États-Unis : Flint, ville symbole du « racisme environnemental » ?
L’énorme scandale de l’eau contaminée au plomb dans la ville américaine de Flint se serait-il produit si ses habitants avaient été riches et blancs ? Cette question très sensible se pose à l’heure où la cité sinistrée est sous les projecteurs.
Les deux démocrates en course pour la Maison Blanche, Hillary Clinton et Bernie Sanders, se retrouvent en effet dimanche dans cet ancien pôle de production automobile, pour un débat télévisé au ton forcément grave, étant donné l’ampleur de la catastrophe sanitaire, imputable à une décision politique déplorable.
Nul doute que les deux candidats s’engageront à rénover le réseau de distribution d’eau de Flint, rongé par la corrosion, et qu’ils condamneront la politique de réduction des coûts du gouverneur républicain de l’État du Michigan, qui a conduit plus de 8 000 enfants à absorber quotidiennement du plomb.
Mais Mme Clinton et M. Sanders sont aussi attendus pour adresser un message fort à la communauté noire de Flint et, au-delà, à tous les Noirs victimes d’injustices économiques et sociales aux États-Unis.
Car se développe l’idée que l’eau empoisonnée de Flint illustrerait un « racisme environnemental » à l’œuvre dans le pays, sujet qui sera sans doute abordé lors de la joute de dimanche entre l’ancienne secrétaire d’État et le sénateur du Vermont.
L’expression n’est pas nouvelle : elle désigne depuis trois décennies l’exposition disproportionnée des Noirs aux polluants dans l’air, dans l’eau ou dans le sol.
Héritage de la ségrégation
Ceux-ci vivent souvent dans un habitat plus ancien et moins salubre, héritage de la ségrégation et des concentrations industrielles.
En 2005, à la Nouvelle-Orléans, l’ouragan Katrina avait ainsi montré une forte inégalité face au désastre, suivant la couleur de la peau.
Ayant perdu la moitié de sa population et la quasi-totalité de ses chaînes automobiles, Flint compte désormais 100 000 habitants, noirs à 57%, avec 42% des résidents considérés pauvres.
« La plupart des gens qui paient le prix de vivre dans des zones polluées, près d’incinérateurs, d’usines ou d’endroits contenant des produits toxiques ou dangereux comme des déchets, sont les personnes de couleur. Flint ne fait pas exception », confirme Laura MacIntyre, professeur à l’université de Flint-Michigan.
Pour elle, la pollution de l’eau de Flint est bien un « problème racial », car il touche de façon disproportionnée les Noirs.
Une étude récemment réalisée à Flint a d’ailleurs conclu que la présence d’enfants avec un niveau élevé de plomb dans le sang « était particulièrement notable dans les quartiers socio-économiquement désavantagés ».
Flint a le plus fort taux d’inoccupation immobilière des États-Unis, avec 7,5% des logements qui sont vides, selon l’organisation RealtyTrac.
Mais, dans les quartiers nord, très majoritairement peuplés de Noirs, la crise est encore plus aiguë : des rues complètes semblent abandonnées, avec des successions de maisons murées ou délabrées.
« Flint Lives Matter »
« Je ne peux pas vous dire le nombre d’écoles que nous avons perdues. Et regardez comment notre problème d’eau a été ignoré (par les autorités de l’État). Cela ne se serait pas passé ainsi dans un quartier blanc », assure à l’AFP Charles Marion, un père de trois enfants.
Hillary Clinton elle-même, très populaire au sein de l’électorat noir, a récemment dit la même chose : « Si ce qui se passe à Flint s’était produit à Grosse Pointe ou Bloomfield Hills, nous savons tous qu’une solution aurait déjà été trouvée », a affirmé la candidate à l’investiture démocrate, en référence à ces deux banlieues aisées de Detroit.
Entre « racisme » et « traitement à deux poids deux mesures », le sort de Flint commence en tout cas à fédérer les militants des droits civiques ou de la cause noire.
Dimanche dernier, alors que se déroulait la cérémonie des Oscars en pleine polémique sur le manque de diversité à Hollywood, Flint accueillait de son côté un concert organisé par Blackout for Human Rights, avec pour thème « Justice pour Flint » et Stevie Wonder en guest star improvisée.
Inspiré de a changé depuis la mort de Michael Brown">Black Lives Matter (« les vies noires comptent »), le slogan « Flint Lives Matter » est lui repris sur Internet comme dans les manifestations.
Black Lives Matter, mouvement qui dénonce les abus policiers contre les Afro-Américains, a estimé dans un communiqué que le scandale de Flint s’inscrivait dans « la violence contre les Noirs, autorisée par les élus et les agences de l’État« .
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