Nigeria : coup de fil antiterroriste
Terroristes, identifiez-vous si vous voulez téléphoner ! Comme ses confrères d’autres pays, le président nigérian somme les opérateurs téléphoniques de désactiver les cartes SIM attribuées à des abonnés non-identifiés. Le sud-africain MTN est dans sa ligne de mire…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 mars 2016 Lecture : 2 minutes.
Qui, en Afrique, oserait se fâcher avec les pantagruéliques compagnies de téléphonie mobile ? Les opérateurs téléphoniques sont les princes des économies africaines, indispensables vecteurs du saut technologique non-filaire, juteux pourvoyeurs d’encarts publicitaires, populaires mécènes de toutes sortes d’actions sociales. Alors qui est prêt à se brouiller avec eux ? Peut-être ceux qui sont confrontés à un péril sécuritaire sans précédent. Car les dents des dirigeants grincent, et pas seulement pour la qualité des réseaux…
Sur un continent où l’on vend traditionnellement des puces pré-activées à la criée, sans exiger la moindre pièce d’identité ou sans enregistrer celle-ci, le débat feutré sur l’identification des propriétaires de numéros de téléphone est vieux comme les réseaux de portables. Mais les dégâts de la secte islamiste Boko Haram – plus de 17 000 morts au Nigeria depuis 2009 – incitent désormais les autorités nigérianes à laisser la langue de bois au placard. Mardi 8 mars, c’est le président qui vient de mettre les pieds dans le plat de la téléphonie. Ne craignant pas le diplomatiquement incorrect, Muhammadu Buhari a profité de la visite d’État de son homologue d’Afrique du Sud, Jacob Zuma, pour tacler MTN. Lors d’une conférence de presse conjointe des deux chefs d’Etat, Buhari a abruptement estimé que l’opérateur sud-africain avait aidé l’insurrection islamiste en ne désactivant pas des millions de cartes SIM anonymes.
Amende record
Déjà, en octobre dernier, l’Autorité des communications du Nigeria (NCC) infligeait au géant des télécommunications une amende record de 3,4 milliards de dollars, pour ne pas avoir désactivé, comme demandé quatre mois plus tôt, 5,1 millions de cartes SIM attribuées à des abonnés non-identifiés. MTN tenta une action en justice contre les autorités nigérianes, avant de miser sur un arrangement à l’amiable. Mais le propos se fait désormais plus politique. Comme pour rasséréner un opérateur économique légitimement choqué par l’accusation de « faire le jeu » de terroristes, le président Buhari a précisé, ce mardi, que frapper MTN au portefeuille était moins « la priorité du gouvernement fédéral » que d’assurer « la sécurité ». Nouvelle première puissance économique du continent devant l’Afrique du Sud, le Nigeria ne pouvait se permettre de froisser plus ostensiblement un Zuma en pleine visite officielle…
Le contrôle des identités de propriétaires de numéro de portable est un enjeu dans tous les pays frappés par l’insécurité, notamment terroriste. Au Cameroun voisin du Nigeria, concerné par les débordements de Boko Haram, le gouvernement a décidé, en août dernier, de répertorier et d’enregistrer toutes les cartes SIM en circulation sur le territoire, soit 8 millions de puces téléphoniques. Au Burkina Faso, après les attaques terroristes du 15 janvier revendiquées, elles, par Al-Qaïda au Maghreb islamique, le ministère en charge de la Sécurité intérieure a invité, mi-février, les responsables des trois opérateurs de téléphonies mobiles « à redoubler d’effort pour une identification réelle et totale des puces ». Le ministre Simon Compaoré a indiqué que « le téléphone sert aux bandits et à toutes les personnes de mauvaise foi qui veulent agir contre la République». A-t-il mis en place un numéro vert ?
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