Niger : situation insolite dans l’entre-deux tours de la présidentielle

Quel pays au monde est capable de laisser un candidat à l’élection présidentielle se présenter en étant incarcéré ?

Mahammadou Issoufou, en décembre 2014. © Vincent Fournier/J.A.

Mahammadou Issoufou, en décembre 2014. © Vincent Fournier/J.A.

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  • Robert Dulas

    Robert Dulas est un ex-conseiller spécial de présidents et ambassadeur itinérant et plénipotentiaire, co-auteur de « Mort pour la Françafrique » aux éditions Stock.

Publié le 7 mars 2016 Lecture : 4 minutes.

Le Niger où vient d’avoir lieu le premier tour de la présidentielle couplée aux législatives. Contre toute attente, le président sortant Issoufou n’est pas élu au premier tour, comme il en était convaincu. Score honorable de 48,41%, perturbé par la répartition des votes au profit d’une multitude de candidatures (15), dont l’expression, plus ethnique que politique, a handicapé le candidat Issoufou.

Les élections trafiquées auxquelles les pays africains nous ont habitués n’ont pas été de mise lors de ce premier tour. Il paraît inconcevable que le président sortant ait pu « tripatouiller » et ne pas être élu pour seulement 1,5 % des voix.

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Les résultats proches des 100 % sont fréquents sous les tropiques. Ceci dit, il n’y a pas si longtemps, les morts votaient en France.

Les Commissions électorales indépendantes n’ont d’indépendant que le nom et les résultats sont définis par le ministère de l’Intérieur. Ce ne fut pas le cas à Niamey, où la Ceni a le mérite de n’avoir pas avoir été sous tutelle.

Le nombre de députés acquis par le parti d’Issoufou est plus près de la réalité des véritables intentions en sa faveur.

La victimisation de l’ancien président de l’Assemblée nationale, incarcéré, aurait dû s’il avait encore l’acception des Nigériens, lui permettre d’obtenir un score sans précédent. Le dossier pour lequel il a fui puis regagné son pays, persuadé que son arrivée provoquerait un mouvement d’amplitude pour l’exonérer de toute responsabilité.

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Ce dossier est plus ambigu qu’il n’y paraît : Hama est accusé (ainsi que son épouse et d’autres notables) d’avoir importé du Nigeria voisin des enfants dont il se serait attribué la paternité. Il faut savoir que dans certaines ethnies en Afrique, une femme stérile (les hommes ne le sont jamais…) peut être répudiée. Les adoptions légales n’étant pas dans les traditions, il faut trouver un moyen de substitution. L’achat d’enfants sans aucune formalité est pratiqué dans de nombreuses contrées africaines, notamment au Nigeria.

Les états-majors politiques français n’ont pas été dupes. Durant les treize mois de son exil parisien, Hama Amadou a tenté de les approcher mais tous ont refusé de l’appuyer ouvertement (on ne cautionne pas si il y a risque).

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La situation ubuesque d’un candidat derrière les barreaux attire les médias, c’est un marronnier médiatique qui utilise pour accrocher son lectorat une odeur de victimisation tout en ne cherchant pas trop d’informations sur l’origine de l’incarcération.

Aujourd’hui, les signataires de la coalition (Copa), qui devaient soutenir au second tour le meilleur issu de l’opposition, ne sont plus tous d’accord pour donner des consignes de vote au profit d’Hama qui n’a obtenu que 5 % de plus que l’ex Premier ministre Seyni Oumarou. Doit-on soutenir un allié qui n’a pas eu l’ensemble des voix de son propre parti et risque d’être condamné par une justice nigérienne indépendante du pouvoir législatif ? C’est l’épineuse question qui taraude les signataires : Oumarou (12% des suffrages), et l’ancien président Mahamane Ousmane (6%).

Les Nigériens sont conscients des changements apportés par Issoufou au plan sécuritaire

Seul Ibrahim Yacouba (4,3%), dissident du parti d’Issoufou, a déjà pris la bonne décision, mais quatre des signataires s’interrogent encore sur les conséquences de leur soutien à Hama Amadou.

Les Nigériens sont conscients des changements apportés par Issoufou au plan sécuritaire. L’entourage du ministre Le Drian s’accorde à dire que le Niger est l’un des pays les mieux protégés, par la présence des forces françaises et américaines qui veulent préserver la stabilité dans ce pays entouré par Daesh, Aqmi, Ansar Eddine, Al-Morabitoune et Boko Haram. La destruction de l’équilibre ethnique en Libye suite à l’intervention de la France et des États-Unis restant le risque majeur.

Le partage du pouvoir avec les Touaregs a permis au pays de ne pas connaître une fracture comme c’est encore le cas au Mali. Le Premier ministre nommé par Issoufou, Brigi Rafini, est Touareg et d’autres Touaregs détiennent des postes clés.

L’abandon par Areva du site d’Imouraren et la chute des cours auraient dû conduire à une récession. La compensation par les exportations agricoles (6% de taux de croissance) et les aides internationales ont permis la réalisation d’infrastructures : écoles, hôpitaux, routes, voie ferrée, électrifications, barrages.

L’effort pour redonner aux journalistes le droit de s’exprimer à conduit le Niger de la 139e à la 47e place en matière de liberté de la presse.

Un frein visible à la corruption incite les bailleurs de fonds à accorder une aide privilégiée à ce pays dans lequel les fonds ne retournent pas dans les paradis fiscaux ou ne finissent pas en biens mal acquis.

Le résultat du deuxième tour des élections présidentielles devrait refléter le résultat des législatives, et reconduire Issoufou pour un deuxième et dernier mandat. Il ne changera pas la Constitution pour en briguer un troisième.

L’histoire prouve qu’au Niger, l’armée loyaliste et légaliste, laisse le pouvoir aux politiques mais ne leur permet pas de tripatouiller la Constitution…

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