Maghreb : où en est la lutte contre les violences conjugales ?

À l’occasion de la journée internationale des droits de la femme, célébrée le 8 mars, les initiatives se multiplient au Maghreb pour lutter contre les violences conjugales. Malgré des avancées législatives et sociales, les chiffres inquiètent et plusieurs associations tirent une fois encore la sonnette d’alarme.

Des milliers de femmes souffrent chaque année de violences conjugales au Maghreb. © Wikimedia Commons/Slick-o-bot

Des milliers de femmes souffrent chaque année de violences conjugales au Maghreb. © Wikimedia Commons/Slick-o-bot

Publié le 4 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

À la veille du 8 mars, la violence conjugale monopolise le débat dans les pays du Maghreb. Les 7 et 8 mars se tiendra à Alger la cinquième assemblée générale de la Conférence de Kigali, consacrée au rôle des organes de sécurité dans la lutte contre les violences à l’égard des femmes. Organisée par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), elle regroupera des chefs de police africains, ainsi que plusieurs personnalités internationales, dont le secrétaire général de l’organisation des Nations-unies (ONU) Ban Ki-moon, et plusieurs ONG engagées dans la défense des droits des femmes.

En attendant cet événement majeur, les dernières campagnes au Maroc et en Tunisie des ONG Human Rights Watch et Amnesty International pointent une protection insuffisantes des victimes de violences conjugales. Mais qu’en est-il réellement des lois et initiatives gouvernementales ou associatives censées protéger les victimes tunisiennes, algérienne et marocaines contre de telles violences physiques ou verbales au sein du couple ?

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La Tunisie, précurseur, doit encore faire ses preuves

Dans sa dernière campagne #DealWithIt (gère-le, en référence au problème de la violence conjugale) lancée début février, la section tunisienne d’Amnesty International appelle à écrire au chef du gouvernement, Habib Essid, pour « arrêter de punir les survivants », parmi lesquels « la femme incapable de porter plainte pour viol car son agresseur est aussi son mari ».

Et pour cause, malgré la promulgation du Code du statut personnel (CSP) dès 1956 et l’article 46 de la Constitution de 2014 en faveur des droits des femmes, la violence conjugale sous toutes ses formes est devenue la première cause d’agressions physiques et de décès des femmes âgées entre 16 et 44 ans, d’après un rapport de l’Office national de la famille et de la population (ONFP), publié en 2014. En 2010, le même ONFP signalait que 47,6 % des femmes tunisiennes déclaraient avoir été victimes d’une forme de violence au cours de leur vie.

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En 2014, la secrétaire d’État auprès du ministère de la Femme et de la Famille, Neila Chaâbane, avait évoqué un projet de loi-cadre relative à la lutte contre la violence faite aux femmes, et annoncé la création d’un centre d’accueil pour les femmes victimes de violence conjugale, en collaboration avec la Croix Rouge. On l’attend encore…

En Algérie, enfin une loi, mais à revoir

Depuis décembre 2015, l’Algérie est devenu le deuxième pays du Maghreb, après la Tunisie, à criminaliser les violences faites aux femmes en adoptant la loi n°15/19 du code pénal, qui punit la violence conjugale, le harcèlement de rue, le vol entre époux et la dépossession des biens de la femme par l’époux.

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Si ce texte constitue une avancée dans le pays, des voix s’élèvent contre l’introduction de la notion de « pardon de la victime » concernant les violences conjugales, qui permet d’alléger les peines (dans les cas les plus graves) ou de mettre fin complètement aux poursuites pénales. Un point qui inquiète des militants et associations comme Amnesty International, qui craint une remise en doute de la parole des femmes et un message d’impunité aux auteurs des violences.

En 2014, la police judiciaire algérienne a enregistré près de 7 000 plaintes pour violences domestiques.

Au Maroc, un projet de loi qui dort dans les tiroirs 

Via une lettre envoyée à Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, ainsi que l’utilisation du hashtag الحقاوي_عطيني_حقي# (Mme Hakkaoui, accorde-moi mon droit) sur les réseaux sociaux, l’ONG Human Rights Watch appelle à l’adoption de « lois fortes » pour empêcher ces violences, protéger les survivantes et punir les agresseurs.

Partagée le 8 mars par cette même organisation, une vidéo revient aussi sur ce problème social avec la comédienne marocaine Mounia Magueri dans les rôles d’une victime de violences domestiques, d’un mari violent, d’un officier de police, et d’un procureur.

Début janvier, la ministre avait pourtant annoncé que le projet de loi contre les violences faites aux femmes, mis au tiroir depuis 2013, serait réétudié par le gouvernement. Depuis, on est sans nouvelles de ce texte qui ne traiterait de toute façon pas la violence conjugale en tant que telle, d’après des experts locaux.

Au Maroc, 3,7 millions de femmes âgées de 18 à 65 ans (soit 55% d’entre elles) ont signalé avoir été victimes de violences conjugales, d’après une enquête du Haut-Commissariat marocain au Plan, réalisée sur la période 2009-2010.

« Pas vu, pas entendu, pas dit. » C’est souvent la règle qui prédomine jusque-là au Maghreb concernant les violences conjugales, trop souvent tues, ignorée, étouffées par le poids des mœurs.

Si des chiffres officiels illustrent la gravité de ce tabou social, ils demeurent donc bien en-deçà de la réalité, de nombreuses victimes de telles violences refusant de porter plainte ou d’en informer leur entourage, par peur d’une stigmatisation ou de représailles.

 

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