RD Congo : « capitale mondiale du viol », vraiment ?
Du 3 au 4 mars, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Margot Wallström, était en visite à Kinshasa, où elle a notamment rencontré des associations de femmes pour évoquer la politique féministe de son pays. Une visite intervenue à la veille de la journée internationale des Femmes (le 8 mars) et à l’approche du sixième anniversaire d’une déclaration restée dans les annales…
En avril 2010, alors envoyée spéciale de l’ONU pour les violences faites aux femmes et aux enfants dans les conflits, Margot Wallström avait échangé avec des victimes de viol à Bukavu, dans l’est de la République démocratique du Congo, région où des groupes armés locaux et étrangers sévissent depuis plus de 20 ans.
Après ce séjour, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, elle avait qualifié l’ancienne colonie belge de « capitale mondiale du viol ». « Les femmes n’y sont toujours pas en sécurité, sous leur propres toits, dans leurs propres lits, lorsque la nuit vient », avait-elle expliqué, déplorant l’impunité et appelant le Conseil à agir.
Six ans après, Kinshasa reste amère. Crispin Atama Tabe, ministre de la Défense, accuse Margot Wallström d’avoir voulu marquer des points avec un discours « sensationnel ». « Cela n’a jamais été vrai (…) mais il y a des gens qui se construisent sur la mauvaise réputation des autres », renchérit Lambert Mende, porte-parole du gouvernement.
Les progrès de la RD Congo
La RDC mérite-elle toujours le surnom de « capitale mondiale du viol », qui lui colle à la peau ? Face à la presse, le 4 mars, la chef de la diplomatie suédoise a d’abord tenu à faire une mise au point. « Ce n’était pas mon expression. (…) J’ai cité quelqu’un qui a appelé la RDC la ‘capitale mondiale du viol’. » Puis elle a souligné des progrès.
« Je crois que les FARDC (armée congolaise, dont des militaires sont accusés de viol) ont fait beaucoup de ménage dans leurs rangs, a-t-elle précisé. Je crois que l’impunité n’est pas partout, quelques personnes ont été poursuivies, et aussi punies. (…) Des choses ont avancé dans la bonne direction mais (…) il reste encore beaucoup à faire. »
Le Bureau de la conseillère spéciale du chef de l’État contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants-soldats, créé en 2014, planche avec ses partenaires sur l’élaboration de « statistiques fiables et cohérentes ». Le but : éviter l’usage d’expressions selon lui non avérées, comme « viols nombreux en RDC », « RDC, capitale mondiale du viol », « 30 femmes violées toutes les heures », énumère-t-il.
Mukwege : « Le viol est une question globale qui touche toutes les sociétés »
La collecte a déjà commencé. Après une mission de hauts-magistrats, le Bureau rapporte 3 061 cas de viols en 2014, contre 2 414 en 2015. « Les juridictions civiles ont enregistrés 2 765 cas en 2014 contre 2 219 cas en 2015, soit 19,7% de baisse, tandis que les juridictions militaires ont enregistré 296 cas en 2014, contre 195 cas en 2015, soit un recul de 34,12%. »
Les victimes que Margot Wallström avait rencontrées en 2010 étaient soignées à l’hôpital Panzi du gynécologue Denis Mukwege, devenu célèbre pour l’aide apportée à des milliers de femmes violées par des rebelles ou des agents des forces de sécurité. « Pour moi, ni hier ni aujourd’hui, le Congo n’a jamais été la capitale du viol », affirme-t-il.
« Le viol est une question globale et touche toutes les sociétés, tous les États, aussi bien en temps de paix qu’en temps de conflit, à des degrés différents. Il s’agit beaucoup plus d’un problème de déni à Kinshasa, comme partout ailleurs. C’est à ce problème de déni qu’il faut s’attaquer aujourd’hui dans notre société et pas discuter sur où se passent le plus de délits. »
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