Crise au Burundi : ce qui a changé (ou pas) après la visite de la délégation de l’Union africaine
Après le départ samedi de Jacob Zuma, chef de la délégation de haut niveau de l’Union africaine (UA) au Burundi, pouvoir et opposition apprécient diversement les avancées ou reculs enregistrés dans le processus de paix en panne dans le pays.
La (nouvelle) ligne de l’UA au Burundi
Adieu la Maprobu ! Lors de la récente visite de deux jours d’une délégation de haut-niveau de l’Union africaine, conduite Jacob Zuma, l’idée d’une Mission africaine de prévention et de protection au Burundi a été définitivement enterrée. Avant de quitter le pays, le président sud-africain a en effet indiqué la nouvelle ligne de l’Union africaine.
Plus question de l’envoi de 5 000 hommes au Burundi, comme cela avait été préconisé à la mi-décembre par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Face à l’intransigeance des autorités burundaises, l’organisation panafricaine a dû revoir sa position. Elle ne compte désormais envoyer que « 100 observateurs des droits de l’homme et 100 experts militaires humanitaires » pour « suivre de près la situation au Burundi », a expliqué samedi Jacob Zuma.
Au nom de la délégation de l’UA, le président sud-africain a également appelé son homologue burundais à « créer des espaces pour la libre activité politique et assurer la liberté de la presse » dans le pays.
Concernant le dialogue politique voulu inclusif, l’UA n’a pas pu infléchir la position du président burundais Pierre Nkurunziza qui refuse toujours de négocier avec des opposants en exil, qualifiés pour la plupart de « putschistes ». Les cinq chefs d’État et de gouvernement africains (le Sud-africain Jacob Zuma, le Mauritanien Ould Abdel Aziz, le Sénégalais Macky Sall et le Gabonais Ali Bongo Ondimba, ainsi que le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn), composant la délégation de haut-niveau de l’UA dépêchée à Bujumbura, se sont contentés d’appeler leur homologue ougandais, Yoweri Museveni, à relancer « le plus tôt possible » les négociations interburundaises avec les « acteurs importants » de la crise.
Le régime Nkurunziza ne fléchit pas
Après le passage de la délégation de l’UA, Pierre Nkurunziza s’en sort « plutôt renforcé » dans sa position, selon l’entourage du chef de l’État burundais. Pour Bujumbura, des « acteurs importants » auxquels les chefs d’État africains ont fait allusion se comptent exclusivement parmi les « interlocuteurs pacifiques ».
Exit donc la principale plateforme de l’opposition burundaise en exil, le Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et l’État de droit au Burundi (CNARED) et tous ceux qui sont considérés par le pouvoir comme les instigateurs du putsch manqué de mai 2015.
Quant au renforcement d’observateurs des droits de l’homme et d’experts militaires au Burundi, Bujumbura prend acte et salue la décision. D’autant que, pour le chef de la diplomatie burundaise Alain Aimé Nyamitwe, « cette augmentation a été dictée, entre autres, par la nécessité de surveiller la frontière entre le Burundi et le Rwanda », le premier accusant le second de recruter et de former des rebelles burundais sur son sol.
L’opposition et la société civiles restent sceptiques
Pour les détracteurs du régime Nkurunziza, aucune avancée n’a été enregistrée dans le processus de dialogue au Burundi après le passage de la délégation de l’UA. L’Union pour le progrès national (Uprona) de l’opposant Charles Nditiye s’est même dit « déçue ».
Pierre Nkurunziza maintient le même langage
Même son de cloche au sein de la société civile burundaise dont de nombreux leaders vivent désormais en exil. « Pierre Nkurunziza maintient le même langage, refusant le dialogue réellement inclusif », souligne Me Armel Niyongere, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Burundi. « Pis, en retirant la question du troisième mandat du menu des prochaines négociations, le président Jacob Zuma qui conduisait la délégation de l’UA a outrepassé son rôle et pris fait et cause pour Pierre Nkurunziza », dénonce-t-il.
Contrairement à l’avis de l’UA et des autorités burundaises, Me Armel Niyongere estime qu’aujourd’hui « les Burundais n’ont pas besoin de 100 observateurs des droits de l’homme et de 100 experts militaires, mais d’une réelle force d’intervention pour protéger les civils dans les quartiers contestataires où l’on compte chaque jour des cas d’assassinat et de disparition ». Une sonnette d’alarme – une de plus – adressée à la communauté internationale.
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