Fusions-acquisitions : pour Control Risks, il y aura une « une nécessaire consolidation » sur les marchés africains

Si le nombre d’opérations a crû en 2015 en Afrique, leur valeur unitaire, elle, continue de chuter, indique une étude rendue publique fin février. Stéphanie Lhomme, directrice régionale Europe & Afrique chez le londonien Control Risks, analyse les évolutions à attendre sur le front de la « M&A » africaine.

Stéphanie Lhomme est directrice régionale Europe & Afrique chez le londonien Control Risks. © DR

Stéphanie Lhomme est directrice régionale Europe & Afrique chez le londonien Control Risks. © DR

Publié le 1 mars 2016 Lecture : 5 minutes.

La nouvelle édition de “Deal Drivers Africa” vient de paraître.

Ce baromètre annuel des fusions et acquisitions opérées en Afrique est réalisé par le spécialiste des informations financières britannique MergerMarket, en association le cabinet de conseil anglais Control Risks, le spécialiste américain des publications financières Merrill Corporation et la banque d’affaires nigériane FBN Capital. L’édition 2016, qui porte sur les opérations de l’année dernière, a été publiée le 24 février.

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Selon « Deal Drivers Africa 2016 », 290 opérations de fusions-acquisitions ont été comptabilisées sur les douze mois de 2015, en progression de +1 % sur un an. En revanche, la valeur cumulée de ces opérations atteint 27,3 milliards de dollars, en baisse de -26 %, selon les résultats de cette étude, qui comprend des informations compilées notamment auprès d’une centaine de 100 d’investisseurs et conseillers financiers.

Les données de cette étude sont nettement différentes de celles compilées par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement qui comptabilise 20 milliards de dollars d’opérations de fusion-acquisitions transfrontalières en Afrique en 2015, contre 5,1 milliards de dollars en 2014.

Les chiffres de « Deal Drivers Africa 2016 » sont un peu plus proches de ceux publiés en octobre dernier par le groupe Thomson Reuters qui comptabilisait 23,4 milliards de dollars de fusions-acquisitions impliquant des opérateurs de la seule zone Afrique subsaharienne, sur la période janvier-septembre 2015, soit une baisse de -23 % en un an.

Les marchés africains les plus actifs

Le nouveau « Deal Drivers Africa »confirme toutefois une tendance de fonds du marché : si le nombre d’opérations de fusions-acquisitions reste assez stable sur le continent, leur valeur unitaire, elle, est en recul.

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Le gros des opérations compilées dans cette étude étaient en dessous d’un ticket maximum de 250 millions de dollars.

Seules cinq opérations ont passé le cap des 500 millions de dollars l’an dernier, contre 14 en 2014. Afrique du Sud, Kenya et Nigeria demeurent les marchés les plus actifs mais d’autres se rétablissent (Égypte & Maurice) ou enregistrent une réelle avancée (Éthiopie, Tanzanie…).

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À l’occasion de cette parution, Stéphanie Lhomme, directrice régionale Europe et Afrique de Control Risks, détaille les principaux enseignements du marché africain des fusions et acquisitions, et analyse ses perspectives.

Control Risks compte 2 700 collaborateurs. Le groupe britannique est implanté à Johannesburg (Afrique du Sud), Lagos et Port Harcourt (Nigeria), et Nairobi (Kenya).

Propos recueillis par Benjamin Polle.

À lire le dernier “Deal Drivers Africa”, la tendance observée depuis deux ans sur le marché africain des fusions et acquisitions se confirme : après une décennie de forte croissance, la priorité va aux plus petites acquisitions. Cela est-il parti pour durer ?

Stéphanie Lhomme : Le marché des fusions et acquisitions est stable en Afrique et a enregistré en 2015 son plus grand nombre d’opérations depuis 2007. Il est marqué par une bonne tenue des opérations intra-africaines qui comptent pour 62 % des opérations en volume mais on voit aussi une forte poussée des opérations libellées en dollars qui ont profité de monnaies locales en forte décélération. Les opérations en dollars sont passées à 19,2 milliards de dollars contre 11,2 milliards de dollars en 2014.

Quels secteurs vous semblent à même de prendre le relais de l’énergie, des mines et des matières premières qui lâchent 3 points en volume et 12 points en valeur selon les données rassemblées par “Deal Drivers” ?

Dans plusieurs domaines, la tendance sera la même : trop d’opérateurs et une nécessaire consolidation. Il en va ainsi pour les secteurs des télécommunications, où les opérateurs sont trop nombreux favorisant une logique de consolidation pour les plus gros acteurs.

De même, dans la banque : nombre d’établissements n’ont pas les capacités de financer de grosses opérations. S’y ajoutent des ratios prudentiels relevés au Kenya ou en Tanzanie qui poussent aux rapprochements.

Enfin, l’assurance souffre également en Afrique d’un nombre élevé d’agents. Ces secteurs vont générer des opérations de fusion et acquisition.

L’accent est mis sur l’Afrique de l’Est dans le rapport. Pourquoi le potentiel d’acquisitions y est plus important ?

Il y a un report des investisseurs qui étaient actifs en Afrique du Sud ou au Nigeria vers le Kenya, l’Éthiopie ou l’Ouganda. Les économies et les monnaies sud-africaines et nigérianes sont en retrait, quand le Kenya bénéficie d’une classe de jeunes entrepreneurs très ouverte à l’arrivée d’investisseurs étrangers. Le Kenya jouit également d’un tissu économique plus diversifié que le Nigeria.

“Deal Drivers Africa” fait de la baisse du prix du pétrole à un plus bas de dix ans une opportunité d’investissements par des rachats d’actifs à moindres prix. Pourtant, la chute des cours du pétrole, des minerais et des matières premières ne redistribue-t-elle pas les cartes ?

Même si la part des énergies, des mines et des matières premières a compté en moyenne pour 20 % des opérations entre 2007 et 2013, plusieurs secteurs s’y substituent progressivement. Le secteur de la consommation a concentré 13 % des opérations en valeur en 2014-2015, marqué notamment par le rachat par le britannique Diageo du brasseur sud-africain United National Breweries), contre 7 % en moyenne entre 2007 et 2013.

Même constat en ce qui concerne la pharmacie, le médical et les biotechnologies qui n’étaient que marginales, à 2 % des fusions et acquisitions en six ans, et qui ont percé à 20 % des opérations en 2014 et 2015. Parmi les opérations dans ce secteur figurent : la fusion de l’émirati Al Noor et du sud-africain South Africa’s MediClinic, le rachat par le canadien Valeant Pharmaceuticals de l’égyptien Amoun Pharmaceutical Industries, la vente d’une unité sud-africaine d’Aspen Pharmacare à Litha Pharma, filiale de l’écossais Endo International.

Un dernier volet du rapport porte sur la prise en compte de la cybersécurité dans les acquisitions. Où en est le sujet dans les fusions et acquisitions africaines ?

Il est relativement mal compris et peut être réduit à une seule dimension technologique, de détournements de cartes bancaires, de virements depuis un compte bancaire piraté…  Étant donné le boom technologique en Afrique, la question de la cybersécurité y est d’autant plus cruciale.

Par exemple, Control Risks a récemment travaillé sur le cas d’une attaque sur une entreprise nigériane un mois après l’acquisition de cette dernière ; les montants investis pour arrêter l’attaque et parer aux faiblesses des systèmes de contrôle ont fortement impacté le retour sur investissement qui avait été pris en compte lors de la valorisation de l’entreprise.

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