Télécoms : Bharti Airtel, un chantier de longue haleine
Ajustements tarifaires, conquête de nouveaux abonnés, gestion des effectifs… Un an après le rachat des filiales africaines de Zain, beaucoup de travail reste à faire pour que l’Afrique devienne le relais de croissance attendu par l’opérateur indien Bharti.
Pour preuve, le changement de marque de ses succursales et de ses offres, désormais estampillées Airtel, mené tambour battant entre novembre 2010 et mars 2011. Orchestré par l’agence Ogilvy, ce relooking a déjà coûté près de 40 millions de dollars (28 millions d’euros). Mais la dépense devrait in fine être largement supérieure. « C’est le genre de projet qui n’est jamais complètement terminé. Bien sûr, je ne peux pas assurer que dans le plus petit des villages toutes nos publicités ont été changées, mais nous sommes globalement satisfaits car notre nom est partout. Des études seront lancées pour faire un bilan de l’opération », indique Tiemoko Coulibaly, PDG des filiales d’Afrique francophone de Bharti. « L’adoption par les consommateurs de la marque Airtel est un enjeu crucial. Zain n’a ainsi jamais été capable d’atteindre le capital sympathie de Celtel, qu’il a remplacé », note Guy Zibi, patron du cabinet AfricaNext, spécialisé dans les télécoms.
QG à Nairobi
À l’actif de Bharti, Guy Zibi souligne aussi un début de redressement des ex-filiales de Zain à l’échelle du continent : « Alors qu’en 2008 le groupe koweïtien comptait 41 millions d’abonnés en Afrique, ce chiffre était tombé à 36 millions en 2009. Fin 2010, la situation s’est améliorée avec le franchissement du cap des 42 millions d’abonnés. » Et même si la chute du chiffre d’affaires se poursuit, d’après les estimations du cabinet AfricaNext, elle ralentit. Moins 5,4 % (en annualisant les résultats donnés sur neuf mois) entre 2009 et 2010, alors que la période 2008-2009 avait enregistré une baisse des revenus de 11 %.
Les mauvais résultats de Zain découlaient en partie d’un management trop éloigné du terrain, toutes les orientations stratégiques étant prises depuis le Moyen-Orient, avec souvent un temps de retard. Bharti a retenu la leçon en installant ses quartiers généraux africains à Nairobi, au Kenya. Si la marge Ebitda (marge brute d’exploitation) de l’opérateur est encore modeste (22,9 %, contre 36,9 % pour ses autres activités en Inde), le groupe prévoit une nette amélioration sur les prochaines années. « Nous visons une marge Ebitda de 40 % d’ici à la fin de 2013, soit environ 2 milliards de dollars », confirme Tiemoko Coulibaly.
Avec l’Inde, des transferts d’expertise pour être sur la même longueur d’onde
Faire des filiales africaines des entités pleinement intégrées au groupe Bharti. C’est dans cet objectif que l’opérateur indien a mis en place des transferts d’expertise avec sa maison mère, à New Delhi. Fin février, une première vague d’employés de RD Congo, de Tanzanie, du Kenya, du Nigeria et de Zambie ont rejoint l’Inde. Pendant un an, ils travailleront au sein de différents départements : vente, distribution, marketing, services financiers… Une initiative qui vise aussi, via ces collaborateurs, à mettre en adéquation les innovations développées par Bharti avec les attentes des consommateurs africains. J.C.
Un objectif séduisant mais qui sera cependant difficile à réaliser. Engagé dans une politique de prix cassés, Bharti risque en effet de voir chuter son revenu moyen par utilisateur (Arpu). « Si notre tarif à la minute a baissé de 7 %, il a été compensé par une augmentation des temps de communications de nos abonnés. Notre Arpu est donc resté stable, à 7,30 dollars. Ce résultat valide notre stratégie, qui repose sur une accessibilité accrue des Africains au mobile », justifie Tiemoko Coulibaly. Au Kenya, l’opérateur assure même que ses « ajustements tarifaires », doux euphémisme pour qualifier l’épreuve de force engagée avec ses concurrents, ont permis d’enregistrer une hausse de 17 % des minutes consommées et de gagner deux à trois points de part de marché, pour atteindre environ 14 %.
Externaliser
Si cette approche fait souvent grincer les dents des actionnaires, car elle limite la profitabilité des opérations, elle se révèle aussi très contraignante en termes d’engagements financiers. En offrant des rabais de 10 % à 20 %, Bharti peut s’attendre à voir son trafic exploser de 20 % à 40 % ; ce sont alors les réseaux qui sont mis à rude épreuve. Pour la seule année 2011, Guy Zibi estime à 1,5 milliard de dollars l’investissement nécessaire – de son côté, Bharti a annoncé en octobre 2010 des investissements à hauteur de 2,5 milliards de dollars sur trois ans.
De l’argent devra aussi être consacré à l’achat de licences 3G (haut débit mobile), en fonction des opportunités, au Congo, en RD Congo, au Niger, au Gabon ou au Burkina Faso. Bharti a assuré vouloir détenir une autorisation pour le haut débit mobile dans la moitié de ses filiales africaines.
Pour faire face à ces dépenses incontournables, le groupe a décidé d’externaliser une partie de ses activités, par exemple auprès de Nokia-Siemens ou d’Ericsson pour les réseaux, et d’IBM pour l’informatique. Ainsi, ce sont près de 2 000 collaborateurs de l’opérateur qui devraient quitter ses effectifs pour intégrer ceux de ses partenaires. De sacrées économies pour Bharti, dont le nombre de salariés en Afrique sera alors ramené à un peu plus de 4 300 personnes.
Les experts du secteur pensent en outre que la gestion immobilière du réseau devrait être déléguée à une société sœur, Bharti Infratel, comme c’est le cas en Inde. Des mesures d’économie indispensables si le groupe indien veut pouvoir mener sur la durée la politique agressive qu’il s’est fixée.
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