Abdeslam ahizoune: « Notre expérience africaine est extrêmement positive »

Actif au Burkina, en Mauritanie et au Gabon, l’opérateur marocain est en passe de s’implanter au Mali. À l’affût de tous les appels d’offres, il se développe aussi à travers une offre diversifiée dans le fixe, le mobile et Internet.

Publié le 10 mars 2009 Lecture : 5 minutes.

Abdeslam Ahizoune : Le gouvernement malien a lancé un processus de privatisation professionnel et transparent. À l’ouverture des plis financiers, notre offre a été déclarée la mieux-disante. Avec un montant de 252 millions d’euros, nous sommes arrivés loin devant les deux autres candidats encore en lice. Le 28 février, les autorités maliennes nous ont déclaré adjudicataire provisoire.

Mais il s’est écoulé six semaines depuis l’ouverture des plis…

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Le gouvernement malien a le droit de prendre le temps qu’il juge nécessaire pour évaluer les offres et nous respectons sa position. De notre côté, nous avons déposé un excellent dossier technique et proposé une très bonne valorisation pour la Sotelma. Il n’y a aucune raison pour que l’on n’aboutisse pas à une conclusion qui respecte les intérêts des deux parties et favorise un partenariat stratégique efficace.

Ces retards remettent-ils en question votre stratégie d’expansion en Afrique subsaharienne ?

Absolument pas. Notre expérience africaine est extrêmement positive. Et si nous ne croyons pas aux vertus de la coopération Sud-Sud, qui va y croire ? Toutes les sociétés que nous avons rachetées étaient des opérateurs historiques, avec lesquels nous partagions la même culture d’entreprise. Ensemble, nous avons amélioré les performances en modernisant les infrastructures et en proposant des services de qualité à des prix compétitifs. Nos filiales gagnent des parts de marché, alors qu’elles en perdaient auparavant. À titre d’exemple, le parc mobile a presque doublé en un an au Burkina. Il a connu une croissance de près de 30 % en Mauritanie et d’environ 16 % au Gabon.

Les problèmes de trésorerie et de sureffectifs que vous avez connus au Gabon sont-ils réglés ?

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En 2008, nous avons passé une étape importante : celle de la restructuration de Gabon Télécom. L’État gabonais s’est fortement impliqué avec nous dans ce processus. L’essentiel des problèmes que vous évoquez est derrière nous. L’entreprise a retrouvé une situation quasi normale en moins de deux ans. Et 2009 sera l’année de la reconstruction. Gabon Télécom prévoit d’investir massivement dans l’extension de son réseau mobile et dans les technologies Internet, notamment à travers le haut débit. Avec de tels atouts, je suis persuadé que cette filiale pourra trouver sa place d’opérateur de référence.

Vous venez d’annoncer vos résultats pour l’exercice 2008. Quel bilan tirez-vous ?

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L’année 2008 a été excellente. Notre chiffre d’affaires, à 29,5 milliards de dirhams [DH, 2,7 milliards d’euros] a progressé de 7,2 %. Nous allons redistribuer l’intégralité de notre résultat net, soit 9,5 milliards de DH [865 millions d’euros].

Pour 2009, la baisse du pouvoir d’achat risque-t-elle de vous toucher ?

L’inflation, plus importante en 2008 que les années précédentes, a ralenti la consommation, bien que cela ait moins impacté les télécoms que d’autres secteurs. L’année passée a aussi été celle de l’intensification de la concurrence. Mais plusieurs éléments nous permettent d’aborder 2009 avec optimisme. Nos filiales disposent encore d’une grande marge de progression. Au Maroc, même si le taux de pénétration du mobile avoisine les 75 %, les perspectives de croissance ne sont pas négligeables. Elles sont liées au développement des services de contenu et aux avancées technologiques, notamment celles de la téléphonie de troisième génération et de l’ADSL. Maroc Télécom investit également beaucoup pour intégrer les zones rurales et leur fournir le téléphone et Internet. Enfin, la croissance économique, au Maroc comme en Afrique subsaharienne, conserve un réel potentiel.

Pourtant, vous n’annoncez qu’une hausse de 3 % de vos ventes en 2009. N’est-ce pas bien inférieur aux années passées ?

C’est une tendance naturelle pour une entreprise opérant dans un marché qui tend vers la maturité et dans un contexte de crise mondiale. La croissance sera certainement plus élevée dans nos filiales. Notre priorité, c’est d’aller chercher des relais de croissance tant au niveau national qu’international. Au Maroc, près de 20 % du chiffre d’affaires sont réinvestis chaque année dans les technologies. Ce taux est encore plus élevé dans nos filiales.

Quelles sont vos pistes de développement ?

Notre priorité, c’est de déployer de grandes infrastructures à même de soutenir le déploiement de services. Nous comptons développer de grands axes en fibre optique dans les pays où opèrent nos filiales. Un câble est en cours d’installation en Mauritanie, entre Nouakchott et Nouadhibou. Au Burkina, des infrastructures similaires sont mises en place. Quant au Gabon, nous étudions la possibilité d’un système « transgabonais » en fibre optique raccordé à des câbles sous-marins. Nous voulons implanter les modèles qui marchent un peu partout en Afrique, mais jamais au rabais. Il nous arrive d’ailleurs parfois de tester certains services en priorité dans nos filiales africaines.

Vous n’avez racheté que des opérateurs présents dans le fixe, le mobile et l’Internet. Est-ce délibéré ?

Nous avons les compétences et le savoir-faire pour répondre à tous ces services à la fois. C’est parce que nous réussissons sur tous ces fronts que nous pouvons également agir dans un domaine particulier. L’objectif est le même pour toutes les filiales africaines : être un opérateur de référence dans la région et contribuer à y développer les NTIC. Ce qui nous paraît plus que jamais essentiel en cette période de crise. Nous prospectons toutes les opportunités dans la région – qu’il s’agisse de privatisations ou de nouvelles licences – et nous y répondons lorsque l’environnement d’investissement y est propice, en nous inscrivant dans des processus d’appels d’offres.

Seriez-vous prêt à aller en Afrique anglophone ?

C’est une éventualité… Si un appel d’offres dans un pays anglophone nous intéresse, nous y répondrons. Mais nos critères de décision comportent une dimension de proximité. Il est plus facile de travailler dans un pays avec lequel nous partageons une certaine proximité géographique, culturelle et sociale.

Éprouvez-vous des difficultés à recruter les professionnels nécessaires à votre ambition ? Au Maroc ? Dans les autres pays ?

Nous n’avons pas de problème de recrutement. Nous avons la chance d’avoir des ressources humaines de qualité dans toutes nos filiales. C’est le cas en Mauritanie, au Burkina, au Gabon et également au Maroc. Même si nous avons repris des opérateurs historiques, nous n’avons jamais procédé à des licenciements. Nous n’aimons pas les solutions brutales. Nous procédons par départs volontaires. Pour les profils bien spécifiques, nous privilégions toujours la formation interne. L’essentiel, c’est d’avoir des ressources humaines de qualité et motivées, capables de s’adapter aux nouvelles exigences technologiques et marketing.

Projetez-vous d’unifier vos marques sous une seule bannière comme le font Orange, MTN ou Zain ?

Je ne suis pas partisan de cette solution. Chacune de nos marques est associée à une forte identité nationale. J’aime cette diversité, car elle permet à chacun d’apporter sa propre contribution dans le cadre qui est le sien. À quoi bon tout confondre derrière une seule et même étiquette ? Nos filiales se débrouillent mieux que certains concurrents qui ont imaginé une marque commune. Il est capital de respecter la culture et l’environnement local.

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