BMCE Bank joue sa partition africaine
En prenant officiellement les commandes de Bank of Africa, le fleuron du royaume chérifien fait du groupe panafricain le pilier, au sud du Sahara, de sa stratégie internationale. Décryptage.
Les deux hommes partagent les mêmes ambitions panafricaines. Cette présence doit « permettre à l’opinion publique marocaine de prendre la mesure de notre volonté commune de continuer de tisser notre toile, partageant une même stratégie et de mêmes valeurs », insiste ce jour-là l’homme d’affaires marocain. « C’est notre vision commune à long terme d’expansion à la fois ambitieuse, exigeante et innovante qui a, je crois, réuni nos deux groupes », lui répond Paul Derreumaux. Ses résultats plaident en sa faveur. Le fondateur de BOA, créé en 1982 au Mali, a prouvé la solidité du groupe, qui emploie 3 000 salariés dans 13 pays africains, face à la crise mondiale. Son total de bilan consolidé a franchi le seuil des 2,5 milliards d’euros en 2009, contre 2,3 milliards en 2008. Le produit net bancaire a légèrement augmenté, à 163 millions d’euros. Seul le résultat net consolidé après impôts s’est inscrit en retrait (- 36 %). Mais pour BMCE Bank, qui détient désormais la majorité du capital de BOA, ces 35 millions d’euros de bénéfices sont un encouragement de plus.
UN CHANTIER DE TAILLE
Car le groupe marocain a d’immenses ambitions pour sa filiale panafricaine. Aux commandes, deux hommes de confiance nommés par Othman Benjelloun. Jaloul Ayed, désormais basé à Londres, s’est vu confier la mission de structurer l’activité à l’international de BMCE Bank. Mohamed Bennani, quant à lui, prendra la direction opérationnelle de BOA début 2011. Le premier trouve devant lui un chantier de taille afin de bâtir un pôle international reposant sur BOA, d’un côté, et sur les activités européennes, principalement tournées vers la banque corporate, de l’autre. De manière urgente, la banque d’affaires londonienne MediCapital Bank, rebaptisée BMCE Bank International (BBI), doit retrouver le chemin de la rentabilité. Trop tourné vers les marchés de capitaux à un moment où ceux-ci s’effondraient, MediCapital Bank a jusqu’à présent aligné les pertes. BBI doit ensuite intégrer les filiales bancaires en Espagne et en France, avant d’envisager des installations en Chine, en Inde… La volonté est claire : créer une plateforme européenne homogénéisée qui deviendra un interlocuteur de référence pour les entreprises africaines désirant lever des fonds sur les marchés mondiaux, et pour les multinationales souhaitant investir en Afrique ou financer des opérations de commerce international.
Au sein des équipes dirigeantes de BMCE Bank, une chose est certaine : le succès de BBI est intimement lié à l’appui qu’il recevra de l’autre grande branche internationale du groupe, le réseau BOA. Depuis de longs mois, Paul Derreumaux sensibilise ses équipes africaines à un travail plus systématique avec les professionnels de BMCE Bank basés à Londres. Avec comme objectif de développer des synergies, faire remonter des dossiers de financement, de levées de fonds. Pour BBI, le gain est évident : la banque deviendrait alors la seule ou l’une des seules banques d’investissement appuyant son activité sur un vaste réseau de banques commerciales en Afrique. Pour BOA, les avantages sont également nombreux : le groupe pourrait ainsi prendre une place sur des marchés qui, aujourd’hui, lui échappent. Parmi eux, le conseil et le montage de projets d’infrastructures, d’équipement et d’investissement en Afrique subsaharienne, et l’accompagnement sur les marchés des capitaux. De quoi séduire, notamment, les grandes multinationales actives sur le continent. Désormais aux commandes opérationnelles de BOA, Mohamed Bennani devrait également s’inspirer de l’expérience de BMCE Bank au Maroc pour mettre en chantier quelques autres pistes de développement : le financement de logements sociaux, la segmentation entre agences destinées aux particuliers et celles consacrées aux entreprises, avec un marketing différencié.
ESPRIT DE PARTENARIAT
Donnant un coup d’accélérateur à la politique menée par Paul Derreumaux, le nouveau patron a également sur son bureau un ambitieux programme de développement géographique. BMCE Bank entend en effet couvrir avec BOA tous les pays africains d’ici à une décennie, en commençant, très rapidement, par l’Afrique de l’Ouest anglophone et l’Afrique centrale, avant d’attaquer l’Afrique australe. Les cibles ne manquent pas : le Cameroun est ainsi une priorité, une implantation est à l’étude au Togo et des recherches actives sont d’ores et déjà engagées au Rwanda et au Ghana. Autant de projets qui coûteront cher. Mais les fonds propres de BOA, qui ont été portés à 34 millions d’euros, devraient se gonfler de 40 millions d’euros supplémentaires d’ici à 2013.
Après trois décennies sous la houlette de Paul Derreumaux, les équipes de BOA ont-elles quelque chose à craindre de leur nouvel actionnaire majoritaire, BMCE Bank, et de ses managers ? Comme l’affirme le fondateur de BOA lui-même, et comme le confirment les dirigeants de BMCE Bank, l’état d’esprit est davantage celui du partenariat que de la prise de contrôle. Il semble ainsi peu probable que BMCE Bank change les dirigeants des filiales nationales. Mohamed Bennani devrait en revanche faire appel à des compétences du groupe au niveau des comités stratégiques mais aussi de la direction des finances, des risques ou des affaires juridiques. Il ne devrait pas non plus manquer d’associer des professionnels marocains aux principaux chantiers stratégiques du groupe : nouvelles activités, nouveaux produits.
Quant aux actionnaires, BMCE Bank les soigne. Un élément fondamental car BOA ne s’est jamais développé en solo. Au niveau du groupe, les actionnaires institutionnels historiques que sont Proparco (filiale de l’Agence française de développement) ou le FMO (l’agence de développement néerlandaise) sont acquis à la cause marocaine. Au niveau des filiales, Mohamed Bennani s’est engagé à soigner les minoritaires et à respecter les équilibres fondamentaux entre actionnaires. De quoi rassurer sur la stabilité de BOA. De quoi permettre aussi à BMCE Bank d’envisager sereinement la constitution d’un pôle international juridiquement et capitalistiquement intégré, regroupant BOA et BBI. Un défi à la hauteur de l’ambition d’Othman Benjelloun et de ses équipes : faire passer la contribution de l’international aux activités de BMCE Bank de 20 % aujourd’hui à 50 % demain. Rendez-vous est pris.
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