Au Maghreb, Qtel prend le relais d’Orascom
L’opérateur qatari fait de la région une cible de prédilection, tandis que son rival égyptien se retire peu à peu. Le rachat de Tunisiana est un élément clé de cette logique d’expansion.
Le 22 novembre, Qtel annonçait, depuis son quartier général de Doha, le rachat des parts d’Orascom Telecom dans Tunisiana pour 1,2 milliard de dollars (environ 919 millions d’euros). Associé à deux hommes d’affaires locaux, Sakhr el-Materi, gendre du président Ben Ali, et Hamdi Meddeb, il détient désormais 75 % du capital de l’opérateur. Vue du Maghreb, la prise de contrôle du leader tunisien (52 % du marché) prend la forme d’un passage de relais entre le holding de Naguib Sawiris et le groupe qatari. Déjà présent en Algérie, Qtel s’affirme en effet comme un acteur majeur des télécoms sur la rive sud de la Méditerranée, quand le magnat égyptien choisit de sortir du jeu. Ce dernier a cédé, début octobre, sa filiale algérienne Djezzy (à moins que les autorités algériennes ne fassent jouer leur droit de préemption) et la quasi-totalité de ses actifs africains au russe VimpelCom.
Une montée en puissance en droite ligne avec la stratégie de croissance externe de Qtel, dont le but est d’intégrer le club des 20 plus grosses valeurs mondiales des télécoms d’ici à 2020. En quatre ans, l’opérateur du Golfe, détenu à 55 % par l’État qatari, a multiplié les acquisitions. Présent dans 17 pays, il revendique plus de 68 millions d’abonnés mais reste cependant très loin de son objectif, puisqu’il se classe au 47e rang mondial, avec une valorisation de ses actifs estimée à 18,3 milliards de dollars par le cabinet d’intelligence économique DataStream. « En 2009, Qtel a perdu son monopole au Qatar avec l’arrivée de Vodafone. Cela a renforcé pour le groupe l’importance d’un développement à l’international », analyse Jean-Michel Huet, du cabinet BearingPoint.
Au cours des douze derniers mois, Qtel a déjà affiché son intérêt pour le marocain Méditel et pour le marché libyen. Actuellement, le groupe lorgne une licence en Syrie et est pressenti pour l’achat d’une partie de Zain Arabie saoudite. Même modeste au regard de ses objectifs, l’opération tunisienne répond donc à une logique d’expansion axée sur les pays arabes, au moment où les opportunités dans les pays du Golfe se raréfient. L’affaire paraît d’autant plus judicieuse que l’arrivée de partenaires proches du pouvoir pourrait permettre à Tunisiana de décrocher enfin la licence 3G, déjà octroyée à ses rivaux Tunisie Télécom et Orange. « Si la condition pour l’État était d’avoir plus de clarté sur notre actionnariat, c’est chose faite », se félicite d’ailleurs Yves Gauthier, directeur général de l’opérateur tunisien.
Succès de la filiale algérienne
Désormais seul maître à bord, Qtel devrait naturellement renforcer l’intégration de sa nouvelle filiale dans sa stratégie industrielle, confirme le patron de Tunisiana. À terme, l’opérateur pourrait par exemple se rapprocher d’équipementiers comme Huawei et Ericsson (déjà partenaires du groupe qatari), alors qu’il travaille aujourd’hui avec Alcatel et Nokia-Siemens. Qtel devrait également développer de nouvelles synergies entre Tunisiana et sa filiale algérienne Nedjma. Cette dernière profite depuis un an du conflit qui oppose Djezzy, filiale d’Orascom, à Alger. Sa part de marché est passée de 19 % fin 2008 à 26 % prévus fin 2010, alors que dans le même temps sa rentabilité s’améliorait nettement. Fin 2010, la marge Ebitda (revenu avant intérêts, impôts, taxes, dotations et provisions) devrait en effet atteindre 37 %, contre 33 % à la même période l’an passé.
La bonne tenue de ses opérations maghrébines donnera-t-elle au groupe qatari l’envie de se lancer dans une campagne d’acquisitions en Afrique, à l’image d’Etisalat ou de Zain il y a quelques années ? Pas sûr, car là aussi les vraies opportunités sont peu nombreuses. Se pose aussi la question des moyens financiers pour envisager une opération d’envergure. « Une stratégie peu probable », selon Martin Mabbutt, analyste de la banque japonaise Nomura, étant donné le niveau de la dette du groupe, environ deux fois son Ebitda, soit 9,5 milliards de dollars.
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