Attijariwafa Bank consolide ses positions
Après une série d’acquisitions coûteuses, le groupe bancaire s’attache désormais à rentabiliser ses investissements africains. L’occasion de faire un bilan sur sa stratégie d’expansion.
Le groupe marocain a eu un appétit d’ogre en 2009. Il a repris opportunément les filiales de son vieil allié, le français Crédit agricole, qui souhaitait se désengager en Afrique subsaharienne, insuffisamment rentable à ses yeux. Ainsi l’Union gabonaise de banque, le Crédit du Sénégal, la Société ivoirienne de banque et le Crédit du Congo, filiales du groupe français, sont tombés dans l’escarcelle du marocain. Ce sera aussi bientôt le tour de la Société camerounaise de banque. Coût total de ces cinq acquisitions : pas moins de 250 millions d’euros.
Le groupe marocain a profité également de l’année pour finaliser la fusion de la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO), acquise fin 2007 (auprès du groupe français Mimran) avec Attijari Bank Sénégal, faisant de la nouvelle entité le leader bancaire sénégalais. Au Mali, le groupe a consolidé l’organisation de la Banque internationale pour le Mali, deuxième banque du pays, dont elle détient 51 % des parts depuis la fin 2008. Dernière opération en date, en mars dernier, la prise de contrôle, avec son allié marocain Banque populaire, de la modeste filiale du français BNP Paribas en Mauritanie.
« Dans la banque de détail, nous faisons aujourd’hui 15 % du chiffre d’affaires à l’international. En 2012, nous visons les 30 % », explique Boubker Jaï, directeur général en charge de l’international. Ce qui explique que, pour aller vite, la banque ait opté pour la croissance externe.
Pour organiser ses filiales africaines, Attijariwafa Bank se base sur son expérience marocaine : « Les pays africains ont un taux de bancarisation similaire à celui du Maroc depuis une vingtaine d’années (moins de 10 %, NDLR). Nous pouvons nous appuyer sur ce que nous avons fait chez nous, même s’il ne s’agit pas de dupliquer un modèle exactement à l’identique », indique Boubker Jaï.
Les défis à relever sont contrastés selon les zones : « Nos filiales d’Afrique centrale, explique Boubker Jaï, brassent des volumes importants d’argent mais sont dédiées à des clients aisés. Nous n’avons que quatre agences au Congo, seulement cinq au Gabon. Nous souhaitons étendre ces deux réseaux pour satisfaire des clients de la classe moyenne. » La situation est tout autre en Afrique de l’Ouest : « La CBAO est la première banque de la zone UEMOA, avec plus d’une centaine de points de vente. La Banque internationale du Mali en compte quant à elle une cinquantaine. Ces deux filiales sont déjà de vraies banques de détail, plus proches de notre modèle. Un plan stratégique sera lancé pour développer les synergies entre nos banques et étendre le réseau de la CBAO en Guinée-Bissau et au Burkina. »
Empressement
Autour de ces acquisitions, Attijariwafa Bank met les bouchées doubles pour africaniser son image. En décembre dernier, le groupe a notamment sponsorisé une partie de la « caravane de l’export », un voyage d’une centaine d’entrepreneurs marocains pour des rencontres B to B en Afrique de l’Ouest. La banque a également acquis une remarquable collection d’art ouest-africain, pour laquelle le président du groupe, Mohamed el-Kettani, s’est personnellement impliqué.
Mais la publicité que fait Attijari autour de son expansion africaine fait aussi grincer des dents : « On peut se demander si le groupe marocain a eu l’attitude prudente d’un banquier dans ses acquisitions. Peut-il les digérer aussi vite ? Où sont les synergies ? » s’interroge Dhafer Saïdane, maître de conférence à l’université de Lille-3 et spécialiste des stratégies bancaires, qui avoue peiner à comprendre la logique économique derrière la stratégie de la banque marocaine. « Elle semble plus inspirée par des motifs politiques que par la recherche d’un retour sur investissement cohérent », regrette le spécialiste, qui fait référence à la volonté de Mohammed VI de tourner l’économie marocaine vers l’Afrique de l’Ouest, aire d’influence naturelle du Maroc, grâce notamment aux réseaux bancaires marocains.
Plus généralement, Dhafer Saïdane s’inquiète de la surenchère déclenchée par les groupes marocains (Attijari, mais aussi BMCE via Bank of Africa) et nigérians (dont United Bank for Africa) : « Leur empressement à acheter des filiales en Afrique pour gagner en taille et en présence géographique risque de créer une bulle. » Sensible ou non à ces arguments, Attijariwafa Bank semble en tout cas marquer une pause dans son expansion. Le groupe marocain ne dispose d’ailleurs plus de réserves d’argent abondantes. Pour finaliser ses acquisitions, il avait dû céder au Crédit agricole 15 % de sa filiale de crédit à la consommation Wafasalaf ainsi que les participations de Wafa Assurance dans Crédit du Maroc. Après le temps des acquisitions vient celui de la consolidation du groupe en Afrique.
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