Candidats incarcérés : n’est pas Mandela qui veut

En Afrique, les politiciens exhibent parfois leur curriculum vitae carcéral comme une blessure de guerre. Mais n’est pas Mandela qui veut…

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Publié le 3 mars 2016 Lecture : 3 minutes.

En Occident, le culte de la transparence médiatique et l’affirmation d’une justice indépendante suspendent, de plus en plus, sur la tête des hommes de pouvoir, l’épée de Damoclès de l’incarcération. En Afrique, comme au jeu du Monopoly, le passage par la case prison est davantage un ralentisseur qu’une garantie d’extinction de la carrière politique.

Si, en Europe, on est susceptible de goûter à la prison après les plus hautes fonctions, on peut rêver, en Afrique, de magistrature suprême après avoir déjà croupi au cachot. Comme un artiste de gangsta rap nourrit son œuvre de la rudesse d’expériences carcérales, un politicien exhibe parfois un casier judiciaire souillé comme une cicatrice qui démontrerait son courage politique.

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C’est que les raisons d’aller au bagne sont variées en Afrique, et pas toujours rédhibitoires, notamment lorsqu’elles sont le contrecoup d’un harcèlement politique. Arrive alors l’heure de convoquer le spectre de l’homme politique africain apodictique : Nelson Mandela, le « repris de justice » qui fut incarcéré pendant 27 ans avant de diriger la nation arc-en-ciel.

Etre emprisonné par un régime autoritaire et – »mieux » – par un régime raciste est une barrette au galon militant, pour qui veut adopter la posture du martyr présidentiable.

Si la réclusion et la candidature peuvent être consécutives – l’une à l’autre et l’autre à l’une -, rien n’empêche, en théorie, qu’elles soient concomitantes

L’actuel chef de l’État guinéen, Alpha Condé, est sans doute fier d’avoir été écroué, pendant plusieurs mois, par le pouvoir de Lansana Conté, en 1991. Lorsqu’il accède au pouvoir avec une légitimité électorale jugée approximative, l’Ivoirien Laurent Gbagbo construit aussi son image sur ses cicatrices de héraut du multipartisme, emprisonné à Séguéla et Bouaké entre 1971 et 1973 et condamné à deux ans de prison en 1992. Le Béninois Patrice Talon brandira-t-il ses démêlées judiciaires comme une oriflamme ? Toujours est-il que la détention du Sénégalais Karim Wade n’a pas empêché le Parti démocratique sénégalais (PDS) de le désigner, en 2015, candidat à la présidentielle de 2017. L’électeur jugera, le moment venu, si l’emprisonnement lui semblait abusif.

Si la réclusion et la candidature peuvent être consécutives – l’une à l’autre et l’autre à l’une -, rien n’empêche, en théorie, qu’elles soient concomitantes. Et c’est bien l’expérience inédite que vit le Niger. Le 20 mars prochain, le second tour de la présidentielle opposera le président sortant, Mahamadou Issoufou, à l’opposant Hama Amadou, toujours détenu dans la prison de Filingué, à 180 km au nord de Niamey.

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Bien sûr, le ballottage semble favorable à Issoufou qui n’aurait raté la majorité, au premier tour, que de 1,59 % des suffrages. Et bien sûr, l’ancien partenaire politique du président n’est officiellement qu’un prisonnier de droit commun, incarcéré pour un rôle présumé dans le cadre d’une affaire de trafic de bébés.

Amadou n’est pas Mandela et Bemba n’est pas Amadou

Mais le deuxième rang d’Hama Amadou lui permet de démontrer son poids politique et donc de sous-entendre une tentative de bâillonnement. De bâillonnement il n’y aurait pas, puisque candidature il y a, comme se plaît à le rappeler la ministre des Affaires étrangères Aïchatou Kané Boulama. Chacun est donc droit dans ses babouches, mais dans un certain inconfort. Inconfort de logis pour l’un. Inconfort médiatique pour l’autre…

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Amadou n’est pas Mandela et Bemba n’est pas Amadou. C’est pourtant un autre incarcéré qui tire des plans sur la comète politique de la République démocratique du Congo. Hurlant, lui, à un harcèlement judiciaire international, l’ancien chef de guerre et vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, saura, le 21 mars, s’il est acquitté ou non par la Cour pénale internationale (CPI) il est poursuivi, depuis 2008, pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Jacques Djoli, sénateur et membre du comité exécutif du Mouvement de libération du Congo (MLC), estime que rien n’interdit la candidature de Bemba à la magistrature suprême, celui-ci n’ayant pas été déchu de ses droits civiques et politiques. Et le sénateur d’ajouter « comme Mandela hier »…

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