La pub, victime collatérale de la révolution tunisienne

Privées de budgets depuis la chute de l’ex-président Ben Ali, les agences de publicité font grise mine. Les premières estimations anticipent de lourdes pertes pour le secteur.

Julien_Clemencot

Publié le 31 janvier 2011 Lecture : 2 minutes.

La chose ne choquait plus que les touristes en visite à Tunis. Place du 7 novembre, à deux pas du siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), tout puissant parti de l’ex-président Ben Ali, l’agence Karoui & Karoui avait renoncé à utiliser son panneau d’affichage librement. Et plutôt que de mettre la photo de l’ancien despote, on trouvait en permanence en quatre par trois le drapeau tunisien. « Plus aucune marque n’a lancé de campagne depuis le 14 janvier, la pub est au point mort », constate Hassen Zargouni, patron de l’agence de conseil et d’études en marketing Sigma.

Slogans révolutionnaires

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La raison en est simple, explique le spécialiste : « Pour communiquer, les marques ont besoin de stabilité, que la vie reprenne un cours plus apaisé. Elles ne veulent surtout pas être accusées de récupérer le soulèvement à des fins mercantiles ou être associées à des événements négatifs. » À la place des accroches publicitaires, ce sont de nouveaux slogans qui sont placardés sur les murs de la capitale, ceux des manifestants à la gloire de la démocratie.

Cette discrétion traduit aussi un ralentissement important de la consommation à cause des nombreuses destructions qui ont touché les entreprises et les commerces. Première grande surface de Tunisie, l’hypermarché Géant a été incendié lors des émeutes des 15 et 16 janvier. Son propriétaire, le groupe Mabrouk, qui a annoncé 15,4 millions d’euros de dégâts, estime qu’il faudra 10 mois pour le reconstruire. Un arrêt de l’activité qui s’est directement traduit par une perte sèche pour l’agence MMC-DDB chargée de réaliser ses campagnes. D’autres enseignes comme Monoprix ou Carrefour ont aussi annulé leur communication du mois de janvier.

Pour les agences de publicité le coup porté est donc rude, d’autant qu’il faudra bien pour elles continuer à payer leurs salariés. « Les plus grosses, comme Memac Ogilvy Label Tunisie, JWT Tunis, MMC-DDB ou FP7 McCann, parce qu’elles sont adossées à des réseaux mondiaux vont pouvoir passer le cap, assure Khaled Aouij, créateur du portail Prosdelacom.com. En revanche, les indépendantes qui emploient une quinzaine de personnes vont beaucoup souffrir. » Pour les professionnels de la communication, le manque à gagner sur 2011 sera très important, de l’ordre de 25 millions d’euros, estime Hassen Zargouni.

Débats à la place des réclames

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Un renversement de tendance d’autant plus dur à amortir que 2010 a été une année record, selon le cabinet Sigma, avec 96 millions d’euros d’investissements publicitaires, soit une augmentation  de 34, 2 % par rapport à 2009. Une explosion favorisée par l’irruption de nouvelles marques en recherche de notoriété comme Orange dans les télécoms ou Zitouna dans la banque. Mais aussi par la multiplication des canaux avec le redémarrage de Nessma TV depuis 2009, ainsi que le lancement des radios Shems et Express FM en 2010. Des médias dont les programmes sont actuellement complètement bouleversés par la révolution tunisienne.

Débarrassées du poids de la censure, les télévisions et radios enchaînent les émissions de débat au point qu’il n’y a plus sur leurs antennes d’écrans publicitaires. Un comble pour des stations commerciales. « Il est urgent de redéfinir les grilles afin que les marques puissent de nouveau trouver des espaces pour communiquer », constate Hassen Zargouni. D’autant que dès le mois de mars, les agences commenceront à préparer le prochain ramadan, l’événement commercial de l’année, qui concentre pour certaines entreprises plus de 40 % de leur investissement publicitaire.

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