées

Le rapport mentionne aussi des attaques indiscriminées, notamment dans des zones résidentielles densément peuplées à Benghazi, Tripoli et Warshafana. Selon l’étude, les précautions nécessaires et suffisantes n’ont pas été prises pour protéger les civils et les structures bénéficiant d’une protection en vertu du droit international humanitaire, dont les établissements de santé, les ambulances, les professionnels de la santé et les travailleurs humanitaires.

Recrutement d’enfants

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Le Haut commissariat aux droits de l’homme relève des cas de « recrutement forcé et d’utilisation d’enfants (…) par des groupes ayant prêté allégeance à l’État islamique (EI) ». Certains ont été forcés à suivre une formation religieuse et militaire, à regarder des vidéos montrant des décapitation et certains ont affirmé avoir été abusés sexuellement.

Dans certains cas, ces abus peuvent constituer des ‘crimes de guerre’

« Une multitude d’acteurs, étatiques et non étatiques, sont accusés de très graves violations et abus qui pourraient, dans certains cas, constituer des crimes de guerre », a déclaré le Haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, dans un communiqué annonçant la publication du rapport.

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Recours généralisé à la torture

Le rapport d’enquête dénonce également le recours « généralisé » à la torture, « en particulier dans les lieux de détention », notamment dans des locaux de la police et du renseignement militaire, conduisant jusqu’à la mort. Les enquêteurs font état de « coups portés avec des tuyaux en plastique ou des câbles électriques, de suspensions prolongées dans des positions douloureuses, d’isolement cellulaire, d’électrocution, de privation d’eau et de nourriture, de menaces d’ordre sexuel et d’extorsion ».

« L’un des éléments les plus frappants de ce rapport a trait à l’impunité complète qui continue de prévaloir en Libye », poursuit le responsable onusien, dans le communiqué. La justice est inexistante. Depuis 2014, des juges et des procureurs ont été l’objet d’assassinats, d’agressions et d’enlèvements et des cours visées par des attentats. De ce fait, les cours de Derna, Syrte et Benghazi ont cessé leurs activités en 2014, quelques unes dans certains parties de Benghazi ont recommencé à fonctionner de manière partielle qu’en 2015.

Les migrants, autres victimes collatérales

Ils sont particulièrement vulnérables face au risque d’exploitation et d’abus de la part des autorités, des groupes armés et des passeurs. De nombreux migrants font l’objet de détentions arbitraires prolongées, de travail forcé, d’extorsion, de trafic et de violence sexuelle. Les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne sont particulièrement exposées. Selon le rapport, plus de 3 200 migrants sont détenus dans la seule partie occidentale de la Libye.

Recours à la Cour pénale internationale

Pour conclure, le rapport recommande une action urgente pour arrêter la prolifération des groupes armés et demande également à la communauté internationale de faire en sorte que la Cour pénale internationale, dont la compétence s’exerce sur la Libye, dispose des moyens nécessaires pour mener ses enquêtes et poursuites.

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