Burkina et Centrafrique : deux anciens Premiers ministres incarnent le renouveau

La Centrafrique et le Burkina Faso viennent de connaître des élections présidentielles qui ne s’apparentent pas aux élections cosmétiques observées habituellement en Afrique centrale.

Des partisans de Roch Marc Christian Kaboré, le 27 novembre 2015 à Ouagadoudou. © Theo Renaut/AP/SIPA

Des partisans de Roch Marc Christian Kaboré, le 27 novembre 2015 à Ouagadoudou. © Theo Renaut/AP/SIPA

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  • Didier Niewiadowski

    Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.

Publié le 26 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Ayant servi des régimes déchus, Faustin Archange Touadéra et Roch Marc Christian Kaboré n’étaient pas les favoris. Il y a des similitudes dans leur destin.

Leur passé politique n’a pas été rédhibitoire

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Roch Marc Christian Kaboré a été, durant plus de vingt ans, étroitement associé à la gouvernance de Blaise Compaoré, notamment en qualité de premier ministre (1994-1996). La proximité de Faustin Archange Touadéra avec François Bozizé a été plus tardive et moins longue.

L’ancien recteur de l’université de Bangui n’entra en politique qu’en 2008 pour exercer, durant cinq ans (2008-2013), les fonctions de Premier ministre.

Tous deux auraient pu être handicapés par leur participation à des régimes peu soucieux de l’État de droit. Il n’en fut rien. Paradoxalement, leur passage aux affaires a même été une aubaine. Non seulement, il était difficile de les associer aux dérives autocratiques, nourries par le népotisme et le clientélisme, de leur ancien mentor mais encore, ils pouvaient, l’un et l’autre, faire valoir des succès incontestables dans leur gestion des affaires publiques.

Une bonne réputation dans la gestion des affaires publiques

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Lors de son passage aux affaires, l’économiste Roch Marc Christian Kaboré a engagé un programme de réformes multisectoriel qui a permis à l’économie du Burkina Faso de surmonter les conséquences négatives de la dévaluation du franc CFA et de retrouver une croissance de 5%. Par ses réseaux et ses mandats de parlementaire, il a également été efficace dans la résolution des conflits politiques et sociaux.

Écarté du secteur sensible de la sécurité et des secteurs lucratifs des mines et du pétrole, réservés à François Bozizé, l’ancien Premier ministre centrafricain a mené des réformes qui lui ont valu un satisfecit des institutions de Bretton Woods. La bancarisation des traitements des agents publics, l’allégement de la dette publique concrétisé avec le point d’achèvement de l’Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), atteint le 30 juin 2009, la lutte contre la corruption illustrée par des limogeages retentissants, n’ont pas été oubliés des citoyens.

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Deux parcours comparables avec le même destin

Les deux présidents ont suivi un cursus académique classique pour terminer leur formation universitaire à Dijon, pour le Burkinabé, et à Lille, pour le Centrafricain. Ces séjours en France ont été déterminants pour leur formation politique. Plutôt progressistes ils ont en commun une préoccupation majeure envers la détresse de la jeunesse. L’ancien « dauphin de Blaise » et l’ancien recteur de l’université de Bangui sont réputés pour rechercher le consensus, ce qui leur donne un profil idéal pour la réconciliation nationale.

Ces deux anciens Premiers ministres se sont tardivement affranchis des partis hégémoniques qui avaient permis à leur mentor de se maintenir aussi longtemps au pouvoir. Le nouveau locataire du palais du Kossyam a pris ses distances avec son parti, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), dès 2012, mais ce n’est qu’en janvier 2014 qu’il le quittera lorsque Blaise Compaoré décida de modifier l’article 37 de la constitution pour se représenter à l’élection présidentielle.

Vice-président de la Convergence Kwa Na Kwa (KNK) de François Bozizé, Faustin Archange Touadéra abandonna toute activité au sein du KNK, après son départ de la primature, le 11 janvier 2013. Témoin affligé de la descente aux enfers de son pays, Faustin Archange Touadéra décida tardivement de se lancer dans la compétition présidentielle. Le 5 août 2015, il déposa sa candidature, en candidat indépendant. Fort opportunément, il laissa le KNK soutenir son adversaire, futur finaliste, apparaissant ainsi habilement comme le candidat du renouveau.

Vers une recomposition du paysage politique

Au Burkina Faso, avec un CDP moribond il reviendra à Roch Marc Christian Kaboré de former une majorité présidentielle avec son parti, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP). La seule opposition à Blaise Compaoré et à ses anciens thuriféraires ne sera pas suffisante.

En Centrafrique, les partis politiques au pouvoir, depuis l’indépendance, portent la responsabilité de la paupérisation d’un peuple vivant dans un pays richement doté en ressources mais mal gouverné. Le nouveau président va devoir rassembler les nombreux députés indépendants dans une majorité présidentielle, à défaut, il pourrait être cantonné dans un rôle de chef de l’État d’un régime parlementaire.

Trop souvent les élections en Afrique sont encore être des mirages de la démocratie. Heureusement, le vent de la démocratie commence à souffler. Les récentes élections de Roch Marc Christian Kaboré et de Faustin Archange Touadéra sont encourageantes car elles laissent espérer que des dirigeants d’hier peuvent aussi être les acteurs de la démocratie de demain.

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