Sénégal : référendum constitutionnel du 20 mars, mode d’emploi

Les Sénégalais sont appelés à se prononcer par référendum, le 20 mars, pour ou contre le projet de révision constitutionnelle proposé par le président Macky Sall. Quels sont les principaux changements introduits par ce nouveau texte ? « Jeune Afrique » fait le point.

Macky Sall, à Dakar, en septembre 2014. © Youri Lenquette/J.A.

Macky Sall, à Dakar, en septembre 2014. © Youri Lenquette/J.A.

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Publié le 10 mars 2016 Lecture : 5 minutes.

Le référendum du 20 mars tient en quinze mesures qui, selon Macky Sall et ses alliés, permettront de « consolider » et de « moderniser » la démocratie sénégalaise. Mais le le chef de l’État est largement critiqué pour ne pas avoir tenu sa promesse de réduire son mandat en cours de sept à cinq ans – un revirement sur lequel se basent des organisations de la société civile, comme Y’en a marre, et l’opposition pour appeler à voter « non » au projet de révision constitutionnelle. Le président met désormais l’accent sur la teneur des mesures soumises au vote des Sénégalais pour susciter leur adhésion. Jeune Afrique en décrypte les quinze dispositions.

 
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C’est probablement le chapitre le plus paradoxal de la révision constitutionnelle. Le pouvoir exécutif entend promouvoir « le renforcement des droits de l’opposition et de son chef », mais l’opposition, elle, n’en a cure. Le Parti démocratique sénégalais (PDS), Rewmi et AJ-PADS, les trois principaux partis de l’opposition, appelleront donc à voter contre le référendum. En effet, nombre de leaders et militants du PDS ont été incarcérés depuis 2012, et le groupe parlementaire de l’opposition, réunissant les trois mouvements, n’a pas été homologué par le bureau de l’Assemblée nationale depuis la rentrée parlementaire de septembre. Sidy Cissé, consultant et enseignant ayant fait partie de la Commission nationale pour la réforme des institutions (CNRI), instituée par Macky Sall en 2013, considère que « les propositions sont insuffisantes, car les droits de l’opposition sont déjà reconnus dans le préambule de la Constitution ». Il souhaiterait en outre connaître le détail des éventuelles innovations qui seront fixées ultérieurement par la loi.

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Quant à « la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique », le problème ne porte pas tant sur le principe – consensuel – que sur l’opacité de la mesure. « Je n’ai pas bien compris », reconnaît Sidy Cissé, qui rappelle que la CNRI avait proposé la création d’une Agence de régulation de la démocratie, dans un pays qui croule déjà sous la prolifération de partis microscopiques. En revanche, l’ancien membre de la CNRI se réjouit de « l’élargissement des pouvoirs de l’Assemblée nationale en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques ». Une mesure de nature à tempérer une hypertrophie exécutive que l’opposition, fût-elle adepte du « non », est la première à dénoncer.

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Pas moins de quatre mesures, sur les quinze proposées, concernent le renforcement des compétences et de l’indépendance du Conseil constitutionnel. La moins novatrice porte sur « la soumission au Conseil constitutionnel des lois organiques pour contrôle de constitutionnalité avant leur promulgation ». Comme le fait remarquer Babacar Guèye, professeur de droit public à l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, « cette disposition avait été supprimée par Abdoulaye Wade en 2001, il s’agit donc uniquement de la remettre en vigueur ».

Concernant l’indépendance de la haute juridiction, Babacar Guèye considère que « la proposition par le président de l’Assemblée nationale de 2 des 7 membres du Conseil constitutionnel » est une innovation « appréciable ». « Jusque-là, les sages étaient nommés de manière discrétionnaire par le seul président de la République ; désormais, le président de l’Assemblée proposera quatre noms au chef de l’État, qui en retiendra deux ». L’universitaire relève tout de même que « d’autres pays africains vont plus loin en la matière », comme le Togo, le Mali ou le Bénin, où trois autorités distinctes se répartissent la nomination des membres du Conseil.

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Selon Babacar Guèye, l’avancée la plus « incontestable » est « l’élargissement des compétences du Conseil constitutionnel pour donner des avis et connaître des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’Appel ». Une possibilité pour les citoyens sénégalais de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi à la faveur d’une procédure judiciaire, comme cela se pratique déjà au Bénin, au Niger ou au Gabon. Ces nouvelles prérogatives étant de nature à accroître de manière substantielle le nombre de recours soumis au Conseil constitutionnel, le projet de référendum prévoit également « l’augmentation du nombre des membres du Conseil constitutionnel de 5 à 7 ».

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Le projet de révision constitutionnelle propose d’inscrire de nouveaux droits et devoirs du citoyen dans la loi fondamentale. Les articles concernés indiquent notamment que « les ressources naturelles appartiennent au peuple et sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie », que « l’État et les collectivités territoriales ont l’obligation de veiller à la préservation du patrimoine foncier », et que « chacun a le droit à un environnement sain ». « Ce droit à l’environnement sain est déjà présent dans plusieurs lois, explique Haïdar El-Ali, ancien ministre de l’Écologie de Macky Sall. En revanche, l’inscription du devoir de protection des ressources naturelles et de l’environnement par le citoyen est une véritable innovation. Cela signifie que la Constitution protège désormais ceux qui s’engagent dans la défense de l’environnement. »

Cette réforme constitutionnelle introduit également le droit, pour les Sénégalais de l’étranger, d’être représentés par des députés dédiés à l’Assemblée nationale. Une disposition qui sera probablement appréciée par les dizaines de milliers de ressortissants de la diaspora. Enfin, la modification constitutionnelle garantit désormais aux candidats indépendants de pouvoir participer à toutes les élections.

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La principale mesure institutionnelle de ce projet de révision constitutionnelle est la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans à partir de 2019. Selon le nouveau texte, nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Une limite d’âge est également fixée à 75 ans pour toute personne souhaitant se présenter à l’élection présidentielle (alors que la Constitution actuelle n’établit qu’un âge minimum de 35 ans).

Au-delà de la promesse, non-tenue, de Macky Sall sur la réduction de son mandat en cours, les détracteurs du référendum dénoncent l’intangibilité des dispositions relatives au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du président de la République. Si la nouvelle Constitution est adoptée le 20 mars, ces dispositions ne pourront plus être révisées. « De quel droit pose-t-on ainsi un verrou définitif sur les choix des générations futures ? C’est une insulte à leur intelligence et à leur capacité d’innover », dénonce Amadou Tidiane Wone, un ancien ministre d’Abdoulaye Wade qui milite aujourd’hui contre cette mesure. Pour d’autres, en revanche, la question mérite d’être posée. Car depuis 1960, la durée du mandat présidentiel a déjà fait l’objet de cinq modifications constitutionnelles. Soit quasiment une modification tous les dix ans. « Cette notion d’intangibilité est une fausse solution à un vrai problème, plus profond : le manque de maturité des dirigeants politiques », balaie Amadou Tidiane Wone.

La révision constitutionnelle qui sera soumise au vote le 20 mars prévoit enfin la création d’une nouvelle institution, le Haut-Conseil des collectivités territoriales. Présenté par les autorités comme un organe de promotion de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement territorial, il s’agira d’une assemblée consultative dont la composition et le fonctionnement seront fixées ultérieurement par une loi organique… si le référendum est adopté.

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