Maroc : Mohammed VI, le roi des femmes

En 16 ans de règne, le roi du Maroc a réconcilié le pays avec ses femmes. Mais la route vers la parité est encore longue.

Le roi Mohammed VI dans un cours d’alphabétisation pour femmes dans une mosquée. © PR

Le roi Mohammed VI dans un cours d’alphabétisation pour femmes dans une mosquée. © PR

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 4 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

Comme chaque 8 mars, journée internationale des droits de la femme, le Code de la famille (Moudawana) s’invite dans les débats au Maroc. L’occasion de revisiter cette loi fondatrice, initiée par Mohammed VI en 2003, et qui reste, malgré les défauts qui ont entaché son application, une des révolutions culturelles dans le monde arabe.

Une priorité royale

« Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués ? ». Dès son accession au Trône en 1999, le jeune monarque a donné le la sur la question de la femme. Mais il savait qu’il ne pouvait pas bouleverser les traditions d’un coup de baguette magique. C’était l’époque du retour des exilés politiques, de la réconciliation du Maroc avec son passé, de la lutte contre la pauvreté, avec, en filigrane, la stabilité politique d’une monarchie alaouite vieille de plus de 4 siècles…Il fallait donc réformer la société en douceur pour éviter tout risque d’implosion.

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En mars 2000, le dossier de la femme allait connaître un événement majeur. Le Maroc assiste à ses premières manifestations de rue depuis l’intronisation de Mohammed VI, opposant islamistes et progressistes. Sujet de discorde : le plan d’intégration de la femme au développement, élaboré par le gouvernement socialiste, et qui contenait des mesures novatrices comme la restriction de la polygamie et la responsabilité partagée entre les époux. Le roi donne raison aux progressistes. À la faveur d’un changement du contexte politique le choc provoqué par les attentats de Casablanca de 2003 ayant considérablement affaibli le camp conservateur- il initie une nouvelle vague de réformes basées sur l’Ijtihad à l’aune des principes universels des droits de l’homme (parité, approche genre…).

D’abord, l’éducation des filles

Douze ans après la mise en place de la Moudawana (entrée en vigueur en 2004), son interprétation par les juges n’a pas été à la hauteur des espérances (mariage des mineurs, procédures de divorces dévoyées…), mais la politique de promotion de la femme est bien présente dans tous les programmes de développement de l’Etat. Ministères, Initiative nationale de développement humain (INDH), Fondation Mohammed V pour la Solidarité…ont des volets spécifiques « genre ».

Parce qu’une femme analphabète et pauvre est une proie facile, on a donné la priorité à son éducation. Selon des chiffres officiels, les femmes constituent 80% de l’ensemble des bénéficiaires du Programme national de lutte contre l’analphabétisme qui a investi même les mosquées pour permettre aux femmes au foyer d’apprendre en toute confiance (la mosquée est un élément de persuasion des maris conservateurs). De son côté, la Fondation Mohammed V pour la solidarité a initié le réseau « Dar Taliba » (la Maison de l’étudiante), des pensionnats ouverts aux filles rurales afin d’améliorer leurs conditions de scolarisation.

Cap sur l’insertion professionnelle

Mais l’expérience du terrain a montré que même éduquées, les femmes (surtout dans le monde rural) ne peuvent changer leur conception de la vie et du mariage que si elles sont indépendantes économiquement. L’action royale s’est donc fixée comme objectif de les aider à développer une activité génératrice de revenus et ce, dans une vision d’économie solidaire, qui allie à la fois développement humain et promotion des produits de terroir. Accès aux coopératives, agriculture bio, artisanat… Le financement est assuré, entre autres, par un programme de développement rural doté de 55 milliards de dirhams.

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Éduquer la femme, lui permettra d’avoir un métier et surtout de faire carrière…c’est le crédo des officiels au Maroc, quitte à passer par un système de discrimination positive. Ainsi, grâce à une politique des quotas, les femmes représentent 17 % de sièges au Parlement et 21 % aux conseils communaux. Pour faire adhérer un monde politique franchement résistant, l’État lui a tendu une carotte. Pour chaque siège remporté par une femme, le ministère de l’Intérieur accorde un financement cinq fois plus important que pour un siège remporté par un homme.

Décalage avec la société

Forcer les mentalités à changer n’est pas tâche aisée. Malgré la vague de nomination de femmes à des postes-clés dans l’appareil de l’État (walis, ambassadeurs, juges, police…), le taux de féminisation de l’administration ne dépasse pas les 38,6%, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’état de la parité au Maroc. Il est même en régression par rapport à 2002 où il était de 34,4%. Le même rapport fait remarquer que le taux d’activité des femmes marocaines a régressé (28,1% en 2000 contre 25,1% en 2013). « Le travail rémunéré des femmes est socialement vécu dans l’ambivalence et en tant que mal nécessaire qui n’est accepté ou toléré que dans le cas d’incapacité ou de revenus insuffisants du mari », analyse rapport.

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Le décalage entre la politique très volontariste de l’État, portée par le roi, et une société qui cède aux sirènes du conservatisme est toujours palpable. Au Maroc, la route vers la parité, promue dans la Constitution de 2011, est encore longue. Le développement de la question de la femme passera encore par des traitements de choc.

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